Région centrale des HAUTES TERRES Ifaty - forêt des baobabs Parc National de l'Isalo Manakara, l'extrémité sud du Canal des Pangalanes Parc NatIonal de Ranomafana FIANARANTSOA Ambalavao Toliara (Tuléar) Mines de saphir d'Ilakaka

Vers le Grand Sud par la RN 7
1 - Parc National de l'Isalo
2 - Ilakaka
3 - Toliara
4 - Ifaty Forêt des baobabs
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LES ZEBUS

Ce bovidé (Bos taurus indicus) est originaire de la péninsule indienne où il fut domestiqué il a de 6000 à 8500 ans. Il se serait diffusé vers l'Afrique en passant par le l'Arabie et le Proche-Orient il y a 3000 ou 4000 ans. Son introduction à Madagascar est beaucoup plus tardive (et pour cause puisque le premier peuplement de l'île ne remonte qu'à 2000 ans) avec les migrations de populations bantoues et arabes au premier millénaire de l'ère chrétienne (VIIe-VIIIe s.). Quant aux boeufs africains sans bosse "Barea" ou "Baria" (Bos taurus africanus), ils ont disparus, chassés et croisés avec les zébus.
Les éléments culturels autour du zébu  par le symbolisme religieux et le statut qui est conférés au bétail mêlent
 un héritage africain et et un culte des ancêtres attaché aux civilisations asiatiques qui sont à l'origine de la civilisation malgache.

UNE RICHESSE...

Il n'y a pas deux fois plus de zébus que d'habitants comme l'un de nos guides a pu le dire, ni même autant que d'habitants comme on peut le lire parfois. En fait on en compte environ 10 millions soit à peine un pour deux habitants. Il est vrai que très longtemps, il y avait d’avantage de zébus que d’habitants ! mais les proportions se sont inversées aujourd’hui.

Néanmoins le zébu est omniprésent dans le décor. En témoignent les immenses troupeaux qui, du Sud remontent jusqu’aux portes de la capitale. Les gardiens qui parcourent en plusieurs semaines des centaines de kilomètres le long de la RN7 auraient un intérêt commercial à transporter leurs bêtes en camion mais ils se plient au poids de la tradition…
Au-delà de la viande qu’il procure, le zébu est l'objet de vénération et très souvent associé à des rites cultuels (sacrifices). A l'occasion d'évènements rituels comme la première coupe des cheveux d'un enfant (à deux mois), la circoncision, le décès et surtout le "retournement de mort" (famadihana), selon le nombre d'invités et donc selon la richesse de l'invitant, on tue des veaux ou des zébus. La fête peut réunir 1000 invités et conduire au sacrifice de 5 zébus...
Bien plus qu’un simple capital, le zébu est le symbole de toutes les valeurs. La couleur de sa robe exprime les circonstances joyeuses ou douloureuses de la vie. Les bucranes (crâne et cornes) ornent les tombeaux et leur nombre est alors en rapport avec la puissance du défunt. C'est pourquoi chez les Mahafaly, des"aloalo" ornent également les tombes. Il s'agit de sculptures totémiques racontant la vie du défunt et présentant le dessin de zébus.

Les zébus représentent souvent la seule richesse d'une famille et constituent la principale source de viande. La valeur d'un seul animal équivaut à près de deux ans de salaires d'un petit employé ! Le prix moyen d'un animal est de l'ordre de 800 000 à un million d'Ariary. Dans l'actuel contexte d'insécurité, les éleveurs du sud en sont réduits à brader leur cheptel à la moitié de ce prix.
C'est un signe extérieur de richesse, un patrimoine, une réserve plutôt qu'une véritable source de revenu car l'animal n'est peu adapté aux gros travaux agricoles et ne produit guère de lait.
Ce cheptel augmente de 0,8% par an (soit 800 000 têtes). Au niveau du pays, la valeur totale de ce cheptel est estimée à 4,5 milliards d'euros.

En raison de l'accroissement démographique, les basses terres ont été transformées en rizières et en cultures vivrières ce qui a conduit à la réduction des pâturages productifs. Ne disposant plus que de pâturages pauvres sur les terres hautes, maigres et soumises à la sécheresse, il n'est pas possible d'entretenir de gros animaux (il faut disposer de 8 ha par bête au lieu de 3 ha dans le contexte ancien).
Si malgré tout les effectifs se maintiennent, la qualité se dégrade et le poids moyen des zébus adultes baisse, passant de 250 à 180 kg. Dans ces conditions il ne faut pas s'étonner de voir usage limité qu'on en fait comme outil de travail: traction de petites charrettes ou au piétinement des rizières inondées avant repiquage. Ces bêtes n'ont pas un poids suffisant pour tirer une charrue.
Les femelles ne donnent naissance qu'à un veau toutes les années et demie et un bon tiers des veaux meurent peu après leur naissance (le taux de mortalité des veaux est en effet estimé à 25%, soit 150 000 têtes par an). De plus, il semble que l'on conserve dans les troupeaux un nombre excessif de mâles par rapport aux nécessités de la reproduction, donc au détriment de la production laitière (très faible avec 3 à 4 litres de lait par jour en période de lactation).
Dans les régions à sols riches alluvionnaires, le cheptel pourrait être amélioré par croisement et ainsi permettre de disposer d'animaux de trait (comme on le verra du côté d'Andasibe). A l'opposé, dans les régions de savane à faible pluviométrie, il faudrait importer des "veaux démarrés" venant de régions naisseuses afin qu'ils puissent profiter du reverdissement des pâturages à la saison des pluies (à partir de janvier) et atteindre un poids critique leur permettant de se développer au cours des trois années suivantes.

...CONVOITEE !

En pays bara, le vol de l'animal vénéré, le zébu, était une tradition villageoise consistant pour les jeunes gens à prouver leur virilité, un rite non violent de passage à l'âge adulte, preuve de courage et de force. L'adolescent gagnait ainsi le respect de sa communauté... surtout si son exploit finissait en prison !

Mais les vols de zébus qui défraient désormais
(le phénomène est apparu dans le années 1970) la chronique malgache ont pris la dimension d'un vaste trafic sanglant. En quelques mois, plus de 14 000 têtes de bétail ont été volées. Chaque année quelques 200 000 zébus seraient ainsi dérobés dont le tiers est retrouvé et restitué à leur propriétaire !

Aujourd'hui, le dahalo ne vole plus pour la gloire mais pour l'argent. Il ne s'empare plus d'un animal avec son courage pour seule arme mais de troupeaux entiers avec d'innombrables comparses en bandes organisées munis de kalachnikovs et fusils d'assaut. Il a les traits d'un jeune paysan du sud ayant fini son service militaire, sans perspectives. Il arrive qu'un notable, un militaire ou un homme d'affaires lui propose d'utiliser son savoir acquis dans le maniement des armes à ces fins criminelles. Ils bénéficient aussi de complicités parmi les populations, et plus haut encore, dans l'administration (dulzulo anzbony lutubatra ou bandits de bureau) et dans l'armée.

Depuis juin 2012, une difficile traque de ces bandits qui attaquent les villages  a été entreprise dans les régions d'Atsimo-Atsinanana et d'Anosy et en juillet près d'une centaine de bandits ont été arrêtés. Mais leur chef, l'insaisissable Remenabila, continue de se terrer avec ses hommes dans les zones inaccessibles du sud de l'île. Sa tête a été mise à prix par les autorités qui offrent une prime colossale de 100 millions d'Ariarys (36 000 euros) à qui le livrera "mort ou vif" et seulement 20 millions d'Ariarys (7 000 euros) à qui indiquera où il se cache. Il a même été fait appel à l'armée pour lutter contre ce fléau mais ont peu rester sceptique sur l'efficacité de cette action quand on sait à quel point existe une porosité entre les représentants de loi et ceux qui l'enfreignent.

Ces voleurs de zébus en bandes organisées ont l'habitude de prévenir les villageois qu'ils vont les attaquer afin de les intimider et ainsi avec l'espoir de ne rencontrer aucune résistance de leur part.
Ce premier week-end de septembre 2012, dans l'arrière-pays de Fort Dauphin, les choses ne se sont pas déroulées selon ce plan car les éleveurs ont tendu une embuscade aux voleurs. Elle a fait près de 100 morts dont 90 bandits appartenant à une bande d'environ 130 voleurs lors de deux opérations punitives menées par des villageois. Ce massacre a eu lieu dans une zone d'accès malaisé de l'arrière-pays de Fort Dauphin. Sur les quelques 100 zébus, les villageois en auraient récupéré 98.
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Nous avons tout à fait quitté les Hautes Terres.


Et toujours la Nationale 7

Une bonne surprise et un sujet d'étonnement, l'état de la Nationale 7 est meilleur maintenant. Sans doute faut-il considérer que ce n'est parce qu'on en prend meilleur soin mais simplement parce que plus on s'éloigne de la capitale et moins le trafic y est intense et donc l'usure qui va avec...

Et le paysage ? Un monde minéral, ocre rouge, avec des reliefs vigoureux. Il fait chaud en milieu d'après-midi, 30°. Sans doute un peu de monotonie et de fatigue car la précédente étape était déjà lointaine. C'est sans doute ce qui est arrivé au taxi-brousse qui a raté un pont (rappelons qu'ils ont un gabarit réduit) et s'est retrouvé à moitié retourné, dans la petite rivière en contrebas, peu après avoir passé les rochers des Portes du Sud.

Vers 16h30, se dresse devant nous une curieuse montagne formée par la superposition de deux blocs arrondis et aplatis. Il s'agit du "bonnet de l'évêque", une sorte de calotte posée sur un crâne.

RN7 entre Ambalavao et Ranohira RN7 entre Ambalavao et Ranohira RN7 entre Ambalavao et Ranohira
RN7 entre Ambalavao et Ranohira RN7 entre Ambalavao et Ranohira RN7 entre Ambalavao et Ranohira

Le jour décline vite, il est 17h15. Barrage de police que nous franchissons sans contrôles puis Dominique fait un appoint de carburant à Ihosy ([ioutch]), toujours aussi cher, 1€ le litre (2760 MGA).
Notre route va longer le Plateau d'Horombe, sur notre gauche mais notre chauffeur a d'autres préoccupations car il nous précise que nous nous trouvons maintenant au coeur de la "zone rouge" ou sévissent les bandes de voleurs de zébus et autres détrousseurs de grand chemin.

Arrivée à l'Isalo Ranch

Comme la nuit devient bientôt complète c'est avec soulagement que l'on arrivera à destination à l'Isalo Ranch à 18h30, sans avoir aperçu toutes les beautés du "Colorado malgache", avec juste un bref arrêt à Ranohira où Dominique nous présente à notre guide Méthode (s i! si ! c'est son nom) pour la journée suivante dans le Parc National.

Après la toilette bien nécessaire après cette très longue journée (qui, rappelons-le avait commencé par la visite du Parc National de Ranomafana) nous avons bon appétit lorsque nous nous installons pour dîner au restaurant de l'hôtel où nous sommes en demi-pension pendant deux journées. D'aucunes jouent la prudence avec un potage aux croûtons. Plus téméraire, j'opte pour une jolie présentation avec brochette de croûtons et de petites tomates farcie d'une macédoine ainsi que de concombres recouverts d'une sauce froide.
En plat principal, on optera soit pour la côte de porc grillée nappée d'une sauce, soit d'une darne de tilapia. Accompagnements identiques: petites carottes, petits oignons et riz délicieusement cuisiné. En dessert, on a opté soit pour une tarte accompagnée d'une sauce genre crème anglaise (avec signature "Isalo Ranch" à la sauce chocolat !) soit pour une île flottante.

RANOHIRA à l'Isalo Ranch RANOHIRA à l'Isalo Ranch
RANOHIRA à l'Isalo Ranch RANOHIRA à l'Isalo Ranch

A 5 km de la bourgade et à 200 m de la nationale et après un court épisode de "tempête de vent" vers 21h30, la nuit sera calme dans notre confortable bungalow familial à deux chambres avec sanitaires partagés. Electricité d'origine solaire contingentée ce qui signifie de mettre les batteries à recharger dans la salle du restaurant qui reste alimentée. L'hôtel compte une vingtaine de bungalows.

6 heures du mat !
Premiers regards sur l'environnement. Nous avons une terrasse orientée vers l'ouest ce qui nous offre une vue splendide sur des reliefs tabulaires du plateau de Keliambahatsy éclairés par le soleil matinal. Un petit air de Monument Valley.... Le début d'une merveilleuse journée.

RANOHIRA à l'Isalo Ranch RANOHIRA à l'Isalo Ranch
RANOHIRA à l'Isalo Ranch RANOHIRA à l'Isalo Ranch

 

Le jardin permet de faire connaissance avec quelques plantes grasses ou épineuse ("Epine du Christ") de cette région semi désertique. Plantes étranges avec un tronc renflé, non pas des baobabs nains mais des pachypodiums, ce qui ne signifie pas "pied d'éléphant" mais "pied épais". Statues érotiques provenant de tombeaux, la statue masculine n'était pas émasculée à l'origine comme en témoigne l'absence localisée de patine...



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Parc National de l'ISALO

Petit-déjeuner rapidement avalé car nous avons rendez-vous au village de Ranohira ([ranouhir]) à 7 heures avec notre guide Méthode. Sur le court trajet, étrange spectacle d'un camion remorquant un bateau stationné au milieu de nulle part, en tout cas bien loin d'un rivage.

RANOHIRA et le Parc national de l'Isalo

Arrivés à Ranohira, en attendant notre guide, nous faisons quelques pas sur la place du village et on voit un grand calicot annonçant que dans deux jours se tient à Ranohira une Journée Internationale du Tourisme avec orientation à la mode du jour, "le durable". Une jolie demoiselle, "Petit Nalit dit Felana", en profite pour distribuer sa carte de professionnelle en "massage général et spécial".


Présentation de notre guide Méthode et du Massif de l'Isalo


A 7h15, nous embarquons Méthode et, après 25 minutes de piste, on nous dépose pour l'aventure pédestre, munis des chaussures adéquates et de deux litres d'eau. Par ailleurs, c'est une randonnée facile, à portée de tout "petit marcheur".

Notre guide Méthode en quelques mots.
D'origine Betsileo, catholique, bien intégré en pays Bara, il a 53 ans et exerce le métier de guide depuis 1992. Il s'exprime parfaitement et est toujours attentif à la forme et aux attentes de ses clients. Quand il ne fait pas ce travail, il redevient paysan.

Et quelques autres mots sur l'Isalo.

C'est un massif gréseux taraudé par l'érosion qui lui donne un aspect ruiniforme, orienté en gros nord-sud qui s'étend sur 180 km de long par 20 km dans sa partie la plus large. Il couvre 116 000 ha dont 70% sont intégrés au Parc National géré par le Madagascar National Parks (MNP. Créé en 1962, le parc a été ouvert au public en 1992.La végétation de base est celle d'une savane à palmiers satranas d'où émergent des arbres appelés tapias qui résistent au feu. La flore du parc compte quelque 400 espèces. Quant à la faune, on dénombre 14 espèces de lémuriens diurnes et 77 espèces d'oiseaux
Environ 10 000 personnes vivent autour du Parc et près de 20 000 visiteurs y viennent chaque année. L'accès au Parc n'est possible qu'accompagné d'un guide agréé. Méthode nous confirme que malgré son expérience, il pourrait se perdre dans les secteurs qui lui sont moins familiers.
L'incendie survenu le 17 septembre 2010 a ravagé 8% du parc malgré l'intervention de plus de 600 personnes pour lutter contre le sinistre.

 

Isalo: plateau et canyons, falaises aux tombeaux et Piscine Naturelle

Pendant que nous attaquons la montée vers le plateau, Méthode nous fait observer un Coucal Toulou en plumage nuptial, tout noir sauf les ailes roux vif. Plus loin, dans les branches supérieures des arbres, on apercevra de façon fugace nos premiers makis cattas partis en quête de leur pitance (des fruits). On a juste le temps de bien remarquer leur magnifique queue annelée présentant une succession de stries noires et blanches.

Certaines grottes des falaises sont obstruées par des murets de pierre. Il s'agit de tombeaux. Les plus bas et les plus accessibles, sont des lieux d'inhumation provisoire tandis qu'après le "retournement" du mort, le tombeau définitif se trouve placé dans une grotte plus difficilement accessible (il est vrai que les restes humains à y transporter sans moins conséquent).



Dans l'Isalo, le RETOURNEMENT DES MORTS chez les Bara

Les premières funérailles (fandevenana) font passer du monde des vivants à celui des morts. Cérémonie triste et strictement familiale.
Par contre, après disparition plus ou moins complète des parties corruptibles, la seconde inhumation dite "retournement des morts" (famadihana) fera passer le défunt dans le monde des ancêtres (drazana), le nom du défunt devient tabou (fady) et on lui donne un nouveau nom. Ainsi, au-delà du cérémonial macabre, s'esquisse un véritable culte des ancêtres qui n'est pas sans rappeler les civilisations asiatiques à l'origine de la civilisation malgache.

Cette étrange pratique malgache des double funérailles, ne serait apparue et en tout cas généralisée qu'au XVIIe s. (comme d'ailleurs la pratique de la circoncision) d'après Wikipédia qui pourtant ne manque pas de la relier à des traditions du sud-est asiatique (pour notre part, nous avions été étonnés par la survivance d'une pratique un peu similaire dans les campagnes du Tonkin, dans le nord du Vietnam, ou  également à Bali). Ne serait-elle donc pas bien plus ancienne puisque le fond du peuplement malgache est venu d'Asie ?


Si l'on n'en reste qu'au niveau de l'expression "retournement", on peut se demander de quoi il peut bien retourner. S'agirait-il simplement de retourner comme une crêpe ce qui reste du défunt (par exemple de passer de face tournée vers le haut à face retournée vers le bas) ?
Le retournement consiste à ressortir les restes du mort de son tombeau entre trois et sept ans après les premières funérailles. Généralement d'autres retournements suivent à un rythme plus espacé, variant selon les tribus entre entre cinq et dix ans (par exemple, sur les Hautes Terres, trois ans pour le premier retournement puis sept ans par la suite). Méthode nous expliquera que ce n'est pas le cas ici chez les Bara où un unique retournement est de rigueur. Ces cérémonies se déroulent en hiver, de juillet à septembre.

En ce qui concerne la pratique des Bara de cette région, Méthode explique qu'un groupe d'hommes valides grimpent jusqu'à la grotte qui a servi de lieu d'inhumation provisoire afin de récupérer les restes du corps, en veillant à ce que ne manque aucun des taolam-balo, "les huit os fondamentaux" (humérus et cubitus des deux bras ainsi que fémur et tibia des deux jambes)
enveloppés dans une natte tsihy qui sera portée par deux hommes qui font sept fois le tour du tombeau avant de l'emporter vers la demeure familiale en procession alors qu'un groupe de proches, hommes, femmes et enfants, l'accompagne en chantant et en jouant de la musique. Au village, les femmes se partagent les morceaux de nattes et lamba qui emmaillotaient le défunt car ils ont un pouvoir de fécondité. Elles ont aussi la charge macabre de gratter les os pour en détacher les lambeaux de chair, peau et tendons desséchés, puis les os sont lavés avant d'être enduits avec de la graisse de bosse de zébu afin que le zébu tienne compagnie à l'ancêtre (dans d'autres contrées, c'est une onction de miel). Selon la richesse de la famille, c'est alors l'occasion des festivités villageoises qui peuvent durer jusqu'à trois jours et amener au sacrifice de quatre ou cinq zébus. La musique, les chants et danses se mêlent au sacrifice de zébus qui est suivi du banquet réunissant les invités qui font une offrande en monnaie, tabac, riz, rhum,  photos... à la famille organisatrice. Au cours de cette cérémonie, on mime un combat dont le mort est l'enjeu, en le tirant de tous côtés et on lui fait faire des tours sur lui-même afin qu'il ne reconnaisse pas le chemin du village. On prononce aussi un discours en mémoire du défunt, destiné aux vivants. Après quoi, les ossement  habillés  d'un lamba (linceul) Mena neuf sont placés dans un cercueil  neuf qu'un groupe d'hommes conduit au lieu de sépulture définitif. Le cortège comprend les parents du mort et un orchestre de 3 à 5 musiciens qui chantent et jouent de la  musique (flûtes et tambours). Tout au long de la route on organise des danses, on exhibe ce corps, on proclame hautement l'honneur des descendants. C'est l'astrologue qui a tracé l'itinéraire du cortège. Des plaisanteries sont échangées avec les personnes rencontrées et même parfois avec le mort ! A l'arrivée du cortège au caveau familial, seul endroit où le défunt pourra reposer en paix, les restes du défunt sont brandis à bout de bras par des dizaines de personnes, puis jetés en l'air et emportés dans une farandole effrénée (dans d'autres contrées de plaine où les tombeaux sont en maçonnerie, la dépouille doit encore faire sept fois le tour du tombeau)  avant d'être déposés dans une grotte réservée à une famille située plus haut (donc plus inaccessible) dans la falaise.

Voilà, l'ancêtre s'en est ainsi RETOURNÉ à sa nouvelle demeure
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Accompagné de ces visions morbides, bientôt nous mettons pied sur le plateau, encadré de quelques crêtes et défoncés par des canyons, un paysage lunaire ou plutôt martien en raison des couleurs chaudes. Certains pachypodiums nains ont même réussi à s'installer carrément à flanc de falaise. Le renflement de la base de leur tige renferme une matière spongieuse qui stocke l'eau absorbée à la saison des pluies (eau non consommable pour les humains !). En cette saison, ces arbrisseaux sont dépouillés de son feuillage et leur floraison jaune va disparaître dans quelques semaines pour céder la place aux feuilles.
Plus loin, une vieille souche a été disposée comme un bucrâne, un crâne sacré de zébu surmonté de ses cornes. Méthode nous arrête près d'un buisson qui ne possède plus que quelques grandes feuilles. A nous d'y dénicher un grand et étrange insecte. Pire que de chercher une aiguille dans une meule de foin, pourtant ici les brindilles ne sont pas en nombre. Un indice: quel angle les branchettes forment-elles avec la branche qui les porte ? Un angle aigu orienté vers le haut direz-vous et vous aurez vite la solution car certaines branchettes semblent tournées vers le bas. En fait il s'agit des pattes antérieures d'un phasme, tête dirigée vers le bas. Parfait camouflage.

Un rocher déchiqueté de la falaise évoque une gueule de crocodile ou plutôt de quelque monstre préhistorique aux dents acérées. Toujours des tombeaux, une maigre végétation où l'on peut voir une parente des kalenchoes de nos fleuristes. Nous atteignons une nouvelle crête avec vue imprenable à 360° (mais avec la technologie qu'est-ce qui n'est plus imprenable ?). Paysage similaire à perte de vue, crêtes et plateaux entrecoupés de canyons.

RANOHIRA et le Parc national de l'Isalo 
RANOHIRA et le Parc national de l'Isalo 
RANOHIRA et le Parc national de l'Isalo

La falaise que nous abordons est parfaitement mise en valeur par la lumière matinale qui réveillent ses ocres et révèlent les formes étranges résultant d'une érosion ruiniforme de ce massif gréseux: becs et cavités mais dans un dessin beaucoup plus brutal que ce que l'on peut observer sous d'autres latitudes (par exemple à Pétra, en Jordanie). Par endroits, la roche carrément rouge voisine avec les traînées jaunes des lichens. Ce qui pouvait passer pour une tête d'aigle vue de loin, peut de plus près faire penser plutôt à une tortue.

Au sol, résultant de l'érosion, une roche évoque étrangement la forme de la Grande Île tandis que nous sentons comme surveillés par les orbites menaçantes d'un barbare gothique genre "skull warrior". Encore un tombeau provisoire, dont le cercueil en fer blanc (signe manifeste de la richesse de la famille du mort) dont on voit encore les peintures décoratives, a été abandonné sur place après avoir été vidé.

Pour changer, à l'approche d'un canyon, de la fraîcheur.
Un ruisseau aux eaux émeraudes dont savent tirer parti quelques fougères et de beaux spécimens de pandanus. Un peu plus loin il tombe en cascade dans la Piscine Naturelle où un jeune couple déjà arrivé va bientôt nous céder la place. Il est 9 heures, nous avons marché tranquillement pendant une bonne heure et quart soit le modeste parcours d'environ 3 kilomètres. Quelques précautions pour ne pas glisser en descendant vers le petit plan d'eau.
Une petite demi heure de baignade et il faut repartir car un peu long et monotone parcours sur le plateau dénudé va suivre avant la pause déjeuner.

Nous longeons un moment le canyon avec ses pandanus et autres palmiers-bambous, avant de nous engager au coeur du plateau aride tandis que nous voyons débouler une horde de touristes descendant de la crête que nous avions passée il y a maintenant plus d'une heure. Ouf ! Ils se contenteront sûrement d'un aller-retour à la Piscine Naturelle.
Végétation rabougrie d'herbes, plantes grasses (kalanchoes et haworthias) et pachypodiums. Quant au règne animal, on retrouve une nouvelle fois l'araignée géante néphile. Courte pause à l'ombre pour se rafraîchir et observer des nids de fourmis Crematogaster ranavalonis curieusement accrochés dans les arbres et présentant l'aspect de carton. Puis un caméléon dont on peut observer l'extraordinaire capacité à mouvoir ses yeux de façon indépendante, "l'un tourné vers le passé et l'autre vers l'avenir" comme on dit ici. En revanche nous ne verrons pas de scorpion.
Nous arrivons dans la zone du Canyon des makis sérieusement endommagée par l'incendie de 2010 dont les traces sont bien visibles. On peut admirer la capacité de résistance au feu de certains petits arbres, tapias (Uapaca bojeri), dont les feuilles servent de nourriture aux larves de landibe, les vers à soie sauvage. Cela tient à l'épaisseur de son écorce, tout comme pour les chênes-lièges de nos forêts méditerranéennes.
Dans un coin encore vert d'un canyon, il faut avoir l'oeil expert de Méthode pour apercevoir au loin deux superbes et grands lémuriens sifakas blancs à taches noires (ou propithèque de verreaux). Déception mais c'est partie remise pour un autre jour. Jolis arbustes épineux aux fleurs rouge corail retombant en cascades, ressemblant à un flamboyant, l’érythrine à crête de coq (Erythrina crista-galli), originaire d'Amérique du sud. Son nom vient de ses fleurs en forme de crêtes de coq (en latin crista galli).

 

Isalo: un super pique-nique au bivouac de Namaza

Après deux heures de marche et être descendus dans un canyon, nous arrivons à l'aire de bivouac de Namaza où l'on est en train de nous concocter un pique-nique amélioré (mais non compris dans le forfait cette fois). Sous une paillote voisine, les foyers sont allumés et des porteurs ont assuré le ravitaillement en charbon et en denrées. Avec sa nappe en tissu imprimé, la table est solidement dressée puisqu'il s'agit d'une grossière maçonnerie de blocs de pierre formant table et bancs.

Midi ! Le déjeuner est servi. Au menu: une salade de carottes et haricots émincés avec un demi oeuf dur, 2 ou 3 boulettes (par convive) de viande de zébu à la sauce tomate, accompagnées d'un riz genre cantonaise, avec morceaux de carottes et haricots verts et des petits pois et en dessert 2 ou 3 tranches d'ananas. Tarif: 18000 MGA soit 6,50€ par personne, hors boisson).
Un intermède en cours de repas résulte de l'irruption dans le voisinage d'un inoffensif serpent des arbres (snake tree) qu'un pisteur récupère sans crainte afin de le porter dans un lieu plus écarté, pour la tranquillité de l'animal et pour la nôtre.

Avant 13 heures, nous attaquons la seconde phase de notre programme, la Cascade des Nymphes qui remplace le parcours dans le Canyon des makis.

Isalo: Cascade des Nymphes, Piscine Bleue, Piscine Noire... et makis cattas

Bon plan pour l'après-midi: marche au frais le long d'un ruisseau et en une demi-heure nous sommes arrivés à la Cascade des Nymphes. Ambiance fraîche où ne nous attarderons guère plus d'un quart d'heure car nous décidons d'opter pour l'option à 20 000 MGA/personne pour nous conduire à la Piscine Bleue et à la Piscine Noire soit environ 3 kilomètres de plus, en empruntant toujours le lit presque à sec des rivières.
Trois quarts d'heure pour atteindre la superbe Piscine Bleue qui en réalité semble plutôt verte. Un petit effort supplémentaire de quelques minutes nous amène à la mystérieuse Piscine Noire.

Parc de l'ISALO, la  "Piscine Bleue" Parc de l'ISALO, la  "Piscine Noire" Parc de l'ISALO, la  "Piscine Noire"



Vers 14h45, nous redescendons le lit de la rivière en direction de la zone de bivouac pique-nique de Namaza où nous sommes de retour un peu avant 15 heures. Et là, quel plaisir de pouvoir admirer trois groupes de makis cattas comptant chacun une douzaine d'individus en pleines agapes florales au-dessus de nos têtes. Chaque groupe a un territoire de 6 à 9 hectares et il se déplace quotidiennement sur près d'un kilomètre au sein de ce territoire. Tout en mangeant ils émettent des cris divers, sortes de ronronnements, grognements, grincements, ronflements, crachements et miaulements.
Il y en a partout, ça vole littéralement d'arbre en arbre. Ils jouent aux équilibristes en mangeant les fleurs et en emportant leur petit. Nous nous régalons de ce spectacle pendant une demi-heure, "en esquivant les catas que pourraient provoquer sur nos frusques les cacas lâchés par les cattas".
Ces lémuriens sont polygames et leur régime alimentaire est de type omnivore opportuniste, avec une large base de produit végétaux (fruits surtout) et accessoirement d'insectes (tels les phasmes) et larves. Ce sont les lémuriens qui ont l'organisation sociale la plus poussée. Les groupes sont dirigés par une ou deux femelles. Ils communiquent également beaucoup par signaux à l'aide de leur queue.


En descendant vers le parking nous pouvons observer de près un iguane à queue épineuse (Oplurus quadrimaculatus).

Nous reprenons la piste vers 15h45 et ravis pour ses prestations, nous déposons Méthode au bourg de Ranohira, sur notre chemin et nous revoici à l'Isalo Ranch.


Retour à l'Isalo Ranch

Pour clore cette belle journée, dommage que Dominique n'ait pas jugé utile de nous faire profiter du coucher de soleil sur les rochers de la Reine de l'Isalo ou au travers de la Fenêtre de l'Isalo pourtant à moins de 10 km de là par la RN 7. Nous nous contenterons du coucher de soleil sur le plateau face à notre bungalow et de l'animation qu'engendre les feux de brousses que l'on peut voir non loin de notre terrasse, à quelques kilomètres de là, vers l'ouest, au bord de la RN 7. Heureusement, les larges coupe-feux aménagés autour de l'hôtel nous rassurent un peu.

Ce soir, avant le dîner, à partir de 19 heures, le personnel de l'hôtel donne pendant un peu plus d'une demi heure un spectacle gazi sans prétention de musique, chants et danses traditionnelles de différentes ethnies: Baras évidemment puisque nous sommes au coeur de leur région, Mérinas et Betsileo du centre, Vezos et Sakalavas de l'ouest dont le visage des femmes porte un maquillage décoratif... tout comme leurs enfants, filles et garçons, venus regarder le spectacle !
Une danse retient l'attention, celle des Baras, avec des fusils en bois, elle évoque la pratique traditionnelle du vol de zébu par les jeunes hommes en espoir de beau mariage.

En pays bara, le vol de l'animal vénéré, le zébu, était une tradition villageoise consistant pour les jeunes gens à prouver leur virilité, un rite non violent de passage à l'âge adulte, preuve de courage et de force. L'adolescent gagnait ainsi le respect de sa communauté...
Mais les vols de zébus qui défraient désormais la chronique malgache ont pris la dimension d'un vaste trafic sanglant.
Aujourd'hui, le dahalo ne vole plus pour la gloire mais pour l'argent. Il ne s'empare plus d'un animal avec son courage pour seule arme, mais avec d'innombrables comparses munis de kalachnikovs et fusils d'assaut. Même si ces vols à grande échelle et autres embuscades tendues aux convois empruntant la RN 7 se produisent en pays Bara, les auteurs des faits n'appartiennent pas à une ethnie particulière.

Au dîner ce soir, nos choix gastronomiques vont être très disparates comme souvent.
Pour commencer, soupe au chou et au lard ou jolie tulipe de fruits de mer et salade d'aubergine ou tourte au topinambour et fromage.
Pour suivre, steak de zébu grillé avec assortiment de légumes (semoule, tomates, oignon) et ananas sautés et d'un peu de riz quand même, sans oublier quelques frites. Pas de candidat parmi nous pour le poulet grillé ou la brochette de porc.
Pour finir, flan pâtissier ou duo de fruits flambés (banane et ananas).

De retour au bungalow, nous sommes rassurés, l'incendie s'est éteint et par chance ce soir il ne se lève pas un grand coup de vent comme la veille. Après avoir si bien mangé, allons-nous pouvoir dormir ? La fatigue d'une marche d'une bonne douzaine de kilomètres sous une trentaine de degré viendra compenser...



Pour en finir avec la Nationale 7


Après le petit-déjeuner et un regard aux jolies couleurs de l'Isalo illuminé par l'aube, départ à 8 heures en direction du Canal du Mozambique.

Au bout de 4 ou 5 km, Dominique nous dépose sur la gauche à la Maison de l'Isalo, un petit musée centre d'interprétation en visite libre. Nous y passons une vingtaine de minutes.
Par contre, quelques kilomètres plus loin, il aurait pu nous signaler le rocher dit "la Reine de l'Isalo" et faire un tout petit détour vers "la Fenêtre de l'Isalo".
Etrange attitude pourtant rien dans notre comportement à son égard ne peut l'expliquer... Peut-être que de son point de vue juge-t-il ces rochers comme sans intérêt. Il nous a bien dit lors de nos premiers contacts que "le côté guide" n'était pas ce qu'il aime le plus.

Les déconvenues vont se poursuivre avec lui alors que ce jour là rien ne nous presse.

Route plutôt bonne. Seulement 240 km à parcourir même si l'on passera sans aucun contrôle la dizaine de barrages de police ou de gendarmerie qui les jalonneront.


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ILAKAKA et la route du sud-ouest

La végétation a changé. On voit par ici des palmiers rôniers ou palmier de Palmyre (Borassus flabellifer L.) qui ont la faculté de résister au feu.

Notre programme prévoit le passage au gisement de saphirs d'Ilakaka. Nous ne le ferons pas.

Un air de farwest

Dominique nous averti que cette ville farwest en a tous les défauts et que les touristes y sont des proies.
La découverte ici en 1998 du plus grand gisement en corindons à ciel ouvert au monde a été à l'origine de cette ville-champignon qui a poussé de part et d'autre de son artère unique, la RN 7. Aucune cohérence dans l'architecture, à l'image de la diversité ethnique et religieuse que l'on peut percevoir (calots et robes blanches de Musulmans Sri Lankais, d'ailleurs on voit une mosquée à la sortie de la ville...). Des sources bibliographiques indiquent que la production mondiale de saphirs est assurée à 40% par Madagascar (10 tonnes par an) alors que d'autres situent sa contribution à 15%.
En fait c'est aux abords d'Ilakaka, là où les prospecteurs creusent comme des rats, que vivrait la plus grande partie des quelques dizaines de milliers de personnes attirés par le miracle ou le mirage de l'or bleu.

Dominique consent cependant à nous arrêter chez un lapidaire d'origine suisse installé à la sortie de la ville, sur la gauche. Notre visite expresse en dix minutes du show-room Color Line ne nous permet pas vraiment de découvrir les 102 couleurs de saphirs et l'exposition de fossiles. Marc Noverraz travaille les pierres depuis plus de 20 ans et est arrivé à Ilakaka en 2000. Avec un collègue guinéen, il organise des visites de mines de saphir. Cette gemme est une pierre précieuse que l'on trouve principalement à Madagascar et au Sri Lanka (des terres qui étaient proches avant la fracturation du Gondwana et la dérive des continents). Une affiche propose la visite guidée des mines en 2 heures au tarif de 20000 Ariary par personne. Dominique n'y tient pas car le danger ne vient pas cette fois de "la faune locale" mais des installations...

 


Un environnement plus austère voire hostile sur cette dernière portion de la Nationale 7

Nous reprenons la route.
Quelques tombeaux... sans commentaires du chauffeur.
Quant aux arrêts mentionnés dans le programme pour les photos de baobabs de la Forêt de Zombitse-Vahibasia, ils n'auront pas lieu.
Peut-être Dominique a-t-il de bonnes raisons quand même ? Il fait déjà 30°. Dans les minuscules hameaux, les gamins ne nous gratifient pas de leur sourire et des habituels "Bonjour vazaha" mais au lieu de cela certains crachent même en direction de la voiture.
Barrage de police avec des herses signalées par des bouteilles d'eau vide embrochées sur les piques...
Un peu après 9h30, apparaissent les premiers baobabs qui jaillissent çà et là d'une sorte de savane où les rares cultures sont surtout le manioc en raison de la faible pluviométrie puisque l'épisode pluvieux ne dépasse pas ici une semaine. Des parcelles sont protégées par différentes cactées. Finies les maisons en dur et à étage. Les cases des villages sont faites de matériaux purement végétaux ou en torchis (remplissage par un mortier d'argile et de paille d'une armature faite de perches).

Après Sakaraha, nous allons voir quelques zones plus prospères où l'on pratique la culture sur brûlis
(tavy). Nous avons quitté le pays des Bara pour celui des Sakalava-Vezo.
La nature semble redevenir plus ingrate après Mahaboboka tandis que l'on croise de nombreuses charrettes tirées par des paires de zébus. Les couleurs vives des vêtements des femmes se font plus africaines. Tiens ! pour changer une église "ortodksa". Et des dépôts de sacs de charbons qui se font plus rares mais il y a si peu d'arbres qui pourraient encore en faire.
Quant aux tombeaux, ils deviennent très nombreux et très divers lorsque nous effleurons le pays des ethnies Antandroy et Mahafaly mais ne suscitent ni commentaires ni arrêts photos et on doit se borner à des prises depuis la voiture. Certains ressemblent à de grands parallélépipèdes de 8-10 mètres de côté, hauts d'environ 1-1,50 mètre, faits de pierres posées sans mortier et plus ou moins dégradés. D'autres, plus récents (ou plus récemment réutilisés) ont une maçonnerie enduite et recouverte de peinture plus ou moins défraîchie. Ils sont orientées vers les points cardinaux et des piliers marquent les angles sur lesquels on peut voir des totems de zébus en peinture à défaut d'alaolo en bois sculpté. Quelques tombeaux portent une maisonnette sacrée, une sorte de petite chapelle édifiée au milieu de leur terrasse. Décorant cette maisonnette, on peut aussi bien voir la peinture d'une sorte de centaure (torse d'homme sur un corps de zébu ?)  et une croix en carreaux de faïence (type salle de bains). D'autres tombeaux sont surmontés d'une simple croix de bois ou de rien.

Si, nous aurons un arrêt. Il s'agit d'une pause technique que nous demandons un peu avant 11 heures. Il est bien temps. Arrêt en rase campagne, avec l'abri symbolique d'une très maigre forêt sèche. Nous avions à peine eu le temps de répondre aux nécessités, qu'une troupe d'enfants sortis d'on ne sait où nous rejoignait, se faisant très quémandeurs. Il est temps de déguerpir. Dominique doit en sourire...

A Andranavory, une large piste rouge s'ouvre sur notre gauche en direction du Grand Sud. C'est la Nationale 10 qui s'en va vers Fort-Dauphin (rebaptisée Tollagnaro). Passons.
Les maigres ressources que peut dégager l'agriculture de cette région aride limitent le nombre de bovins et le bétail le plus adapté est alors représenté par les chèvres dont on voit paître des troupeaux au milieu des tombeaux ou que l'on croise sur la route.

Le paysage change peu à peu. Des buissons épineux dépouillés de leurs feuilles en cette saison. Une végétation plus haute qui a un peu l'allure des épineux et des cactus mais de couleur vert de gris apparaît également. Soudain, à 11h30, dans le lointain l'horizon est barré par la mer ou plus exactement le Canal du Mozambique, une annexe de l'Océan indien pour ne pas faire court. Les pousse-pousse et surtout les tricycles (vélo rickshaws) nous signalent la proximité de la ville.


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TULEAR [touliar]

C'est Tuléar la coloniale créée en 1895, renommée Toliara ou Toliary ([touli'ar]). La ville compte près de 120 000 habitants pour une agglomération de l'ordre de 200 000 (curieusement mon Routard donne une agglomération de 2 800 000 habitants ! donc pas une simple erreur de zéro en trop).

Pour les touristes qui séjournent à Tuléar, il est prévu la visite du Musée de la Marine. Il leur est souvent proposé de rejoindre Anakao, à partir du port de Mahavatse. Anakao se trouve à une bonne vingtaine de kilomètre plus au sud, par le canal du Mozambique. Voyage folklorique qui commence par un transfert en charrette à zébus à travers la grève et dans l'eau afin de pouvoir embarquer sur les vedettes amarrées à quelques centaines de mètres du rivage. Anakao est un village (12000 habitants) de pêcheurs Vezo et d'agriculteurs Mahafaly. Les touristes peuvent aussi pousser jusqu'à l'île de Nosy Ve (ne pas cofondre avec Nosy Be, tout au nord de Madagascar).


Le marché aux coquillages de Tuléar

Comme il est tout juste midi, Dominique nous conduit au marché des coquillages. Un marché aux souvenirs pour les touristes: de jolis coquillages de toutes sortes certes (notamment des porcelaines de différentes tailles) mais aussi des papillons sous vitrine, bouteilles de sables de couleur évoquant des symboles du pays (lémuriens, baobabs, arbre du voyageur), fossiles transformés en objets décoratifs polis (ammonites débitée en rondelles), des miniatures de voitures en bois et surtout en fer blanc tiré des canettes, des nappes brodées et des paréos imprimés qui font penser à la Polynésie, des sculptures en bois mais pas d'alaolo, de copies de totems mahafaly.

C'est aussi l'occasion de voir le maquillage du visage de certaines vendeuses. Il serait plus exact de parler de masques de beauté dont le but pour les paysannes était à l'origine de se protéger de l'ardeur du soleil. On peut lire qu'il serait fait à base d'argile rouge mais il semble que le plus souvent il s'agisse de tabaky, une poudre faite soit à partir d'écorce soit de racines de bois de santal. Dans un but purement esthétique, on peut se contenter de dessiner au pinceau des motifs pointillistes. Tiens ! voilà quelque chose qui nous rappelle le thanaka des femmes birmanes.
Une demi-heure pour de menus achats.

Passons maintenant à table.
Sur le court trajet, nous passons près d'une sorte de gare routière. Ici c'est le terminus pour beaucoup de taxis-brousse et le relais est pris par des camions bâchés et des vieux bus indiens "Tata" surchargés qui vont circuler sur les pistes vers le grand sud. On se demande comment les galeries supportent le poids de tout ce qu'on y accumule.

 

Pause-déjeuner à Tuléar

Dominique nous propose l'hôtel-restaurant "Chez Alain" dans un quartier sans charme, le quartier "Sans fil".
Après la prise de nos commandes, nous avons tout loisir d'observer les alaolo, les totems funéraires, qui décorent le petit jardin où des tables sont dressées pour les convives. Par exemple, on peut y voir une étrange sculpture, une tête de brebis surmontant un corps de femme (y a-t-il une forme féminine du centaure ?). Si l'on sort du classique zébu, d'autres alaolo sont surmontés d'une charrette tirée par des zébus, d'un taxi-brousse, d'un gendarme motocycliste en train de verbaliser un contrevenant...

Question nourriture, on fera simple après une matinée si peu remplie. Poisson pour les dames, en filet ou en brochette avec accompagnement de légumes sautés et frites et pour moi je vais tester un plat traditionnel, le ravitoto. Pas tout à fait traditionnel car il ne s'agit pas ici d'un ragoût de porc et de feuilles de manioc mais de lard auquel on a ajouté des morceaux de dinde. Bien sûr, un bol de riz en accompagnement.
Coût des différents plats: de 11000 à 12000 MGA.

A 13h45, nous sommes prêts pour aborder la vingtaine de kilomètres de piste de sable qui nous séparent de notre fin d'étape à Ifaty.
A la sortie de la ville de Tuléar , en direction du nord, on traverse une sorte de décharge publique à ciel ouvert si l'on en juge aux milliers de sacs plastiques qui jonchent le sol et que l'air de l'océan éparpille. Cette zone sert aussi de gare ou de dépôt à pousse-pousse. Par des plaques de bitumes qui subsistent parfois et provoquent de brusques cahots, on devine qu'il y eut ici une route. Chacun sait ce qu'il reste de ce qui est édifié sur le sable... En tout cas, la piste est encombrée de camions-bâchés (en guise de bus) se dirigeant vers le nord et surtout de charrettes. On slalome et par moment on circule à gauche.
Bientôt en suivant la côte, on aperçoit une mangrove et dans le lointain l'ourlet blanc de la barrière de corail qui délimite le lagon.


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IFATY [ifat]

Il est un plus de 14h30, lorsque Dominique nous confie à la patronne de l'hôtel Nautilus. Mission accomplie. Il va se reposer cet après-midi avant de remonter vers son agence de Fianarantsoa demain.


Installation au Nautilus

L'hôtel qui semble assez bien rempli, appartient à un couple d'expatriés qui ont manifestement adopté un rythme de vie mora-mora.
Attention, l'établissement comporte trois catégories de bungalows et nous aurons la moins bonne. Les bungalows encastrés dans la dune, puis ceux construits un peu au-dessus et dominant le rivage. Enfin au fond du parc et d'allées de sable, on trouve une batterie de bungalows sans caractère et sans vue intéressante depuis leur terrasse. Les nôtres ! Et zéro pour la déco. La literie repose sur un bloc de maçonnerie et ce sont aussi des "parpaings" qui servent de table de chevet. Spartiate !


ll y a ne piscine qui pourrait être sympa si l'on n'y retrouvait pas les poils du chien de la maison qui vient s'y baigner avec sa maîtresse. Quant à la plage, elle est décevante car très étroite et n'est pas faite d'un parfait et fin sable blanc dont on pourrait rêver par ici. Très vite, elle cède la place à de rugueux rochers de coraux morts. Un peu plus au nord, du côté de Mangily, il y a mieux.
Même l'eau n'est pas sympathique comme on pourrait s'y attendre dans un lagon. Elle est très agitée et salie par les algues qu'elle remue. La cause de tout cela, c'est l'alizé qui souffle dans le Canal du Mozambique et fracasse ses vagues sur la barrière de corail à quelques kilomètres d'ici et dont l'entêtant rugissement nous est apporté par le vent.
Profitons de cet après-midi pour nous reposer, nous détendre et nous cultiver en cherchant dans nos guides les explications qui nous ont fait défaut.
On se trouvera d'autres occupations pour la journée libre de demain. La patronne ne se mouille pas trop au sujet des prévisions météo. Une chose certaine, il ne peut que faire beau. Quand au vent et à son effet sur l'état de la mer, c'est autre chose. Pourrait-on passer la barrière de corail pour aller observer des baleineaux et leur mère (40€ pour 3 heures) comme c'était encore possible la semaine dernière (mais nous sommes tout à fait en fin de saison) ? Les piroguiers feront-il des balades dans le lagon ? Les sorties à la pêche au gros (70€ l'heure) vous tentent-elles  ? Les baptêmes de plongée (50 à 100€) ? Le snorkeling (location PMT, palmes, masque et tuba, au tarif de 5€ la demi-journée) ?

En soirée, le ciel ne se prête pas à faire de jolis couchers de soleil alors même que le rivage est tourné vers l'ouest.


Le dîner va être l'occasion de mettre fin à ma poussée d'acrimonie et à mes jérémiades et me réconcilier avec les bonnes choses.
Pendant une journée et demie, nous sommes en séjour libre, aussi bien pour nos occupations que pour la restauration. Nous allons donc craquer pour des langoustes (trois demies par personne) accompagnées de légumes sautés, frites (soit 32000 MGA ou 11,50€ par personne) et d'un petit vin blanc. En dessert deux tranches d'ananas flambées (7500 MGA) ou un quart d'ananas taillé en pirogue (7000 MGA).
La table est bonne et le service très stylé, avec un Robinson, une sorte d'Oncle Tom, un peu affable même, qui ferait penser à l'ambiance que les romans rendent lorsqu'ils évoquent les serviteurs et esclaves noirs dans les plantations du sud des Etats-Unis juste avant la Guerre de Sécession, serviles et trop désireux de plaire, s'inclinant devant les Blancs.

Après ces agapes, le grondement qui vient toujours de la barrière de corail va-t-il nous bercer ?


Matinée libre à Ifaty

Finalement nous avons bien dormi et c'est avec étonnement que nous sommes saisis par le silence ambiant. Plus de rugissement au loin. L'écume de la barrière de corail à peine visible. Et l'eau du lagon devenue d'huile.
Nous ne prenons donc pas notre petit-déjeuner très tôt et les activités pour la matinée se trouvent compromises. Piscine pour les dames tandis que pour mon compte je me décide vers 9 heures de faire une petite balade le long de la côte, en direction du village principal, Mangily, à 4 kilomètres plus haut nord.
Je peux d'ailleurs apercevoir des pensionnaires qui se sont mieux levés que nous et qui ont embarqué sur des pirogues se dirigeant vers la barrière de corail. Il s'agit de pirogues à simple balancier et dotées d'une voilure rudimentaire, un carré de toile. Quant à moi, la marche alterne les zones sableuses fatigantes et celles de rochers de coraux morts délicates (attention aux entorses). En traversant les villages, c'est l'occasion de voir de plus près la vie des familles. Les enfants qui n'ont toujours pas repris les cours jouent, évidemment. Les femmes qui ne vaquent pas après la cuisine papotent. C'est aussi l'occasion d'apprécier la décoration peinte sur certaines pirogues tirées sur le sable. Plus loin, un couple tire un filet vers la plage...

Je suis de retour au bord de la piscine à 11 heures. Petit repos avant le déjeuner. Quelques mots échangés avec les autres touristes nous apprennent que ceux qui ont fait les sorties en pirogue d'environ deux heures au cours de la matinée en sont satisfaits. L'eau étant redevenue parfaitement limpide au point qu'il était même possible de voir les coraux sans se mettre à l'eau. Ils leur en avait coûté 10000 MGA par personne (+ redevance de 5000 MGA au profit de la Réserve Marine pour ceux qui se sont mis à l'eau).

Ifaty: en charrette à la découverte de la FORET DES BAOBABS

Cet après-midi, Robinson, l'un des serveurs du restaurant, organise une sortie en chars à boeufs ou plus exactement en charrette à zébus dans une forêt sèche où poussent entre autres espèces, différents baobabs. Pour une sortie de deux bonnes heures, il nous est demandé 15000 MGA soit un peu plus de 5€. Chaque charrette tirée par une paire de zébus emporte trois passagers en sus du cocher.
La proposition semble rencontrer un grand succès puisqu'on va former une caravane d'un dizaine de charrettes sous l'autorité de Robinson qui à 14h30 non seulement changé de rôle mais aussi d'allure.
Les zébus sont rapidement attelés à un joug rudimentaire attaché à un timon. En guise de guides, chaque extrémité d'une sangle est reliée à une corde faisant le tour de la tête de chacun des animaux en traversant ...leur cloison nasale !

Par moment la balade prend l'allure d'une course de chars.
Ce n'est pas le grand confort mais on a connu pire. Contrairement à bien des charrettes à l'essieu directement monté sur la caisse, celles-ci sont dotées de ressorts à lames pour amortir les cahots. Le luxe ! Mais de toute façon, ça cahote peu puisque l'on se trouve sur un terrain sablonneux. C'est qu'ils galopent bien ces zébus là (ne pas confondre avec zébulons, nom que l'on donne ici à leurs petits !) et leurs pointes doivent être de l'ordre 15 ou 20km/h. Notre équipage parti le premier va longtemps rester en tête ce qui n'empêche pas Robinson juché dans une charrette au milieu de la file de diriger sa troupe d'une voie ferme qu'on ne lui connaît pas lorsqu'il assure le service de restauration.
Bientôt nous traversons des villages, en passant en bordure d'enclos à petit bétail (chèvres) fermés par de hautes palissades de branchages.
Les enfants qui jouent nous saluent sur notre passage.
Nous quittons le cordon dunaire côtier pour nous diriger à l'est, vers l'intérieur. Nous nous trouvons alors en bordure de la zone des marais salants d'Ifaty, l'eau de mer étant apportée par la grosse conduite de béton passant sous le cordon littoral que j'avais vue lors de ma balade pédestre matinale. Actuellement, les bassins de décantation sont à sec. La production serait-elle en crise ? Pourtant la Fleur de sel d'Ifaty est réputée dans le pays. Maintenant c'est une zone de prairies très rases, surpâturées avec quelques maigres arbres et, de ci de là, quelques cochons noir et chèvres blanches en liberté. Nous arrivons dans de nouveaux villages de l'intérieur. Petit bout de chemin sur la "Nationale 9" puis nous obliquons par une piste plus étroite, toujours en direction de l'est. Le paysage change. Les parcelles se font plus rares et la végétation arbustive ou arborée plus présente, bien que la verdure ne soit guère visible en cette saison.

A l'occasion d'arrêts, Robinson nous fait découvrir ces espèces de cactus-cierges qui peuvent atteindre la bonne dizaine de mètres de hauteur. Il ne s'agit pas du tout de cactus mais de didiéreacées (Didiereaceae, du nom du botaniste qui a identifié la plante) que certains nomment aussi "arbres poulpe" en raison de ses branches à l'allure de tentacules. Curieusement l'inclinaison des branches s'oppose à la direction des vents dominants, elle penchent donc ici vers l'ouest. Cet arbre étrange dont 6 des 7 familles sont endémiques à Madagascar) est dit xérophile, c'est-à-dire adapté à des milieux très pauvres en eau, par l'absence de feuilles et le transfert de l'assimilation chlorophyllienne aux tiges qui restent vertes et sont protégées par des épines. Le bouturage est aisé et les villageois en profitent pour faire ainsi des clôtures.


Les EUPHORBES

Les Euphorbes produisent un latex blanc qui coule quand on les coupe et cette sève laiteuse est plus ou moins toxique ou irritante selon les espèces. C'est en Afrique ainsi qu'à Madagascar, sous la forme de plantes succulentes (mot dérivé de "suc", au sens non pas de "délicieuses", bien au contraire, mais de "plantes grasses" parfois épineuses, d'ailleurs certaines ressemblent aux cactus), qu'elles se sont le plus diversifiées puisque l'on y trouve 150 espèces endémiques sur les quelque 2000 dénombrées sur la planète.
La sève se présente sous forme d'un latex épais très corrosif qui sert de colle à bois et à papier et qui est également toxique. Les latex très corrosifs des tiges broyées d'Euphorbia enterophora Drake, d'Euphorbia decorsei Drake, d'Euphorbia laro... sont utilisés comme poison pour la pêche en étourdissant les poissons.
Dans les pays tempérés on en connaît bien une espèce en tant que plante d'ornement, il s'agit de l'Euphorbia milli splendens dite "Epine du Christ" ou "Couronne du Christ. Cette plante à épines et sève toxique (danger pour les yeux et troubles digestifs en cas d'ingestion) qui peut atteindre 1,50 mètres de haut est originaire de Madagascar.

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Nous passons à d'autres genres d'arbustes. Il s'agit des euphorbes dont nous connaissons, pour la plupart, l'espèce décorative dite "Epine du Christ". Sur les 2000 espèces de cette famille botanique existant dans le monde, 150 sont endémiques de Madagascar. Elles ont en commun de secréter un latex irritant qui peut même s'avérer toxique. C'est d'ailleurs munis de gants que Robinson manipule des tiges d'une euphorbe épineuse et les casse pour faire couler le latex. Il ne faut évidement pas se frotter les yeux après ce genre de manipulation. Le latex bouilli pendant une demi-heure sert à faire une sorte de goudron pour protéger les pirogues. Avec le latex d'une autre variété, non épineuse, on soigne les maux de dents. Les laboratoires pharmaceutiques s'intéressent de près aux substances médicinales qui peuvent être tirées des diverses variétés. C'est aussi avec le latex très toxique de certaines variétés d'euphorbe que l'on pratiquait le tanguin, une sorte de "jugement de Dieu". Si l'accusé se remettait de l'absorption du poison, c'est qu'il était innocent !
Parmi les plantes basses, il ne faut pas confondre les aloès (plantes originaires d'Afrique et de Madagascar et cousines des petites haworthia que l'on a vue à l'Isalo) dont on tire des médicaments, du sisal, une variété d'agave originaire du Mexique, dont les fibres servent à fabriquer des cordages et des tapis grossiers.

Quant à la faune, essentiellement aviaire, sa découverte est plus difficile car les sujets sont mobiles. j'ai le temps de fixer une crécerelle malgache (Falco newtoni), un petit rapace diurne de la famille des faucons posé à l'extrémité de didiereacées. Peu après, sur le même genre de support, on peut voir un petit oiseau blanc à tête et gorge noires.

Nous repartons et allons découvrir de plus grands arbres.

Nous pensons avoir affaire à des baobabs mais il y a parmi eux de "faux-amis". Robinson nous présente trois variétés de Delonix Regia, en période de repos végétatif et donc dépouillés de leurs feuilles. Le tronc est resserré au sommet ainsi qu'à la base. Il s'agit d'arbres d'Afrique orientale et de Madagascar dont une espèce, le Flamboyant, s'est répandue sous les tropiques. Un peu trop tôt pour profiter de sa floraison. Tout aussi connu est appartenant à la même famille botanique, on trouve notre "petit pois". D'ailleurs Robinson attire notre attention sur les gousses accrochées aux branches qui permettent au premier coup d'oeil de savoir qu'il ne s'agit pas de baobab. Autre détail qui les en distinguent, la base du tronc se resserre.
Nouveau piège un peu plu loin sur notre gauche. Il ne s'agit pas d'un baobab à quatre troncs mais d'une espèce de Pachypodium ("pied épais") géant dont le tronc a une forme de bouteille. Ces pachypodium geayi (du nom de leur découvreur, il y a un siècle de cela) atteignent 10 mètres de haut. Pour des non spécialistes, c'est surprenant de voir qu'ils appartiennent à la même espèce que les pachypodiums nains que nous avons vus dans l'Isalo. A noter que les divers pachypodiums tout comme les delonix sont originaires d'Afrique orientale et de Madagascar.
Arbre exogène, le balsa (originaire d'Amérique) dont le tronc s'évide facilement pour en faire des pirogues. Son bois a aussi l'avantage de la légèreté mais l'inconvénient d'être très cassant.

Maintenant nous pénétrons dans la forêt de Tsivanoe comme nous le précise un portique. Les villageois avaient eu le projet dans faire un parc de promenade en disposant des coquillages au bord des allées mais Robinson a dû les convaincre qu'il fallait laisser les choses dans leur aspect plus naturel.

IFATY, forêt des baobabs 
IFATY, forêt des baobabs

Après une zone de didiéracées, voici enfin nos baobabs, et l'on va être gâtés. Nous en verrons qui ont 900 ans, 1100 ans et même 1500 ans. La base de leur tronc porte la marque d'anciennes invasions marines (lors de tsunamis).


Les BAOBABS

Le baobab est un arbre sacré, le Reniala, "la mère de la forêt". Jolie expression mais elle n'a plus guère de sens car si "la mère" survit elle est souvent isolée car la forêt alentour a disparu (des vestiges de cet ancien écosystème subsistent cependant dans quelques endroits au nord de Madagascar).

Il faut savoir qu'il existe huit espèces de baobabs dans le monde (des sources parlent de dix) dont six endémiques à Madagascar. Nous en verrons trois: Adansonia za, Adansonia rubrostipa et surtout le fameux et élégant Adansonia grandidieri de l'Allée des Baobabs de Morondava. Les trois autres variétés de baobabs malgaches sont Adansonia madagascariensis (introduite aussi à Mayotte), Adansonia perrieri et Adansonia suarezensis, ces deux dernières étant en voie de disparition.
Une autre espèce se rencontre en Afrique (Adansonia digitata) et la dernière en Australie (Adansonia gregorii).

Leur tronc ventru au bois mou gorgé d'eau (comme celui des Pachypodiums) constitue une importante réserve de plusieurs milliers de litres (concernant le baobab africain on peut lire le volume colossal de 120 000 litres ! ?) qui leur permet de supporter les conditions climatiques sévères. A la différence des arbres ordinaires, l'écorce peut être prélevée sans nuire à l'arbre qui a la faculté de la régénérer rapidement (on le voit parfaitement dans cette forêt).

Ici, la circonférence du plus imposant de ces colosse
s de la variété Adansonia rubrostipa ou fony atteint les 15 mètres (ailleurs il en existe de 30), reposent sur une racine pivotante dont la longueur est la moitié de la hauteur du tronc.
Des légendes africaines et malgaches prêtes, les unes à Dieu, les autres au Diable, d'avoir voulu punir cet arbre en le replantant les racines en l'air. En effet, son tronc porte un maigre bouquet de branches, on croirait des moignons morts, qui n'ont des feuilles que durant une très courte période de l'année (saison humide) afin de limiter la perte d'eau. La floraison commence juste avant la saison des pluies ou au début de celle-ci, en fonction des espèces, et dans la pollinisation interviennent des animaux nectarivores: les papillons (notamment papillons nocturnes du genre sphinx), les chauves-souris et les lémuriens. Cette floraison est éphémère: la fleur éclose à la tombée de la nuit se fane au petit matin. Quant aux fruits marron (akoussas), ils se présentent ici sous forme de boules (d'autres variétés ont des fruits allongés). L'enveloppe duveteuse très résistante renferme une pulpe dans laquelle sont dispersées des centaines de graines.

Tout peut être utilisé dans le baobab. Que ce soit pour les usages domestiques: écorce (confection des cases et de sa fibre on fait un tissu), bois, fruit, pour des usages phytopharmaceutiques: feuilles (colique), écorce (fièvre), gomme (désinfectant) ou pour la nourriture: feuilles (légume vert ou en tisane), fruit pour sa pulpe (boisson vitaminée) et ses graines protéinées (huile). À noter que contrairement aux arbres habituels, son écorce peut être prélevée en grande quantité, puisqu'elle a la faculté de se régénérer rapidement et facilement sans que l'arbre meure. Son écorce sert à la confection des cases et fournit une fibre dont on fait un tissu ; l'intérieur du tronc, réserve de glucides et d'eau, est constitué d'un bois tendre et spongieux dont les fibres sont données au bétail en période de sécheresse ou transformées en cordes ; les jeunes feuilles peuvent être consommées comme légume vert ou en tisane ; enfin, les fruits contiennent non seulement une pulpe acide qui sert à confectionner des boissons vitaminées, mais aussi des graines riches en protéines et en huile.

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Nous sommes ici en présence de la variété Adansonia rubrostipa ou fony, au tronc en forme de bouteille et aux fruits sphériques (akoussas).

Il est 16h30 passées et nous finissons notre découverte par un énorme baobab à troncs jumeaux.

Grand merci à Robinson pour son savoir encyclopédique et pour la clarté de ses explications

La cavalcade, mot inapproprié puisqu'il n'y a pas de chevaux dans la course, va recommencer en traversant les villages dans de grands nuages de poussière mais dans des conditions qui ne m'amène pas cette fois à complimenter Robinson. A l'approche des villages, certains touristes commencent à jeter des bonbons en direction des enfants. C'est bientôt une véritable meute qui se mêle aux charrettes. Plutôt que de demander que cesse cette distribution, Robinson se borne à demander que les bonbons soient jetés assez loin afin qu'en cas de chute les enfants ne risquent pas d'être piétinés ou blessés par les charrettes. Evidemment, les grands l'emportent sur les petits et les garçons sur les filles...
De la part de Robinson, j'aurais plutôt attendu d'autres recommandations, dès avant le départ. Pourquoi ne pas lui remettre ce que dont nous souhaiterions faire bénéficier les enfants des villages ? Pourquoi ne pas orienter les gestes philanthropiques vers d'autres objets que des bonbons ? ...le développement et l'alphabétisation par exemple !

17h15, nous sommes de retour après deux heures et demie d'une balade instructive et pas trop fatigante (pour nous).

Ca va être le bon moment pour capter des images de coucher de soleil car la lumière semble bien meilleure que la veille.

IFATY IFATY

 


Ifaty: soirée au Nautilus

Avant de dîner, cocktail offert sur la terrasse du restaurant et spectacle de trois quart d'heures donné par les villageois (musiciens et chanteurs) tandis que les villageoises dansent avec un art consommé des trémoussements de hanches très suggestifs, mimant l’acte sexuel en faisant osciller leurs hanches alternativement de gauche à droite vato balansy ("pierre de balance").
En principe, si les femmes ne peuvent que séduire et ne peuvent pas faire directement des avances, elles n'en sont donc pas moins provocantes, tout en respectant le code qui permet aux seuls hommes de courtiser.

19h30, il est temps de passer à table. Tout cela nous a bien mis en appétit. On ne se prend pas la tête et on récidive pour un dîner identique à celui de la veille.

La nuit sera courte car nous devons quitter l'hôtel dès 6h45.


Transfert d'Ifaty à l'aéroport de Tuléar, direction le Menabe

Le transfert est assuré par Olivier Pelaez du Ranch Solaris. Olivier est une expatrié français marié à une Malgache et installé ici, à Mangily. Pour nous conduire à l'aéroport, il a sorti son vieux 4x4 Nissan Patrol au pare-brise rafistolé. La conduite sera très sportive. Sur les pistes sableuses on roule en 4 roues motrices et dans des parties presque dunaires et pentues, Olivier bloque le différentiel pour limiter le patinage. C'est qu'il y a un petit bout de chemin pour se rendre à l'aéroport de Toliara, situé à une dizaine de kilomètres au sud de la ville. Pour meubler le trajet, Olivier nous taquine en évoquant les retards et les annulations de vols sur Air Madagascar et il ajoute même que parfois les avions sont réparés avec du Scotch...

A 8 heures, nous sommes à l'aéroport. Mission accomplie pour Olivier. Merci et bon retour à son ranch.

Deux comptoirs pour l'enregistrement. Aucun affichage lumineux. Pas de tapis convoyeurs pour les valises. Des passagers en attente d'un vol vers Tana se font du souci en raison de l'annulation d'un vol. Nous ne sommes pas concernés puisque nous allons vers Morondava.
En attendant le début de l'enregistrement, j'ai tout loisir de jeter un coup d'oeil sur les grands panneaux pédagogiques disposés dans le hall. Ils présentent le projet Ranobe d'exploitation de gisements de sables à minéraux lourds dans l'ouest de Madagascar par la société australienne Toliara Sands SARL. Les premières reconnaissances remontent aux années 1996-97. Des tests ont été effectués ainsi que des études de faisabilités et une réflexion sur la réhabilitation des sites. Le gisement est estimé à plus de 700 millions de tonnes avec une teneur supérieure à 6% de minéraux lourds, de l'ilménite pour l'essentiel dont on tire le titane (on a déjà évoqué le sujet sur la côte orientale). Un dernier panneau nous ramène au néo-colonialisme paternaliste et infantilisant. En voici quelques extraits : "Chères cases en falafa, belles maisons et belle usine vous remplaceront. Eau viendra à nous. Avion où te posera-t-on ? [...] Petit bateau, un jour deviendra grand. Toliara Sands veut construire pour TOUS. Madagascar, êtes-vous également prêts avec nous ?". Edifiant, non ?

Un petit bimoteur se pose. C'est sûrement le nôtre. Nous partirons donc probablement à l'heure. Petite passerelle à 5 marches et hop ! Attention à la tête car le plafond est bas bien qu'il n'y ait pas de coffres à bagages en cabine. Théoriquement il y a 19-20 places assises mais seulement 16 sont occupées car des bagages sont placés sur les autres sièges. Il n'y a aucun personnel de cabine et l'on est séparés du poste de pilotage par une simple cloison genre Formica, grossièrement ajustée au gabarit de l'appareil. La porte d'embarquement est fermée de l'extérieur et personne ne vient s'assurer que l'on a bien attaché notre ceinture. A l'exception d'un seul, les hublots sont sales et jaunâtres. Foutu pour les photos.

La notice de sécurité indique que l'appareil est un DHC-6. Encore jamais rencontré ce type d'oiseau.
Je me suis documenté depuis et j'ai appris qu'on surnomme cet appareil Twin-Otter ("loutres jumelles") car il s'agit d'un robuste avion canadien (firme De Havilland Canada) qui peut être équipé également de skis ou de flotteurs, dont la fabrication fut entreprise il y a une quarantaine d'années. C'est un modèle d'avion à ailes hautes et à train d'atterrissage tricycle fixe fabriqué depuis 1965.

10h15, ça y est ! On roule et on décolle rapidement.
Je repense à la boutade d'Olivier, pendant notre transfert, au sujet de l'entretien des avions lorsqu'il disait qu'à d'Air Madagascar on fait des réparations avec des bouts de Scotch. Cela me laisse dubitatif et me sort de ma lecture. Stupeur !
Regardant par le hublot à ma droite, j'ai vue sur le moteur accroché sous l'aile et je vois que le capot comporte un trou que l'on a tenté de masquer avec des bouts de Scotch qui ont tendance à se détacher et à flotter au vent. Evidemment, je n'en pipe mot à personne sur le moment.

A part cela tout se passe bien et même très bien puisque jusqu'à maintenant, qu'il s'agisse de vol en monomoteur genre Cessna ou du gros A-380, on n'a jamais connu plus doux atterrissage: ni sensation de décélération, ni choc de contact.


Nous nous posons à Morandava peu après 11 heures et demie... Un nouveau chapitre de nos aventures va s'ouvrir !


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