| ||||
| ||||||||
|
Nous avons tout à fait quitté les Hautes Terres.
Et toujours
la Nationale 7
Une bonne surprise et un sujet d'étonnement,
l'état de la Nationale 7 est meilleur maintenant. Sans doute
faut-il considérer que ce n'est parce qu'on en prend meilleur soin mais
simplement parce que plus on s'éloigne de la capitale et moins le trafic
y est intense et donc l'usure qui va avec...
Et le paysage ? Un
monde minéral, ocre rouge, avec des reliefs vigoureux. Il fait chaud
en milieu d'après-midi, 30°. Sans doute un peu de monotonie et de fatigue
car la précédente étape était déjà lointaine.
C'est sans doute ce qui est arrivé au taxi-brousse qui a raté un
pont (rappelons qu'ils ont un gabarit réduit) et s'est retrouvé
à moitié retourné, dans la petite rivière en contrebas,
peu après avoir passé les rochers des Portes du Sud.
Vers 16h30, se dresse devant nous une curieuse montagne formée par la superposition de deux blocs arrondis et aplatis. Il s'agit du "bonnet de l'évêque", une sorte de calotte posée sur un crâne.
| ||
Le jour décline
vite, il est 17h15. Barrage de police que nous franchissons sans contrôles
puis Dominique fait un appoint de carburant à Ihosy ([ioutch]), toujours
aussi cher, 1€ le litre (2760 MGA).
Notre route va longer le Plateau
d'Horombe, sur notre gauche mais notre chauffeur a d'autres préoccupations
car il nous précise que nous nous trouvons maintenant au coeur de la "zone
rouge" ou sévissent les bandes de voleurs de zébus et autres
détrousseurs de grand chemin.
Arrivée à l'Isalo Ranch
Comme la nuit devient bientôt complète c'est avec soulagement que l'on arrivera à destination à l'Isalo Ranch à 18h30, sans avoir aperçu toutes les beautés du "Colorado malgache", avec juste un bref arrêt à Ranohira où Dominique nous présente à notre guide Méthode (s i! si ! c'est son nom) pour la journée suivante dans le Parc National.
Après
la toilette bien nécessaire après cette très longue journée
(qui, rappelons-le avait commencé par la visite du Parc National de Ranomafana)
nous avons bon appétit lorsque nous nous installons pour dîner
au restaurant de l'hôtel où nous sommes en demi-pension pendant deux
journées. D'aucunes jouent la prudence avec un potage aux croûtons.
Plus téméraire, j'opte pour une jolie présentation avec brochette
de croûtons et de petites tomates farcie d'une macédoine ainsi que
de concombres recouverts d'une sauce froide.
En plat principal, on optera
soit pour la côte de porc grillée nappée d'une sauce, soit
d'une darne de tilapia. Accompagnements identiques: petites carottes, petits oignons
et riz délicieusement cuisiné. En dessert, on a opté soit
pour une tarte accompagnée d'une sauce genre crème anglaise (avec
signature "Isalo Ranch" à la sauce chocolat !) soit pour
une île flottante.
| ||
A 5 km de la bourgade et à 200 m de la nationale et après un court épisode de "tempête de vent" vers 21h30, la nuit sera calme dans notre confortable bungalow familial à deux chambres avec sanitaires partagés. Electricité d'origine solaire contingentée ce qui signifie de mettre les batteries à recharger dans la salle du restaurant qui reste alimentée. L'hôtel compte une vingtaine de bungalows.
6
heures du mat !
Premiers regards sur l'environnement. Nous avons
une terrasse orientée vers l'ouest ce qui nous offre une vue splendide
sur des reliefs tabulaires du plateau de Keliambahatsy éclairés
par le soleil matinal. Un petit air de Monument Valley.... Le début d'une merveilleuse journée.
| ||
Le jardin permet de faire connaissance avec
quelques plantes grasses ou épineuse ("Epine du Christ") de cette
région semi désertique. Plantes étranges avec un tronc renflé,
non pas des baobabs nains mais des pachypodiums, ce qui ne signifie pas "pied
d'éléphant" mais "pied épais". Statues érotiques
provenant de tombeaux, la statue masculine n'était pas émasculée
à l'origine comme en témoigne l'absence localisée de patine...
Parc National de l'ISALO
Petit-déjeuner rapidement avalé car nous avons rendez-vous au village de Ranohira ([ranouhir]) à 7 heures avec notre guide Méthode. Sur le court trajet, étrange spectacle d'un camion remorquant un bateau stationné au milieu de nulle part, en tout cas bien loin d'un rivage.
Arrivés à Ranohira, en attendant notre guide, nous faisons quelques pas sur la place du village et on voit un grand calicot annonçant que dans deux jours se tient à Ranohira une Journée Internationale du Tourisme avec orientation à la mode du jour, "le durable". Une jolie demoiselle, "Petit Nalit dit Felana", en profite pour distribuer sa carte de professionnelle en "massage général et spécial".
Présentation de notre guide Méthode et du Massif de l'Isalo
A 7h15, nous embarquons Méthode et, après 25 minutes de piste,
on nous dépose pour l'aventure pédestre, munis des chaussures adéquates
et de deux litres d'eau. Par ailleurs, c'est une randonnée facile, à
portée de tout "petit marcheur".
Notre
guide Méthode en quelques mots.
D'origine Betsileo, catholique,
bien intégré en pays Bara, il a 53 ans et exerce le métier
de guide depuis 1992. Il s'exprime parfaitement et est toujours attentif à
la forme et aux attentes de ses clients. Quand il ne fait pas ce travail, il redevient
paysan.
Et quelques autres mots sur l'Isalo.
C'est
un massif gréseux taraudé par l'érosion qui lui donne
un aspect ruiniforme, orienté en gros nord-sud qui s'étend
sur 180 km de long par 20 km dans sa partie la plus large. Il couvre
116 000 ha dont 70% sont intégrés au Parc National géré
par le Madagascar National
Parks (MNP. Créé en 1962, le parc a été ouvert
au public en 1992.La végétation de base est celle d'une savane à
palmiers satranas d'où émergent des arbres appelés
tapias qui résistent au feu. La flore du parc compte quelque 400
espèces. Quant à la faune, on dénombre 14 espèces
de lémuriens diurnes et 77 espèces d'oiseaux
Environ 10 000
personnes vivent autour du Parc et près de 20 000 visiteurs y viennent
chaque année. L'accès au Parc n'est possible qu'accompagné
d'un guide agréé. Méthode nous confirme que malgré
son expérience, il pourrait se perdre dans les secteurs qui lui sont moins
familiers.
L'incendie survenu le 17 septembre 2010 a ravagé 8% du parc
malgré l'intervention de plus de 600 personnes pour lutter contre le sinistre.
Isalo:
plateau et canyons, falaises aux tombeaux et Piscine Naturelle
Pendant que nous attaquons la montée
vers le plateau, Méthode nous fait observer un Coucal Toulou en plumage
nuptial, tout noir sauf les ailes roux vif. Plus loin, dans les branches supérieures
des arbres, on apercevra de façon fugace nos premiers makis cattas partis
en quête de leur pitance (des fruits). On a juste le temps de bien remarquer
leur magnifique queue annelée présentant une succession de stries
noires et blanches.
Certaines grottes des falaises sont obstruées par des murets de pierre. Il s'agit de tombeaux. Les plus bas et les plus accessibles, sont des lieux d'inhumation provisoire tandis qu'après le "retournement" du mort, le tombeau définitif se trouve placé dans une grotte plus difficilement accessible (il est vrai que les restes humains à y transporter sans moins conséquent).
Accompagné de ces visions morbides,
bientôt nous mettons pied sur le plateau, encadré de quelques
crêtes et défoncés par des canyons, un paysage lunaire
ou plutôt martien en raison des couleurs chaudes. Certains pachypodiums
nains ont même réussi à s'installer carrément
à flanc de falaise. Le renflement de la base de leur tige renferme une
matière spongieuse qui stocke l'eau absorbée à la saison
des pluies (eau non consommable pour les humains !). En cette saison, ces
arbrisseaux sont dépouillés de son feuillage et leur floraison jaune
va disparaître dans quelques semaines pour céder la place aux feuilles.
Plus loin, une vieille souche a été disposée comme un bucrâne,
un crâne sacré de zébu surmonté de ses cornes. Méthode
nous arrête près d'un buisson qui ne possède plus que quelques
grandes feuilles. A nous d'y dénicher un grand et étrange insecte.
Pire que de chercher une aiguille dans une meule de foin, pourtant ici les brindilles
ne sont pas en nombre. Un indice: quel angle les branchettes forment-elles avec
la branche qui les porte ? Un angle aigu orienté vers le haut direz-vous
et vous aurez vite la solution car certaines branchettes semblent tournées
vers le bas. En fait il s'agit des pattes antérieures d'un phasme,
tête dirigée vers le bas. Parfait camouflage.
Un rocher déchiqueté de la falaise évoque une gueule de crocodile ou plutôt de quelque monstre préhistorique aux dents acérées. Toujours des tombeaux, une maigre végétation où l'on peut voir une parente des kalenchoes de nos fleuristes. Nous atteignons une nouvelle crête avec vue imprenable à 360° (mais avec la technologie qu'est-ce qui n'est plus imprenable ?). Paysage similaire à perte de vue, crêtes et plateaux entrecoupés de canyons.
| ||
La falaise que nous abordons est parfaitement mise en valeur par la lumière matinale qui réveillent ses ocres et révèlent les formes étranges résultant d'une érosion ruiniforme de ce massif gréseux: becs et cavités mais dans un dessin beaucoup plus brutal que ce que l'on peut observer sous d'autres latitudes (par exemple à Pétra, en Jordanie). Par endroits, la roche carrément rouge voisine avec les traînées jaunes des lichens. Ce qui pouvait passer pour une tête d'aigle vue de loin, peut de plus près faire penser plutôt à une tortue.
Au sol, résultant de l'érosion, une roche évoque étrangement la forme de la Grande Île tandis que nous sentons comme surveillés par les orbites menaçantes d'un barbare gothique genre "skull warrior". Encore un tombeau provisoire, dont le cercueil en fer blanc (signe manifeste de la richesse de la famille du mort) dont on voit encore les peintures décoratives, a été abandonné sur place après avoir été vidé.
Pour changer, à l'approche d'un canyon,
de la fraîcheur.
Un ruisseau aux eaux émeraudes dont savent
tirer parti quelques fougères et de beaux spécimens de pandanus.
Un peu plus loin il tombe en cascade dans la Piscine Naturelle où
un jeune couple déjà arrivé va bientôt nous céder
la place. Il est 9 heures, nous avons marché tranquillement pendant une
bonne heure et quart soit le modeste parcours d'environ 3 kilomètres. Quelques
précautions pour ne pas glisser en descendant vers le petit plan d'eau.
Une petite demi heure de baignade et il faut repartir car un peu long et
monotone parcours sur le plateau dénudé va suivre avant la pause
déjeuner.
Nous longeons un moment le canyon avec ses
pandanus et autres palmiers-bambous, avant de nous engager au coeur du plateau
aride tandis que nous voyons débouler une horde de touristes descendant
de la crête que nous avions passée il y a maintenant plus d'une heure.
Ouf ! Ils se contenteront sûrement d'un aller-retour à la Piscine
Naturelle.
Végétation rabougrie d'herbes, plantes grasses (kalanchoes
et haworthias) et pachypodiums. Quant au règne animal, on retrouve une
nouvelle fois l'araignée géante néphile. Courte pause
à l'ombre pour se rafraîchir et observer des nids de fourmis Crematogaster
ranavalonis curieusement accrochés dans les arbres et présentant
l'aspect de carton. Puis un caméléon dont on peut observer
l'extraordinaire capacité à mouvoir ses yeux de façon indépendante,
"l'un tourné vers le passé et l'autre vers l'avenir" comme
on dit ici. En revanche nous ne verrons pas de scorpion.
Nous arrivons dans
la zone du Canyon des makis sérieusement endommagée par l'incendie
de 2010 dont les traces sont bien visibles. On peut admirer la capacité
de résistance au feu de certains petits arbres, tapias (Uapaca
bojeri), dont les feuilles servent de nourriture aux larves de landibe,
les vers à soie sauvage. Cela tient à l'épaisseur de son
écorce, tout comme pour les chênes-lièges de nos forêts
méditerranéennes.
Dans un coin encore vert d'un canyon, il faut
avoir l'oeil expert de Méthode pour apercevoir au loin deux superbes et
grands lémuriens sifakas blancs à taches noires (ou propithèque
de verreaux). Déception mais c'est partie remise pour un autre jour. Jolis
arbustes épineux aux fleurs rouge corail retombant en cascades, ressemblant
à un flamboyant, lérythrine à crête de coq
(Erythrina crista-galli), originaire d'Amérique du sud. Son nom
vient de ses fleurs en forme de crêtes de coq (en latin crista galli).
Isalo:
un super pique-nique au bivouac de Namaza
Après deux heures de marche et être descendus dans un canyon, nous arrivons à l'aire de bivouac de Namaza où l'on est en train de nous concocter un pique-nique amélioré (mais non compris dans le forfait cette fois). Sous une paillote voisine, les foyers sont allumés et des porteurs ont assuré le ravitaillement en charbon et en denrées. Avec sa nappe en tissu imprimé, la table est solidement dressée puisqu'il s'agit d'une grossière maçonnerie de blocs de pierre formant table et bancs.
Midi !
Le déjeuner est servi. Au menu: une salade de carottes et haricots émincés
avec un demi oeuf dur, 2 ou 3 boulettes (par convive) de viande de zébu
à la sauce tomate, accompagnées d'un riz genre cantonaise, avec
morceaux de carottes et haricots verts et des petits pois et en dessert 2 ou 3
tranches d'ananas. Tarif: 18000 MGA soit 6,50€ par personne, hors boisson).
Un intermède en cours de repas résulte de l'irruption dans le voisinage
d'un inoffensif serpent des arbres (snake tree) qu'un pisteur récupère
sans crainte afin de le porter dans un lieu plus écarté, pour la
tranquillité de l'animal et pour la nôtre.
Avant 13 heures, nous attaquons la seconde
phase de notre programme, la Cascade des Nymphes qui remplace le parcours
dans le Canyon des makis.
Isalo: Cascade des Nymphes, Piscine Bleue, Piscine Noire... et makis cattas
Bon plan pour l'après-midi: marche au
frais le long d'un ruisseau et en une demi-heure nous sommes arrivés à
la Cascade des Nymphes. Ambiance fraîche où ne nous attarderons
guère plus d'un quart d'heure car nous
décidons d'opter pour l'option à 20 000 MGA/personne pour
nous conduire à la Piscine Bleue et à la Piscine Noire soit environ
3 kilomètres de plus, en empruntant toujours le lit presque à sec
des rivières.
Trois quarts d'heure pour atteindre la superbe Piscine
Bleue qui en réalité semble plutôt verte. Un petit effort
supplémentaire de quelques minutes nous amène à la mystérieuse
Piscine Noire.
Vers 14h45, nous redescendons le lit de la
rivière en direction de la zone de bivouac pique-nique de Namaza
où nous sommes de retour un peu avant 15 heures. Et là, quel plaisir
de pouvoir admirer trois groupes de makis cattas comptant chacun une douzaine
d'individus en pleines agapes florales au-dessus de nos têtes. Chaque groupe
a un territoire de 6 à 9 hectares et il se déplace quotidiennement
sur près d'un kilomètre au sein de ce territoire. Tout en mangeant
ils émettent des cris divers, sortes de ronronnements, grognements, grincements,
ronflements, crachements et miaulements.
Il y en a partout, ça vole
littéralement d'arbre en arbre. Ils jouent aux équilibristes en
mangeant les fleurs et en emportant leur petit. Nous nous régalons de ce
spectacle pendant une demi-heure, "en esquivant les catas que pourraient
provoquer sur nos frusques les cacas lâchés par les cattas".
Ces lémuriens sont polygames et leur régime alimentaire est
de type omnivore opportuniste, avec une large base de produit végétaux
(fruits surtout) et accessoirement d'insectes (tels les phasmes) et larves. Ce
sont les lémuriens qui ont l'organisation sociale la plus poussée.
Les groupes sont dirigés par une ou deux femelles. Ils communiquent également
beaucoup par signaux à l'aide de leur queue.
En
descendant vers le parking nous pouvons observer de près un iguane à
queue épineuse (Oplurus quadrimaculatus).
Nous reprenons la piste vers 15h45 et ravis pour ses prestations, nous déposons Méthode au bourg de Ranohira, sur notre chemin et nous revoici à l'Isalo Ranch.
Retour à l'Isalo Ranch
Pour clore cette belle journée, dommage
que Dominique n'ait pas jugé utile de nous faire profiter du coucher de
soleil sur les rochers de la Reine de l'Isalo ou au travers de la Fenêtre
de l'Isalo pourtant à moins de 10 km de là par la RN 7.
Nous nous contenterons du coucher de soleil sur le plateau face à notre
bungalow et de l'animation qu'engendre les feux de brousses que l'on peut voir
non loin de notre terrasse, à quelques kilomètres de là,
vers l'ouest, au bord de la RN 7. Heureusement, les larges coupe-feux aménagés
autour de l'hôtel nous rassurent un peu.
Ce soir, avant le dîner, à partir de 19 heures, le personnel de l'hôtel
donne pendant un peu plus d'une demi heure un spectacle gazi sans
prétention de musique, chants et danses traditionnelles de différentes
ethnies: Baras évidemment puisque nous sommes au coeur de leur région,
Mérinas et Betsileo du centre, Vezos et Sakalavas de l'ouest dont le visage
des femmes porte un maquillage décoratif... tout comme leurs enfants, filles
et garçons, venus regarder le spectacle !
Une danse retient l'attention,
celle des Baras, avec des fusils en bois, elle évoque la pratique traditionnelle
du vol de zébu par les jeunes hommes en espoir de beau mariage.
En
pays bara, le vol de l'animal vénéré, le zébu, était
une tradition villageoise consistant pour les jeunes gens à prouver
leur virilité, un rite non violent de passage à l'âge adulte,
preuve de courage et de force. L'adolescent gagnait ainsi le respect de sa communauté...
Mais les vols de zébus qui défraient désormais la chronique
malgache ont pris la dimension d'un vaste trafic sanglant.
Aujourd'hui,
le dahalo ne vole plus pour la gloire mais pour l'argent. Il ne s'empare
plus d'un animal avec son courage pour seule arme, mais avec d'innombrables comparses
munis de kalachnikovs et fusils d'assaut. Même si ces vols à grande
échelle et autres embuscades tendues aux convois empruntant la RN 7
se produisent en pays Bara, les auteurs des faits n'appartiennent pas à
une ethnie particulière.
Au dîner ce soir, nos choix gastronomiques vont être très
disparates comme souvent.
Pour commencer, soupe au chou et au lard ou jolie tulipe de fruits
de mer et salade d'aubergine ou tourte au topinambour et fromage.
Pour suivre,
steak de zébu grillé avec assortiment de légumes (semoule,
tomates, oignon) et ananas sautés et d'un peu de riz quand même,
sans oublier quelques frites. Pas de candidat parmi nous pour le poulet grillé
ou la brochette de porc.
Pour finir, flan pâtissier ou duo de fruits
flambés (banane et ananas).
De retour au bungalow, nous sommes rassurés, l'incendie s'est éteint et par chance ce soir il ne se lève pas un grand coup de vent comme la veille. Après avoir si bien mangé, allons-nous pouvoir dormir ? La fatigue d'une marche d'une bonne douzaine de kilomètres sous une trentaine de degré viendra compenser...
Pour en finir avec
la Nationale 7
Après le petit-déjeuner et un
regard aux jolies couleurs de l'Isalo illuminé par l'aube, départ
à 8 heures en direction du Canal du Mozambique.
Au bout de 4 ou 5 km, Dominique nous
dépose sur la gauche à la Maison de l'Isalo, un petit musée
centre d'interprétation en visite libre. Nous y passons une vingtaine de
minutes.
Par contre, quelques kilomètres plus
loin, il aurait pu nous signaler le rocher dit "la Reine de l'Isalo"
et faire un tout petit détour vers "la Fenêtre de l'Isalo".
Etrange attitude pourtant rien dans notre comportement à son égard
ne peut l'expliquer... Peut-être que de son point de vue juge-t-il ces rochers
comme sans intérêt. Il nous a bien dit lors de nos premiers contacts
que "le côté guide" n'était pas ce qu'il aime le
plus.
Les
déconvenues vont se poursuivre avec lui alors que ce jour là rien
ne nous presse.
Route plutôt bonne. Seulement 240 km à
parcourir même si l'on passera sans aucun contrôle la dizaine de barrages
de police ou de gendarmerie qui les jalonneront.
ILAKAKA et la route du sud-ouest
La végétation a changé. On voit par ici des palmiers rôniers ou palmier de Palmyre (Borassus flabellifer L.) qui ont la faculté de résister au feu.
Notre
programme prévoit le passage au gisement de saphirs d'Ilakaka. Nous
ne le ferons pas.
Un
air de farwest
Dominique nous averti que cette
ville farwest en a tous les défauts et que les touristes y sont des proies.
La découverte ici en 1998 du plus grand gisement en corindons à
ciel ouvert au monde a été à l'origine de cette ville-champignon
qui a poussé de part et d'autre de son artère unique, la RN 7.
Aucune cohérence dans l'architecture, à l'image de la diversité
ethnique et religieuse que l'on peut percevoir (calots et robes blanches de Musulmans
Sri Lankais, d'ailleurs on voit une mosquée à la sortie de la ville...).
Des sources bibliographiques indiquent que la production mondiale de saphirs est
assurée à 40% par Madagascar (10 tonnes par an) alors que d'autres
situent sa contribution à 15%.
En fait c'est aux abords d'Ilakaka,
là où les prospecteurs creusent comme des rats, que vivrait la plus
grande partie des quelques dizaines de milliers de personnes attirés par
le miracle ou le mirage de l'or bleu.
Dominique consent cependant à nous arrêter
chez un lapidaire d'origine suisse installé à la sortie de
la ville, sur la gauche. Notre visite expresse en dix minutes du show-room
Color Line ne nous permet pas vraiment de découvrir les 102
couleurs de saphirs et l'exposition de fossiles. Marc Noverraz travaille les pierres
depuis plus de 20 ans et est arrivé à Ilakaka en 2000. Avec un collègue
guinéen, il organise des visites de mines de saphir. Cette gemme est une
pierre précieuse que l'on trouve principalement à Madagascar et
au Sri Lanka (des terres qui étaient proches avant la fracturation du Gondwana
et la dérive des continents). Une affiche propose la visite guidée
des mines en 2 heures au tarif de 20000 Ariary par personne. Dominique
n'y tient pas car le danger ne vient pas cette fois de "la faune locale"
mais des installations...
Un
environnement plus austère voire hostile sur cette dernière portion
de la Nationale
7
Nous reprenons la route.
Quelques tombeaux...
sans commentaires du chauffeur.
Quant
aux arrêts mentionnés dans le programme pour les photos de baobabs
de la Forêt de Zombitse-Vahibasia, ils n'auront pas lieu.
Peut-être
Dominique a-t-il de bonnes raisons quand même ? Il fait déjà
30°. Dans les minuscules hameaux, les gamins ne nous gratifient pas de leur
sourire et des habituels "Bonjour vazaha" mais au lieu de cela certains
crachent même en direction de la voiture.
Barrage de police avec des
herses signalées par des bouteilles d'eau vide embrochées sur les
piques...
Un peu après 9h30, apparaissent les premiers baobabs
qui jaillissent çà et là d'une sorte de savane où
les rares cultures sont surtout le manioc en raison de la faible pluviométrie
puisque l'épisode pluvieux ne dépasse pas ici une semaine. Des parcelles
sont protégées par différentes cactées. Finies les
maisons en dur et à étage. Les cases des villages sont faites de
matériaux purement végétaux ou en torchis (remplissage par
un mortier d'argile et de paille d'une armature faite de perches).
Après
Sakaraha, nous allons voir quelques zones plus prospères où l'on
pratique la culture sur brûlis
(tavy).
Nous avons quitté le pays des Bara pour celui des Sakalava-Vezo.
La nature semble redevenir plus ingrate après Mahaboboka tandis que l'on
croise de nombreuses charrettes tirées par des paires de zébus.
Les couleurs vives des vêtements des femmes se font plus africaines. Tiens !
pour changer une église "ortodksa". Et des dépôts
de sacs de charbons qui se font plus rares mais il y a si peu d'arbres qui pourraient
encore en faire.
Quant aux tombeaux, ils deviennent très nombreux
et très divers lorsque nous effleurons le pays des ethnies Antandroy et
Mahafaly mais ne suscitent ni commentaires ni arrêts
photos et on doit se borner à des prises depuis la voiture.
Certains ressemblent à de grands parallélépipèdes
de 8-10 mètres de côté, hauts d'environ 1-1,50 mètre,
faits de pierres posées sans mortier et plus ou moins dégradés.
D'autres, plus récents (ou plus récemment réutilisés)
ont une maçonnerie enduite et recouverte de peinture plus ou moins défraîchie.
Ils sont orientées vers les points cardinaux et des piliers marquent les
angles sur lesquels on peut voir des totems de zébus en peinture à
défaut d'alaolo en bois sculpté. Quelques tombeaux portent
une maisonnette sacrée, une sorte de petite chapelle édifiée
au milieu de leur terrasse. Décorant cette maisonnette, on peut aussi bien
voir la peinture d'une sorte de centaure (torse d'homme sur un corps de zébu ?)
et une croix en carreaux de faïence (type salle de bains). D'autres tombeaux
sont surmontés d'une simple croix de bois ou de rien.
Si, nous
aurons un arrêt. Il s'agit d'une pause technique que nous demandons un peu
avant 11 heures. Il est bien temps. Arrêt en rase campagne, avec l'abri
symbolique d'une très maigre forêt sèche. Nous avions à
peine eu le temps de répondre aux nécessités, qu'une troupe
d'enfants sortis d'on ne sait où nous rejoignait, se faisant très
quémandeurs. Il est temps de déguerpir. Dominique doit en sourire...
A
Andranavory, une large piste rouge s'ouvre sur notre gauche en direction du Grand
Sud. C'est la Nationale 10 qui s'en va vers Fort-Dauphin (rebaptisée
Tollagnaro). Passons.
Les maigres
ressources que peut dégager l'agriculture de cette région aride
limitent le nombre de bovins et le bétail le plus adapté est alors
représenté par les chèvres dont on voit paître des
troupeaux au milieu des tombeaux ou que l'on croise sur la route.
Le
paysage change peu à peu. Des buissons épineux dépouillés
de leurs feuilles en cette saison. Une végétation plus haute qui
a un peu l'allure des épineux et des cactus mais de couleur vert de gris
apparaît également. Soudain, à 11h30, dans le lointain
l'horizon est barré par la mer ou plus exactement le Canal du Mozambique,
une annexe de l'Océan indien pour ne pas faire court. Les pousse-pousse
et surtout les tricycles (vélo rickshaws) nous signalent la proximité
de la ville.
C'est Tuléar la coloniale créée en 1895, renommée Toliara ou Toliary ([touli'ar]). La ville compte près de 120 000 habitants pour une agglomération de l'ordre de 200 000 (curieusement mon Routard donne une agglomération de 2 800 000 habitants ! donc pas une simple erreur de zéro en trop).
Pour les touristes qui séjournent à Tuléar, il est prévu la visite du Musée de la Marine. Il leur est souvent proposé de rejoindre Anakao, à partir du port de Mahavatse. Anakao se trouve à une bonne vingtaine de kilomètre plus au sud, par le canal du Mozambique. Voyage folklorique qui commence par un transfert en charrette à zébus à travers la grève et dans l'eau afin de pouvoir embarquer sur les vedettes amarrées à quelques centaines de mètres du rivage. Anakao est un village (12000 habitants) de pêcheurs Vezo et d'agriculteurs Mahafaly. Les touristes peuvent aussi pousser jusqu'à l'île de Nosy Ve (ne pas cofondre avec Nosy Be, tout au nord de Madagascar).
Le marché aux coquillages
de Tuléar
Comme il est tout juste midi, Dominique nous
conduit au marché des coquillages. Un marché aux souvenirs
pour les touristes: de jolis coquillages de toutes sortes certes (notamment des
porcelaines de différentes tailles) mais aussi des papillons sous vitrine,
bouteilles de sables de couleur évoquant des symboles du pays (lémuriens,
baobabs, arbre du voyageur), fossiles transformés en objets décoratifs
polis (ammonites débitée en rondelles), des miniatures de voitures
en bois et surtout en fer blanc tiré des canettes, des nappes brodées
et des paréos imprimés qui font penser à la Polynésie,
des sculptures en bois mais pas d'alaolo, de copies de totems mahafaly.
C'est aussi l'occasion de voir le maquillage du visage de certaines
vendeuses. Il serait plus exact de parler de masques de beauté dont
le but pour les paysannes était à l'origine de se protéger
de l'ardeur du soleil. On peut lire qu'il serait fait à base d'argile rouge
mais il semble que le plus souvent il s'agisse de tabaky, une poudre faite
soit à partir d'écorce soit de racines de bois de santal. Dans un
but purement esthétique, on peut se contenter de dessiner au pinceau des
motifs pointillistes. Tiens ! voilà quelque chose qui nous rappelle
le thanaka des femmes birmanes.
Une demi-heure pour de menus achats.
Passons
maintenant à table.
Sur le court trajet, nous passons près
d'une sorte de gare routière. Ici c'est le terminus pour beaucoup de taxis-brousse
et le relais est pris par des camions bâchés et des vieux bus indiens
"Tata" surchargés qui vont circuler sur les pistes vers le grand sud. On se demande
comment les galeries supportent le poids de tout ce qu'on y accumule.
Pause-déjeuner
à Tuléar
Dominique nous propose l'hôtel-restaurant
"Chez Alain"
dans un quartier sans charme, le quartier "Sans fil".
Après
la prise de nos commandes, nous avons tout loisir d'observer les alaolo,
les totems funéraires, qui décorent le petit jardin où
des tables sont dressées pour les convives. Par exemple, on peut y voir
une étrange sculpture, une tête de brebis surmontant un corps de femme
(y a-t-il une forme féminine du centaure ?). Si l'on sort du classique
zébu, d'autres alaolo sont surmontés d'une charrette tirée
par des zébus, d'un taxi-brousse, d'un gendarme motocycliste en train de
verbaliser un contrevenant...
Question
nourriture, on fera simple après une matinée si peu remplie.
Poisson pour les dames, en filet ou en brochette avec accompagnement de légumes
sautés et frites et pour moi je vais tester un plat traditionnel, le ravitoto.
Pas tout à fait traditionnel car il ne s'agit pas ici d'un ragoût
de porc et de feuilles de manioc mais de lard auquel on a ajouté des morceaux
de dinde. Bien sûr, un bol de riz en accompagnement.
Coût des
différents plats: de 11000 à 12000 MGA.
A 13h45, nous sommes prêts pour aborder
la vingtaine de kilomètres de piste de sable qui nous séparent de
notre fin d'étape à Ifaty.
A la sortie de la ville de Tuléar
, en direction du nord, on traverse une sorte de décharge publique à
ciel ouvert si l'on en juge aux milliers de sacs plastiques qui jonchent le sol
et que l'air de l'océan éparpille. Cette zone sert aussi de gare
ou de dépôt à pousse-pousse. Par des plaques de bitumes qui
subsistent parfois et provoquent de brusques cahots, on devine qu'il y eut ici
une route. Chacun sait ce qu'il reste de ce qui est édifié sur le
sable... En tout cas, la piste est encombrée de camions-bâchés
(en guise de bus) se dirigeant vers le nord et surtout de charrettes. On slalome
et par moment on circule à gauche.
Bientôt en suivant la côte,
on aperçoit une mangrove et dans le lointain l'ourlet blanc de la
barrière de corail qui délimite le lagon.
Il est un plus de 14h30, lorsque Dominique nous confie à la patronne de l'hôtel Nautilus. Mission accomplie. Il va se reposer cet après-midi avant de remonter vers son agence de Fianarantsoa demain.
Installation
au Nautilus
L'hôtel
qui semble assez bien rempli, appartient à un couple d'expatriés
qui ont manifestement adopté un rythme de vie mora-mora.
Attention,
l'établissement comporte trois catégories de bungalows et nous
aurons la moins bonne. Les bungalows encastrés dans la dune, puis ceux
construits un peu au-dessus et dominant le rivage. Enfin au fond du parc et d'allées
de sable, on trouve une batterie de bungalows sans caractère et sans vue
intéressante depuis leur terrasse. Les nôtres ! Et zéro
pour la déco. La literie repose sur un bloc de maçonnerie et ce
sont aussi des "parpaings" qui servent de table de chevet. Spartiate !
ll y a ne piscine
qui pourrait être sympa si l'on n'y retrouvait pas les poils du chien de
la maison qui vient s'y baigner avec sa maîtresse. Quant à la plage,
elle est décevante car très étroite et n'est pas faite d'un
parfait et fin sable blanc dont on pourrait rêver par ici. Très vite,
elle cède la place à de rugueux rochers de coraux morts. Un peu
plus au nord, du côté de Mangily, il y a mieux.
Même l'eau
n'est pas sympathique comme on pourrait s'y attendre dans un lagon. Elle est très
agitée et salie par les algues qu'elle remue. La cause de tout cela, c'est
l'alizé qui souffle dans le Canal du Mozambique et fracasse ses
vagues sur la barrière de corail à quelques kilomètres d'ici
et dont l'entêtant rugissement nous est apporté par le vent.
Profitons de cet après-midi
pour nous reposer, nous détendre et nous cultiver en cherchant dans nos
guides les explications qui nous ont fait défaut.
On se trouvera
d'autres occupations pour la journée libre de demain. La patronne ne se
mouille pas trop au sujet des prévisions météo. Une chose
certaine, il ne peut que faire beau. Quand au vent et à son effet sur l'état
de la mer, c'est autre chose. Pourrait-on passer la barrière de corail
pour aller observer des baleineaux et leur mère (40€ pour 3 heures)
comme c'était encore possible la semaine dernière (mais nous sommes
tout à fait en fin de saison) ? Les piroguiers feront-il des balades
dans le lagon ? Les sorties à la pêche au gros (70€ l'heure) vous
tentent-elles ? Les baptêmes de plongée (50 à 100€) ?
Le snorkeling (location PMT, palmes, masque et tuba, au tarif de 5€ la demi-journée) ?
En soirée, le ciel ne se prête pas à faire
de jolis couchers de soleil alors même que le rivage est tourné vers
l'ouest.
Le dîner va être l'occasion de
mettre fin à ma poussée d'acrimonie et à mes jérémiades
et me réconcilier avec les bonnes choses.
Pendant une journée
et demie, nous sommes en séjour libre, aussi bien pour nos occupations
que pour la restauration. Nous allons donc craquer pour des langoustes
(trois demies par personne) accompagnées de légumes sautés,
frites (soit 32000 MGA ou 11,50€ par personne) et d'un petit vin blanc.
En dessert deux tranches d'ananas flambées (7500 MGA) ou un quart
d'ananas taillé en pirogue (7000 MGA).
La table est bonne et
le service très stylé, avec un Robinson, une sorte d'Oncle Tom,
un peu affable même, qui ferait penser à l'ambiance que les romans
rendent lorsqu'ils évoquent les serviteurs et esclaves noirs dans les plantations
du sud des Etats-Unis juste avant la Guerre de Sécession, serviles et trop
désireux de plaire, s'inclinant devant les Blancs.
Après ces agapes, le grondement qui vient toujours de la barrière de corail va-t-il nous bercer ?
Matinée
libre à Ifaty
Finalement
nous avons bien dormi et c'est avec étonnement que nous sommes saisis par
le silence ambiant. Plus de rugissement au loin. L'écume de la barrière
de corail à peine visible. Et l'eau du lagon devenue d'huile.
Nous
ne prenons donc pas notre petit-déjeuner très tôt et les
activités pour la matinée se trouvent compromises. Piscine pour
les dames tandis que pour mon compte je me décide vers 9 heures de faire
une petite balade le long de la côte, en direction du village principal,
Mangily, à 4 kilomètres plus haut nord.
Je peux d'ailleurs apercevoir
des pensionnaires qui se sont mieux levés que nous et qui ont embarqué
sur des pirogues se dirigeant vers la barrière de corail. Il s'agit de
pirogues à simple balancier et dotées d'une voilure rudimentaire,
un carré de toile. Quant à moi, la marche alterne les zones sableuses
fatigantes et celles de rochers de coraux morts délicates (attention aux
entorses). En traversant les villages, c'est l'occasion de voir de plus près
la vie des familles. Les enfants qui n'ont toujours pas repris les cours jouent,
évidemment. Les femmes qui ne vaquent pas après la cuisine papotent.
C'est aussi l'occasion d'apprécier la décoration peinte sur certaines
pirogues tirées sur le sable. Plus loin, un couple tire un filet vers la
plage...
Je suis de retour au bord de la piscine à 11 heures. Petit repos avant
le déjeuner. Quelques mots échangés avec les autres touristes
nous apprennent que ceux qui ont fait les sorties en pirogue d'environ deux heures
au cours de la matinée en sont satisfaits. L'eau étant redevenue
parfaitement limpide au point qu'il était même possible de voir les
coraux sans se mettre à l'eau. Ils leur en avait coûté 10000 MGA
par personne (+ redevance de 5000 MGA au profit de la Réserve
Marine pour ceux qui se sont mis à l'eau).
Ifaty: en charrette à la découverte de la FORET DES BAOBABS
Cet
après-midi, Robinson, l'un des serveurs du restaurant, organise
une sortie en chars à boeufs ou plus exactement en charrette à
zébus dans une forêt sèche où poussent entre autres
espèces, différents baobabs. Pour une sortie de deux bonnes
heures, il nous est demandé 15000 MGA soit un peu plus de 5€.
Chaque charrette tirée par une paire de zébus emporte trois passagers
en sus du cocher.
La proposition semble rencontrer un grand succès
puisqu'on va former une caravane d'un dizaine de charrettes sous l'autorité
de Robinson qui à 14h30 non seulement changé de rôle mais
aussi d'allure.
Les zébus
sont rapidement attelés à un joug rudimentaire attaché à
un timon. En guise de guides, chaque extrémité d'une sangle est
reliée à une corde faisant le tour de la tête de chacun des
animaux en traversant ...leur cloison nasale !
Par moment la balade prend l'allure d'une course de chars.
Ce n'est pas
le grand confort mais on a connu pire. Contrairement à bien des charrettes à l'essieu
directement monté sur la caisse, celles-ci sont dotées de ressorts à
lames pour amortir les cahots. Le luxe ! Mais de toute façon, ça cahote peu
puisque l'on se trouve sur un terrain sablonneux. C'est qu'ils galopent bien ces
zébus là (ne pas confondre avec zébulons, nom que l'on donne
ici à leurs petits !) et leurs pointes doivent être de l'ordre
15 ou 20km/h. Notre équipage parti le premier va longtemps rester en tête
ce qui n'empêche pas Robinson juché dans une charrette au milieu
de la file de diriger sa troupe d'une voie ferme qu'on ne lui connaît pas
lorsqu'il assure le service de restauration.
Bientôt nous traversons
des villages, en passant en bordure d'enclos à petit bétail (chèvres)
fermés par de hautes palissades de branchages.
Les enfants qui jouent
nous saluent sur notre passage.
Nous quittons le cordon dunaire côtier
pour nous diriger à l'est, vers l'intérieur. Nous nous trouvons
alors en bordure de la zone des marais salants d'Ifaty, l'eau de mer étant
apportée par la grosse conduite de béton passant sous le cordon
littoral que j'avais vue lors de ma balade pédestre matinale. Actuellement,
les bassins de décantation sont à sec. La production serait-elle
en crise ? Pourtant la Fleur de sel d'Ifaty est réputée dans
le pays. Maintenant c'est une zone de prairies très rases, surpâturées
avec quelques maigres arbres et, de ci de là, quelques cochons noir et
chèvres blanches en liberté. Nous arrivons dans de nouveaux villages
de l'intérieur. Petit bout de chemin sur la "Nationale 9"
puis nous obliquons par une piste plus étroite, toujours en direction de
l'est. Le paysage change. Les parcelles se font plus rares et la végétation
arbustive ou arborée plus présente, bien que la verdure ne soit
guère visible en cette saison.
A l'occasion d'arrêts, Robinson nous fait découvrir ces espèces de cactus-cierges qui peuvent atteindre la bonne dizaine de mètres de hauteur. Il ne s'agit pas du tout de cactus mais de didiéreacées (Didiereaceae, du nom du botaniste qui a identifié la plante) que certains nomment aussi "arbres poulpe" en raison de ses branches à l'allure de tentacules. Curieusement l'inclinaison des branches s'oppose à la direction des vents dominants, elle penchent donc ici vers l'ouest. Cet arbre étrange dont 6 des 7 familles sont endémiques à Madagascar) est dit xérophile, c'est-à-dire adapté à des milieux très pauvres en eau, par l'absence de feuilles et le transfert de l'assimilation chlorophyllienne aux tiges qui restent vertes et sont protégées par des épines. Le bouturage est aisé et les villageois en profitent pour faire ainsi des clôtures.
Les
Euphorbes produisent un latex blanc qui coule quand on les coupe et cette
sève laiteuse est plus ou moins toxique ou irritante selon les espèces.
C'est en Afrique ainsi qu'à Madagascar, sous la forme de plantes succulentes
(mot dérivé de "suc", au sens non pas de "délicieuses", bien
au contraire, mais de "plantes grasses" parfois épineuses, d'ailleurs
certaines ressemblent aux cactus), qu'elles se sont le plus diversifiées
puisque l'on y trouve 150 espèces endémiques sur les quelque
2000 dénombrées sur la planète. |
Nous passons à d'autres genres d'arbustes.
Il s'agit des euphorbes dont nous connaissons, pour la plupart, l'espèce
décorative dite "Epine du Christ". Sur les 2000 espèces de cette famille
botanique existant dans le monde, 150 sont endémiques de Madagascar. Elles
ont en commun de secréter un latex irritant qui peut même s'avérer
toxique. C'est d'ailleurs munis de gants que Robinson manipule des tiges d'une
euphorbe épineuse et les casse pour faire couler le latex. Il ne faut évidement
pas se frotter les yeux après ce genre de manipulation. Le latex bouilli
pendant une demi-heure sert à faire une sorte de goudron pour protéger
les pirogues. Avec le latex d'une autre variété, non épineuse,
on soigne les maux de dents. Les laboratoires pharmaceutiques s'intéressent
de près aux substances médicinales qui peuvent être tirées
des diverses variétés. C'est aussi avec le latex très toxique
de certaines variétés d'euphorbe que l'on pratiquait le tanguin,
une sorte de "jugement de Dieu". Si l'accusé se remettait de
l'absorption du poison, c'est qu'il était innocent !
Parmi les
plantes basses, il ne faut pas confondre les aloès (plantes originaires
d'Afrique et de Madagascar et cousines des petites haworthia que l'on a
vue à l'Isalo) dont on tire des médicaments, du sisal,
une variété d'agave originaire du Mexique, dont les fibres servent
à fabriquer des cordages et des tapis grossiers.
Quant à
la faune, essentiellement aviaire, sa découverte est plus difficile
car les sujets sont mobiles. j'ai le temps de fixer une crécerelle malgache
(Falco newtoni), un petit rapace diurne de la famille des faucons posé
à l'extrémité de didiereacées. Peu après, sur
le même genre de support, on peut voir un petit oiseau blanc à tête
et gorge noires.
Nous repartons et allons découvrir de plus grands arbres.
Nous
pensons avoir affaire à des baobabs mais il y a parmi eux de "faux-amis".
Robinson nous présente trois variétés de Delonix Regia,
en période de repos végétatif et donc dépouillés
de leurs feuilles. Le tronc est resserré au sommet ainsi qu'à la
base. Il s'agit d'arbres d'Afrique orientale et de Madagascar dont une espèce,
le Flamboyant, s'est répandue sous les tropiques. Un peu trop tôt
pour profiter de sa floraison. Tout aussi connu est appartenant à la même
famille botanique, on trouve notre "petit pois". D'ailleurs Robinson
attire notre attention sur les gousses accrochées aux branches qui permettent
au premier coup d'oeil de savoir qu'il ne s'agit pas de baobab. Autre détail
qui les en distinguent, la base du tronc se resserre.
Nouveau piège
un peu plu loin sur notre gauche. Il ne s'agit pas d'un baobab à quatre
troncs mais d'une espèce de Pachypodium ("pied épais")
géant dont le tronc a une forme de bouteille. Ces pachypodium geayi
(du nom de leur découvreur, il y a un siècle de cela) atteignent
10 mètres de haut. Pour des non spécialistes, c'est surprenant de
voir qu'ils appartiennent à la même espèce que les pachypodiums
nains que nous avons vus dans l'Isalo. A noter que les divers pachypodiums tout
comme les delonix sont originaires d'Afrique orientale et de Madagascar.
Arbre
exogène, le balsa (originaire d'Amérique) dont le tronc s'évide
facilement pour en faire des pirogues. Son bois a aussi l'avantage de la légèreté
mais l'inconvénient d'être très cassant.
Maintenant nous pénétrons dans
la forêt de Tsivanoe comme nous le précise un portique. Les
villageois avaient eu le projet dans faire un parc de promenade en disposant des
coquillages au bord des allées mais Robinson a dû les convaincre
qu'il fallait laisser les choses dans leur aspect plus naturel.
| ||
Après une zone de didiéracées, voici enfin nos baobabs,
et l'on va être gâtés. Nous en verrons qui ont 900 ans, 1100
ans et même 1500 ans. La base de leur tronc porte la marque d'anciennes
invasions marines (lors de tsunamis).
Le
baobab est un arbre sacré, le Reniala, "la mère de la
forêt". Jolie expression mais elle n'a plus guère de sens car
si "la mère" survit elle est souvent isolée car la forêt
alentour a disparu (des vestiges de cet ancien écosystème subsistent
cependant dans quelques endroits au nord de Madagascar). Tout peut être utilisé dans le baobab. Que ce soit pour les usages domestiques: écorce (confection des cases et de sa fibre on fait un tissu), bois, fruit, pour des usages phytopharmaceutiques: feuilles (colique), écorce (fièvre), gomme (désinfectant) ou pour la nourriture: feuilles (légume vert ou en tisane), fruit pour sa pulpe (boisson vitaminée) et ses graines protéinées (huile). À noter que contrairement aux arbres habituels, son écorce peut être prélevée en grande quantité, puisqu'elle a la faculté de se régénérer rapidement et facilement sans que l'arbre meure. Son écorce sert à la confection des cases et fournit une fibre dont on fait un tissu ; l'intérieur du tronc, réserve de glucides et d'eau, est constitué d'un bois tendre et spongieux dont les fibres sont données au bétail en période de sécheresse ou transformées en cordes ; les jeunes feuilles peuvent être consommées comme légume vert ou en tisane ; enfin, les fruits contiennent non seulement une pulpe acide qui sert à confectionner des boissons vitaminées, mais aussi des graines riches en protéines et en huile. |
Nous sommes ici en présence de la variété Adansonia
rubrostipa ou fony, au tronc en forme de bouteille et
aux fruits sphériques (akoussas).
Il
est 16h30 passées et nous finissons notre découverte par un énorme
baobab à troncs jumeaux.
Grand merci à Robinson pour son savoir encyclopédique et pour la clarté de ses explications
La cavalcade, mot inapproprié puisqu'il n'y a pas de chevaux dans la course,
va recommencer en traversant les villages dans de grands nuages de poussière
mais dans des conditions qui ne m'amène pas cette fois à complimenter
Robinson. A l'approche des villages, certains touristes commencent à
jeter des bonbons en direction des enfants. C'est bientôt une véritable
meute qui se mêle aux charrettes. Plutôt que de demander que cesse
cette distribution, Robinson se borne à demander que les bonbons soient
jetés assez loin afin qu'en cas de chute les enfants ne risquent pas d'être
piétinés ou blessés par les charrettes. Evidemment, les grands
l'emportent sur les petits et les garçons sur les filles...
De la part
de Robinson, j'aurais plutôt attendu d'autres recommandations, dès
avant le départ. Pourquoi ne pas lui remettre ce que dont nous souhaiterions
faire bénéficier les enfants des villages ? Pourquoi ne pas
orienter les gestes philanthropiques vers d'autres objets que des bonbons ?
...le développement et l'alphabétisation par exemple !
17h15, nous sommes de retour après deux heures et demie d'une balade instructive et pas trop fatigante (pour nous).
Ca va être le bon moment pour capter des images de coucher de soleil car la lumière semble bien meilleure que la veille.
Ifaty: soirée au Nautilus
Avant de dîner,
cocktail offert sur la terrasse du restaurant et spectacle de trois quart d'heures
donné par les villageois (musiciens et chanteurs) tandis que les villageoises
dansent avec un art consommé des trémoussements de hanches très
suggestifs, mimant lacte sexuel en faisant osciller leurs hanches alternativement
de gauche à droite vato balansy ("pierre de balance").
En principe, si les femmes ne peuvent que séduire et ne peuvent pas faire
directement des avances, elles n'en sont donc pas moins provocantes, tout en respectant
le code qui permet aux seuls hommes de courtiser.
19h30, il est temps de passer à table. Tout cela nous a bien mis en appétit. On ne se prend pas la tête et on récidive pour un dîner identique à celui de la veille.
La nuit sera courte car nous devons quitter l'hôtel dès 6h45.
Transfert d'Ifaty
à l'aéroport de Tuléar, direction le Menabe
Le transfert est assuré par Olivier Pelaez du Ranch Solaris. Olivier est une expatrié français marié à une Malgache et installé ici, à Mangily. Pour nous conduire à l'aéroport, il a sorti son vieux 4x4 Nissan Patrol au pare-brise rafistolé. La conduite sera très sportive. Sur les pistes sableuses on roule en 4 roues motrices et dans des parties presque dunaires et pentues, Olivier bloque le différentiel pour limiter le patinage. C'est qu'il y a un petit bout de chemin pour se rendre à l'aéroport de Toliara, situé à une dizaine de kilomètres au sud de la ville. Pour meubler le trajet, Olivier nous taquine en évoquant les retards et les annulations de vols sur Air Madagascar et il ajoute même que parfois les avions sont réparés avec du Scotch...
A 8 heures, nous sommes à l'aéroport. Mission accomplie pour Olivier. Merci et bon retour à son ranch.
Deux
comptoirs pour l'enregistrement. Aucun affichage lumineux. Pas de tapis convoyeurs
pour les valises. Des passagers en attente d'un vol vers Tana se font du souci
en raison de l'annulation d'un vol. Nous ne sommes pas concernés puisque
nous allons vers Morondava.
En attendant le début de l'enregistrement,
j'ai tout loisir de jeter un coup d'oeil sur les grands panneaux pédagogiques
disposés dans le hall. Ils présentent le projet Ranobe d'exploitation
de gisements de sables à minéraux lourds dans l'ouest de Madagascar
par la société australienne Toliara Sands SARL. Les premières
reconnaissances remontent aux années 1996-97. Des tests ont été
effectués ainsi que des études de faisabilités et une réflexion
sur la réhabilitation des sites. Le gisement est estimé à
plus de 700 millions de tonnes avec une teneur supérieure à 6% de
minéraux lourds, de l'ilménite pour l'essentiel dont on tire le
titane (on a déjà évoqué le sujet sur la côte
orientale). Un dernier panneau nous ramène au néo-colonialisme paternaliste
et infantilisant. En voici quelques extraits : "Chères cases en
falafa, belles maisons et belle usine vous remplaceront. Eau viendra à
nous. Avion où te posera-t-on ? [...] Petit bateau, un jour deviendra
grand. Toliara Sands veut construire pour TOUS. Madagascar, êtes-vous également
prêts avec nous ?". Edifiant, non ?
Un petit bimoteur se pose. C'est sûrement le nôtre. Nous partirons donc probablement à l'heure. Petite passerelle à 5 marches et hop ! Attention à la tête car le plafond est bas bien qu'il n'y ait pas de coffres à bagages en cabine. Théoriquement il y a 19-20 places assises mais seulement 16 sont occupées car des bagages sont placés sur les autres sièges. Il n'y a aucun personnel de cabine et l'on est séparés du poste de pilotage par une simple cloison genre Formica, grossièrement ajustée au gabarit de l'appareil. La porte d'embarquement est fermée de l'extérieur et personne ne vient s'assurer que l'on a bien attaché notre ceinture. A l'exception d'un seul, les hublots sont sales et jaunâtres. Foutu pour les photos.
La
notice de sécurité indique que l'appareil est un DHC-6. Encore
jamais rencontré ce type d'oiseau.
Je me suis documenté depuis
et j'ai appris qu'on surnomme cet appareil Twin-Otter ("loutres jumelles")
car il s'agit d'un robuste avion canadien (firme De Havilland Canada) qui
peut être équipé également de skis ou de flotteurs,
dont la fabrication fut entreprise il y a une quarantaine d'années. C'est
un modèle d'avion à ailes hautes et à train d'atterrissage
tricycle fixe fabriqué depuis 1965.
10h15,
ça y est ! On roule et on décolle rapidement.
Je repense
à la boutade d'Olivier, pendant notre transfert, au sujet de l'entretien
des avions lorsqu'il disait qu'à d'Air Madagascar on fait des réparations
avec des bouts de Scotch. Cela me laisse dubitatif et me sort de ma lecture. Stupeur !
Regardant par le hublot à ma droite, j'ai vue sur le moteur accroché
sous l'aile et je vois que le capot comporte un trou que l'on a tenté de
masquer avec des bouts de Scotch qui ont tendance à se détacher
et à flotter au vent. Evidemment, je n'en pipe mot à personne sur
le moment.
A part cela tout se passe bien et même très bien puisque jusqu'à maintenant, qu'il s'agisse de vol en monomoteur genre Cessna ou du gros A-380, on n'a jamais connu plus doux atterrissage: ni sensation de décélération, ni choc de contact.
Nous nous posons à Morandava peu après 11 heures et demie...
Un nouveau chapitre de nos aventures va s'ouvrir !