APERÇU HISTORIQUE Selon
la chronique, le Mahavamsa, un groupe d’Indiens se proclamant "Fils
de Lion" (Sinhala, d’où leur nom de Singhalais (ou Cinghalais)
et l'emblème du lion figurant sur l'actuel drapeau) aurait débarqué
sur l’île le jour même de la mort du Bouddha (483 av. J.-C.).
Cette concordance appuie l’idéologie bouddhique présentant
le Sri Lanka comme le conservatoire de la foi bouddhiste, "l’île
de la Doctrine" (Dhammadipa). La légende voudrait que Bouddha se soit
rendu dans l'île à trois reprises. La réalité
historique est autre car ces visiteurs étaient sans doute hindouistes à
l'origine... Au VIe s. av. J-C, les Cingalais venant du nord de
l'Inde (région du Bebgale) s'installent sur l'île alors peuplée
par des aborigènes. De ces peuples anciens subsistent des groupes de Veddahs
dispersés dans l'île.
Ce n'est que trois siècles pus tard que le bouddhisme fut introduit
à l'instigation de l'empereur indien Ashoka par le moine Mahinda. Il s'agit
du bouddhisme primitif Hinayana dit du "Petit Véhicule". En
Inde, ce courant cède la place au Mahayana (ou "Grand Véhicule")
qui va se diffuser en Asie Centrale avant de disparaître devant l'hindouisme.
Au contraire, le bouddhisme, toujours dans sa forme Hinayana va se maintenir à
Ceylan d'où il va diffuser dans l'Asie du sud-est. Venue d'Inde, une
culture en langue pâli (langue indo-européenne apparentée
au sanskrit alors que le tamoul est une langue dravidienne) se développe
et c'est cette langue qui sert à l'écriture du Canon bouddhique.
Des envahisseurs tamouls du sud de l'Inde sont également venus
à la faveur de la barrière de corail du
pont d'Adam au Ier siècle av. J - C.
Destins croisés ! Ceylan hérita du bouddhisme des origines
que l'Inde lui avait transmis avant de retourner à l'hindouisme. Et
Ceylan est le cadre d'épisodes importants de la grande épopée
hindoue du Ramayana: le méchant Ravana enlève la noble
Sita, l'épouse de Rama (incarnation de Vishnu) qui finira par la délivrer
de sa captivité dans l'île de Ceylan. Le
pays était connu du monde antique occidental qui le désignait sous
le nom de Taprobane. Des objets et monnaies attestent d'échanges
avec le monde romain. Pendant plus d'un millénaire une société
agricole bâtit sa prospérité sur la maîtrise de l'eau
autour de l'antique cité (époque d'Athènes) de Anurâdhapura
(du IVe siècle av. J.-C. au XIe s.) et de Polonnâruvâ
(1070 - 1200), dans le centre de l'île. Sa quiétude fut troublée
par les incursions tamoules au IIe s. av. J-C ou encore au Ve s. mais
surtout celles du royaume tamoul des Cholas qui régnèrent au sud
de l'Inde du IXe au XIVe s. Un royaume tamoul vit même le jour dans
le nord de l'île (XIIIe-XVIe s.). Des petits établissements
musulmans apparurent sur la côte dès le XIe s. (les navigateurs
arabes tel Sinbad appelaient le pays Serendib). Dans les périodes
de prospérité ancienne, les rois du pays furent à l'initiative
de la création de réservoirs (lacs artificiels) permettant la culture
irriguée et ce dès le Ve s. av. J-C puis, à nouveau,
à partir du IIIe s.! Abandonnés au XIIIe s. en raison
des troubles, ils ne furent remis en état qu'à partir du XIXe s.
Anuradhapura, fut la capitale du IIes. av. J-C jusqu'au milieu
du XIe s. où ce rôle échu à Polonnaruwa. Cette
dernière ne le sera à son tour que pendant un siècle et demi.
Dans la période troublée du XIIIe au XVe s., la capitale déménagea
à sept reprises... La dernière capitale fut Kandy, à partir
de la fin du XVIe s. En fait souvent plusieurs royaumes concurrents se partageaient
le pays. La légitimité suprême revenant à celui
qui "contrôlait", par l'intermédiaire de communautés
monastiques, la fameuse Dent Sacrée (trouvée dans le bûcher
funéraire de Bouddha) ramenée clandestinement d'Inde au IVe s.,
cachée dans la chevelure d'une princesse, afin de la soustraire à
l'hindouisme (brahmanisme) en pleine expansion en Inde. Comment
un état cinghalais avait-il pu persister auprès de l'Inde voisine
et gigantesque, toujours prête à soutenir les Tamouls installés
au nord de l'ïîe? Selon notre guide, Sina, cela passait par de subtils
jeux d'alliances matrimoniales, les rois cinghalais épousant des princesses
tamoules du nord de l'île... Le pays passe sous le contrôle
des puissances coloniales européennes à partir du XVIe s.
(un premier bateau aborde l'île en 1505) d'abord intéressées
par le lucratif commerce des épices (cannelle notamment qui est typique
de l'île avec aussi la cardamome). L'évangélisation
était un autre motif de ce genre de conquête (destruction des temples!)...
Le littoral de l'île devient portugais avec la complicité du
royaume tamoul de Jaffna. Mais les conversions déplurent à cet allié
qui persécuta les premiers chrétiens lesquels par défi adoptèrent
des patronymes portugais! Les Portugais furent évincés par les
Hollandais au siècle suivant... Enfin, l'île passa rapidement sous
la domination anglaise à la fin du XVIIIe s. (soumission du royaume
de Jaffna dès 1796). L'Empire britannique fut maître de l'île
entière de 1815 (soumission du royaume de Kandy) à 1948 (année
de l'indépendance). Sous le nom de Ceylan, l'île devenue colonie
fut incorporée au British Raj (l'empire) en 1802. Les Anglais
après avoir conquis le centre de l'île y introduisent la culture
du café qui sera remplacé par le thé (et d'autres cultures
industrielles telle celle de l'hévéa) et aussi, par centaines de
milliers, de la main d'oeuvre tamoule du sud de l'Inde, donc hindoue, avec l'art
consommé bien British de "diviser pour régner".
Les influences diverses qui se sont exercées sur le pays ont produit
un mélange de religions:
bouddhisme (70%), hindouisme (15%), christianisme (8%) et islam
(7%).
Des
troubles nationalistes apparurent entre les deux communautés, cinghalaise
(près de 80% de la population) et tamoule, dès les années
1920, époque où un statut d'autonomie fut concédé
à l'île en 1931. La situation ne s'est pas améliorée
à partir de l'indépendance obtenue le 4 février 1948
(6 mois après ses grands voisins, Inde et Pakistan et, comme eux, l'île
les a alors rejoint comme membre du Commonwealth, institution qui réunit
actuellement 54 états dans le monde). Une erreur fondamentale fut alors
de déclarer apatrides les 900 000 Tamouls d'origine indienne (beaucoup
descendant des travailleurs des plantations arrivés au XIXe s). Autre
tare de naissance, la reconnaissance du cinghalais comme seule langue officielle.
Les Tamouls, plus cultivés, sur lesquels s'appuyaient les Britanniques
escomptaient 50 sièges de députés alors qu'il ne leur en
fut octroyé que 8... Les réformes ultérieures prises
pour corriger certaines de ces erreurs viendront trop tard. De
1959 à 1965, une femme, Sirimavo Bandaranaike est la première femme
chef de gouvernement d'un Etat (avant Indira Gandhi, dans le pays voisin). Elle
sera réinvestie de 1970 à 1977 (puis de 2000 à 2004).
A l'occasion de la réforme constitutionnelle de 1972, Ceylan est devenue
République démocratique socialiste du Sri Lanka, nationalisations
et réforme agraire, faveur donnée au bouddhisme et à la langue
et à la culture cinghalaise, renvoi des 2/3 des "Tamouls indiens"
(politique infléchie à partir de 1977 et surtout de 1988)...
Dans le domaine politique, la compassion bouddhiste semble avoir ses limites (comme
dernièrement en Birmanie)! Dans la mesure où, au départ,
seule la langue cingalaise eut le statut de langue officielle, la
dualité fut instaurée trop tard, en 1977. En effet, cela n'a pas
empêché le déclenchement d'une véritable guerre civile
menée par les ''Tigres'' apparus en 1975 (TNT). Le régime politique
a été réformé en 1978, passant d'un régime
parlementaire à un régime présidentiel. Après
avoir eu les sympathies de l'Inde, l'armée indienne est intervenue en 1987-90
face aux Tamouls sri lankais et aux côtés des forces gouvernementales
pour tenter d'apaiser le conflit, pendant le gouvernement de Rajiv Gandhi (1984-89,
succédant à sa mère assassinée). Mais cela n'a fait
que mécontenter les Tamouls et l'implication du Premier Ministre indien
dans ce conflit fut sans doute la cause de son assassinat par un indépendantiste
tamoul dans un attenta-suicide perpétré en 1991. L'Inde perdit
1200 soldats dans cette intervention inefficace. A partir de 1981, l'opposition
tamoule "des Tigres" (LTTE) s'affirme de plus en plus violente. Basés
dans le nord (où ne vivent que 300 000 des quelque 2,5 millions de
Tamouls du pays), ils vont continuer à déstabiliser le pays.
En 1993, deux ans après l'assassinat de Rajiv Gandhi, et pour la même
cause, le président cinghalais Ranasinghe Premadasa fut assassiné
à son tour.
Au début des années 1990, quelque 90 000 musulmans
ont été déplacés des des districts du nord de l'île
et croupissent dans des camps du gouvernement. Sirimavo Bandaranaike,
déjà deux fois chef de gouvernement (de 1959 à 1965 et de
1970 à 1977) fut réinvestie de 2000 à 2004 (année
de son décès). Son successeur, anciennement Premier Ministre,
Mahinda Rajapakse, tenant d'une ligne dure face aux rebelles, est un farouche
partisan de l'unité nationale.
En
2007, 130 000 personnes ont été déplacées en
raison des troubles et 7 000 ont trouvé refuge dans le sud de l'Inde.
Bien que ponctué de cessez le feu, le conflit larvé se perpétue
(ont été médiatisés en France les attentats d'Anuradapura
en 2006 et de Colombo à la fin de 2007). En fait, rien que sur une période
récente, la série est longue, 29 novembre et 6 décembre 2007,
8 janvier et 16 janvier 2008. Cette forme violente d'attentats-suicides vise à
faire des victimes civiles. De ce fait depuis quelque temps sont rendues inaccessibles
aux touristes les régions du nord , en particulier un site majeur du pays,
celui de Anurâdhapura, première capitale de l'île et grand
lieu de pèlerinage bouddhique. D'ailleurs à la suite de l'attentat
meurtrier de janvier à Colombo, le gouvernement à forte coloration
nationaliste cinghalaise, rompant le cessez le feu de 2002 sous l'égide
de la Norvège, a lancé des bombardements de représailles en
janvier 2008. Ajoutons à cela, comme l'indique un entrefilet publié
dans l'Express, qu'un petit pays tel que le Sri Lanka est pourtant l'un des pays
du monde où l'on compte le plus d'enlèvements et de disparitions: 2500 au cours
des deux dernières années!
La
spirale de la violence n'en a pas été rompue, bien au contraire,
puisque les 2, 3 et 4 février 2008, avant-veille, veille et jour du 60ème
anniversaire de l'indépendance du pays, au
moins 4 attentats meurtriers ont encore eu lieu dans la région de Dambulla,
à Colombo (gare et zoo) et même à 235 km au sud de la
capitale, soit 4 jours seulement avant la date de départ pour notre circuit...
En plein milieu de notre séjour, le 12 février, une bombe tuait
deux policiers dans le nord du pays... Les rebelles frappent désormais
dans n'importe quelle région.
IL
N'Y A PLUS DE SANCTUAIRE OU L'ON PUISSE SE CONSIDERER EN SECURITE.
Ainsi, les insurgés tamouls se livrent depuis 30 ans à une
guérilla (recours à des enfants-soldats, enrôlement
de force de musulmans vivant dans les secteurs sous leur contrôle) contre
l'armée gouvernementale et au terrorisme visant les populations
(persécutions ethniques...).
En 2009, fin du conflit et écrasement des Tigres,
le bilan s'élève à plus de 100 000 morts dont 40 000 civils lors de
l'assaut final (usage de bombes à fragmentation = crime de guerre...). Aux malheurs ethno-politiques de ce petit pays,
il faut encore ajouter le désastre qu'a été
le tsunami du 26 décembre 2004 dont la vague de 10 m. de haut a
ravagé les côtes. Malgré tout, il faut reconnaître
que ce pays est l'une des premières authentiques démocraties établies
en Asie. |