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Dès 7 heures nous retournons à l'hôtel pour prendre un excellent
petit-déjeuner continental amélioré avec yaourt maison, salade
de fruit, jus de fruit frais.
Après cela, nous profitons d'un petit
quart d'heure pour nous promener dans le parc entourant l'hôtel. Superbe
par la variété des fleurs, par le cadre sur le bord du lac noyé
dans le brume à cette heure matinale, lac où sont installés
certains bungalows sur pilotis. Il y a peut-être un revers à y loger...
les moustiques !
En route vers l'Océan Indien
7h45, c'est parti pour une journée en 4x4 en lieu et place du pittoresque trajet en train vers Manakara.
Dix
kilomètres de petite route le long de la voie ferré pour regagner
la Nationale 7. Fours à briques dont la combustion est réglée
à partir des prises d'air ménagée à la base des meules
comme on peut le voir. Et donc, maisons de briques !
Nous reprenons
la direction du nord pour quelques dizaines de kilomètres avant de bifurquer
vers l'est, via la Nationale 45, un embranchement qui nous permet de rejoindre
la route Nationale 25. Enfin des bonnes routes dont le revêtement
a été refait il y a cinq ans grâce à des aides d'ONG,
des pays étrangers (USAID) ou des organismes multilatéraux relevant
des Nations Unies, de la Banque Mondiale.
Champs
d'armoise (Artemisia), culture intercalaire mal payée mais qui n'occupe
le terrain que pendant trois mois. Piétinement de rizière par un
groupe d'une dizaine de zébus en vue du repiquage prochain du riz dans
certaines parcelles. Cela ne semble pas beaucoup les amuser et certains parviennent
à échapper à leurs bouviers.
Intéressant
arrêt au village d'Anjamba pour y voir un atelier où quatre
forgerons sont à l'oeuvre, pieds nus. A partir de plaquettes d'acier
d'environ 30x10x2 cm, ils forgent des bêches, douille comprise. Une
grosse pièces d'acier récupérée leur sert d'enclume
et le feu est activé par un soufflet à deux tuyaux (comme on l'a
également vu en Birmanie).
Ici la population n'a pas l'air très
prospère si l'on en juge aux vêtements usagés et sales, notamment
ceux des enfants crasseux qui quémandent à coup de "Vazaha
sitlos" (stylos) et de "Bonbons Vazaha". Tous les villageois
vont pieds nus.
Un quart d'heure après avoir quitté ce village, nous arrivons aux jolies chutes d'Andriamamovoka.
Toute la région
s'apprête à accueillir un chanteur en tournée comme en témoignent
les banderoles suspendues au-dessus de la route sur le trajet vers Manakara. Il
s'agit de Jean Aimé, la super vedette de Bemaharivo et Marovoay (nord-ouest
de l'Île), un chanteur de type zouk-love (un style musical venu des
Antilles dans les années 1980 caractérisé par un rythme lent
et doux se prêtant aux chansons d'amour) rendu célèbre par
son tube Andrasako foana anao cheri (qui signifierait peut-être
quelque chose du genre "Chérie j'attends que tu sois libre")
créé en 2006.
Petit
arrêt au marché de Ranomafana
Peu après, c'est le centre de Ranomafana (la localité compte
10 000 habitants, campagnes comprises), avec des maisons "à pans
de bois" et torchis, un petit marché. C'est une petite station thermale
comme son nom malgache l'indique "eau chaude".
Court
arrêt. Tour rapide au petit marché. Nous repérons déjà
l'endroit où nous dormirons dans deux jours, au retour de Manakara. Les
traditionnels chariots à quatre petites roues sont parfois remplacés
dans cette région par des brouettes entièrement faites en bambou
(roue comprise).
Trajet
routier au milieu des forêts
10h15, on reprend la route pour la région
de l'ethnie Tanala. Nous n'irons pas au petit village de Kelilalina où
certains T.O. conduisent leurs voyageurs pour assister à la danse Dombolo,
une danse avec des bambous. Passage à Ifanadiana.
Les forêts
de hautes futaies cèdent la place à la forêt tropicale avec
les ravinalas ou "arbres du voyageur", des quantités de bananiers,
fougères arborescentes, jacquiers et badamiers...
Le ravenala ou ravinala, "l'arbre du voyageur",
emblème
de Madagascar et de la compagnie Air Madagascar
Ce n'est pas véritablement un arbre. Cette plante est endémique à Madagascar. On laissant de côté les termes des classification botaniques pour utiliser des termes anthropologiques, on pourrait dire que c'est un lointain cousin des palmiers et un cousin germain du bananier. Avec ses feuilles érigées en éventail et orientées pour présenter le moins de prise possible aux grands vents (cyclones), il atteint 20 mètres de haut. Il pousse dans les sols frais.
En perçant un trou à la base de chaque feuille (la gaine foliaire du pétiole) on peut "tirer de l'eau", jusqu'à un litre, en réalité de la sève sans goût particulier. C'est cela qui lui vaut son surnom "arbre du voyageur" puisqu'il est possible de se désaltérer de cette façon.
Mais
les Malgaches lui ont trouvé bien d'autres usages, notamment des matériaux
pour la construction des cases traditionnelles. Les panneaux des murs, sont fait
avec des pétioles fendus, falafa. Le toit est fait tout simplement
avec les feuilles, raty. Du tronc on tire des planches, rapaka.
Enfin, il procure aussi une matière grasse comestible et également
utilisée pour les cosmétiques...
Donc "arbre" providentiel à plus d'un titre !
Nous faisons une pause peu après, à
quelques kilomètres avant Irondro (vers Ambalahosy) où nous devons déjeuner.
Nous surplombons une rivière dans laquelle des dizaines d'orpailleurs,
ou plus exactement d'orpailleuses, s'activent, des femmes et des enfants pour
l'essentiel. Dominique n'est pas en mesure de nous indiquer clairement s'ils recherchent
de l'or ou des pierres semi-précieuses. En fait, ils s'agit de
chercheuses d'émeraudes.
En fait c'est un orpaillage
un peu particulier car ce ne sont pas des sables ou graviers de la rivière
qu'ils "lavent" dans leur batée mais de la terre que d'autres
ouvriers apportent de la colline voisine. A quelque distance, un modeste site occupe une dizaine de personnes.
C'est également l'occasion
d'observer près de là différentes plantes tropicales qui
poussent directement au bord de la route: caféiers, avocatiers en fleur,
litchis, girofliers, canneliers, palmiers à raphia...
Pause
déjeuner à Irondro
A Irondro est une petite localité située au niveau d'une fourche, là où la RN25 s'oriente vers le nord-est en direction de Mananjary (l'amélioration de ce tronçon a bénéficié d'aides de l'Union Européenne en 2009), au bord de l'Océan Indien, tandis que la RN12 qui part d'ici, plein sud, rejoint Manakara, également sur la côte.
Il
est midi et quart et Dominique avise un endroit où l'on pourrait déjeuner.
Le connaît-il ou se laisse-t-il séduire par l'enseigne "Hôtel
Tsimialona - Le Goût du Voyage Mandrosoa Tompoko" ?
En fait d'hôtel, c'est un hotely dont la salle de restaurant
enfumé et sombre est vrai ment une gargote. Au long des routes on peut
voir d'ailleurs de nombreux établissements qui assument pleinement leur
fonction en se baptisant "Gargotte" (orthographe locale
pour gargoTe).
Allons-nous bien manger ? En tout cas nous
n'allons pas nous ruiner. Il y a trois plats au choix, tous à 3000 MGA
soit 1,07 €.
"Akoho, sauce Rony": des morceaux
de poulet cuit dans un bouillon relevé au gingembre
"Hen'Omby,
sauce Tsaramaso": émincé de zébu sauté avec une
sauce à base d'oignon, relevée à l'ail et au gingembre
"Hena Kisoa, sauce Tsaramaso": sauté de porc.
Riz en accompagnement. Si on le souhaite, on peut aussi relever les plats avec
du piment.
Au lieu d'eau en bouteille, Dominique se fait servir une boisson
traditionnelle, du bouillon de cuisson de riz. Encore mieux que de l'eau simplement
bouillie...
Nos choix porteront sur les deux premiers plats. Poulet peu
copieux avec des morceaux surtout constitués d'os (l'akoho malagasy
est souvent efflanqués). Quant au zébu, il s'est avéré
très coriace. Il faut chasser les mouches qui se posent sur le riz.
Venons-en au riz. Copieusement servi à la mesure des habitudes malgaches
mais avec un fort goût de fumée (cuisine au bois) et des grains cassés
et même quelques grains de sable. Rien d'étonnant quand on en voit
sécher non loin de là sur le bord de la rue, voire sur la chaussée.
En moyenne, les Malgaches consomment annuellement 130kg de riz par personne.
Évidemment nous sommes les seuls vazaha dans l'établissement qui se remplit
peu à peu, notamment avec l'arrivée d'un groupe d'enfants encadrés
par quelques adultes. Dans la pénombre, on aperçoit des publicité
pour la "Sûr'Eau" ou le rhum Ankarana...
Une expérience
intéressante que nous avons faite là... mais que nous n'aurons pas
forcément envie de renouveler ! Faut-il remercier Dominique ?
Comme nous ne nous sommes pas attardés
longtemps, il est seulement 12h45, cela nous laisse un peu de temps pour se
balader dans le village qui s'avère être une étape de
mi journée pour de nombreux Malgaches et vazahas, surtout en raison de
la "panne" de train. Notre déambulation permettra de prendre
un dessert sur le pouce en achetant de délicieuses petites bananes pour
quelques centimes d'euro.
Une demi heure plus tard, nous reprenons la route. Le paysage change encore devenant
austère, de plus en plus découvert. Les collines sont soit dénudées
et parfois ravinées, soit couvertes d'une sorte de savane herbeuse verte.
On ne voit ni bétail, ni cultures, tout juste quelques bananiers et ravenalas
dans les vallons.
On sent que la route descend vers la côte, vers le pays de l'ethnie Antaimoro. Vallées et rivières permettent à nouveau de créer des rizières.
15h15,
nous sommes près de Manakara.
Dominique nous propose de voir "une
attraction unique au monde". Nous descendons du 4x4 sur une zone enherbée
et observons les lieux alentour. La ligne de chemin de fer coupe en biais
ce qui ressemble à une large route goudronnée... Ce n'est pas une
route mais la piste de l'aéroport local. Après tout, la route
donnant accès au Rocher de Gibraltar coupe bien son aéroport...
MANAKARA 38 000 habitants [manakar']
Puisque
l'on vient de parler de train, en abordant Manakara, nous allons jeter un coup
d'oeil à la gare déserte à l'enseigne "Fianarantsoa
à la Côte Est". A l'intérieur on peut toujours voir une
affiche manuscrite annonçant les départs à 6h45 les mercredi,
vendredi et dimanche et le message vraiment étonnant "Train à
l'heure, Merci et Bon Voyage".
Quelques centaines de mètres
et nous débarquons à l'hôtel La Vanille. Charmant accueil
par la propriétaire des lieux. Chambres spacieuses mais défraîchies,
à l'image de cette ville tropicale un peu abandonnée et qui s'abandonne
avec un charme subtil et suranné. Climatisation en panne dans l'une de
nos chambres mais un joli petit jardin autour de l'hôtel et l'on voit à
l'extérieur le personnel qui prépare les produits de la mer livrés
tout frais pêchés qui seront servis ce soir.
Manakara:
un petit tour en ville
Nous partons faire un petit tour à
pied, vers Manakara Be, une pointe et non pas une île, coincée
entre l'embouchure de la rivière de Manakara et l'océan, un quartier
résidentiel chic avec des demeures coloniales et où se trouve "Le
Trou du Commissaire" (!), où La Vanille possède une annexe
de bungalows en bord de plage.
Mais nous
nous arrêterons au pont franchissant la rivière. La moitié
du tablier de ce pont métallique genre "Eiffel" s'est
effondrée il y a douze jours, dans la matinée du 10 septembre
lorsqu'un camion transportant 30 tonnes de sel (on peut lire dans la presse que
le Ministre des Transports parle de 60 tonnes, là se serait vraiment une
surcharge considérable même pour un 38T) a voulu le franchir alors
que, compte tenu de sa vétusté (ancienneté et surtout absence
d'entretien), le poids maximum autorisé avait été limité
à 25 tonnes (la presse mentionne 20 tonnes mais on nous a parlé
de 8 et même de 5 tonnes seulement, qui croire ?). De toute façon,
même à l'origine (1910) ce pont ne pouvait pas faire passer des véhicules
de plus de 35T.
Spectacle ahurissant de voir des personnes escalader les monceaux
de pont pour gagner l'autre rive en s'agrippant à un filin parfois d'une
seule main l'autre portant quelque charge. Dans cette "cordée"
nous apercevons la propriétaire de notre hôtel qui rentre chez elle
ou qui se rend à son annexe.
L'autre solution, moyennant modique rétribution
(200 ou 300 MGA), est de faire appel aux pirogues habituellement dédiées
à la pêche ou aux promenade des touristes qui se trouvent ainsi utilisées
comme bacs. C'est aussi la solution utilisée pour transporter des bidons
de carburants vers la centrale électrique de la JIRAMA ("JIro sy
Rano Malagasy", la compagnie nationale d'eau et d'électricité
de Madagascar créée en 1975 par la fusion de la Société
Malagasy des Eaux et Electricité SMEE et de la Société des
Energies de Madagascar SEM) qui se trouve de l'autre côté!
Nous rebroussons chemin et allons faire un tour en centre ville: églises
(les paroissiens de l'église Sainte Thérèse se rendent à
la messe célébrée le samedi soir), Hôtel de Ville,
villas cossues à l'apparence d'hôtels mais demeures de Chinois aisés.
De retour à l'hôtel La Vanille,
il fait complètement nuit et survient une coupure de secteur qui va
durer deux heures et demie. Un groupe électrogène poussif tardera
longtemps avant d'accepter de prendre partiellement le relais. Au dîner
aux chandelles, nous nous partageons entre une demi douzaine de camarons
(très grosses gambas) grillés ou en brochettes, accompagnés
de légumes sautés (carottes, mange-tout, oignon, courgette) et frites.
Prix de plat: 15 000 MGA. Pour terminer deux bananes copieusement flambées
au rhum: tarif: 3 000 MAG. Soit en tout En
pirogue sur le Canal des Pangalanespar personnes (hors boisson) l'équivalent
de 6,50€.
Nuit
calme.
Drôle
d'histoire de crevettes: A
Madagascar, on appelle CAMARONS de grosses crevettes de mer (endémiques
sur les côtes d'Australie, le sud-est de l'Asie et l'est
de l'Afrique) connues aussi sous le nom de crevettes géantes tigrées
(Penaeus monodon). Le terme camaron proviendrait du portugais camarão
(les Portugais furent les premiers découvreurs du pays au tout début
du XVIe s.). |
Manakara:
en pirogue sur le Canal des Pangalanes
Tôt, à 8 heures
le lendemain Dominique nous a conduits à l'entrée du pont effondré
où il nous présente au guide qui va nous accompagner pendant la
matinée dans la lagune, sur le canal, la rivière et ses rives. Ce
tout jeune guide qui vient de terminer sa formation en juin et dont Dominique
a été le tuteur s'appelle Arthur
Bien-Aimé LE ZOMA que nous nous contenterons d'appeler Arthur.
Il mérite son titre de guide car il parle parfaitement notre langue et
connaît son sujet sur le bout du doigt. Il est vrai qu'il semble tout particulièrement
attaché à sa contrée.
A
l'entrée du pont, nous descendons par un court sentier dans le village
de cases des piroguiers.
Nous voici embarqués dans une pirogue couverte
avec quatre piroguiers dont un placé à l'avant de l'embarcation.
Ils pagaient à un rythme incroyable.
Le temps est agréable,
ciel dégagé et température d'environ 25°.
Nous allons
partir sur la gauche, autrement dit vers le nord. Nous sommes sur la rivière
Manakara. Nous longeons le pont effondré ce qui nous permet de constater
à quel point il était rongé par la rouille puis nous nous
dirigeons vers l'embouchure en longeant sur la droite la pointe qui sépare
la lagune de l'océan. Des petites maisons de pêcheurs y sont installées
et l'on peut en voir certains qui réparent leur pirogue ou revoient son
étanchéité (calfatage) en appliquant
un genre de goudron sur les parties abîmées.
Nous croisons des pirogues de pêcheurs qui rentrent. Bien qu'ils naviguent
à contre courant, certains n'ont pas besoin de pagayer car ils ont hissé
une voile rudimentaire et le petit vent soufflant du large suffit pour les faire
avancer.
Bientôt, nous arrivons au port abandonné
qui est devenu un cimetière de bateaux.
Sur la gauche, les quais et les bâtiments des entrepôts sont déserts
tandis qu'en face, sur notre droite, on voit de vieux chalands et des barges rouillées et échouées.
Il est loin le temps où le port donnait du travail à 1500 dockers.
La décision d'installer ce port de la partie sud du littoral orientale
de l'île à Manakara plutôt qu'à Mananjary a été
prise en 1921, la liaison ferroviaire avec Fianarantsoa étant plus courte
de 41 km.
Le port a fermé en 2008. Il s'avérait inadapté
pour accueillir les navires actuels qui devaient jeter lancre au large tandis
que les marchandises devaient être transbordées d'où perte
de temps, coûts supplémentaires, pertes et vols de marchandises liés
aux manutentions supplémentaires. Pourtant en juillet 2009, le ministre
des Transports, Rolland Rajantoelina, déclarait
«la remise en marche
du port de Manakara devra se concrétiser cette année»...
Aujourd'hui on s'oriente vers une autre direction en choisissant de développer
le site de Marohita, à 20 km au sud de Mananjary et situé
sur le canal des Pangalanes. Il pourrait abriter un port en eau profonde et disposer
denviron 80 000 ha de terrains plats tout autour.
L'enjeu,
c'est l'exportation de sables noirs riches en zircon et surtout en ilménite
(oxyde minéral de fer et de titane) vers la Chine.
De
l'ilménite, on extrait le titane, un métal léger entrant dans
la composition d'alliages pour ses propriétés très intéressantes
telles que sa résistance à la corrosion, sa résistance à
lérosion et au feu, sa biocompatibilité, mais aussi ses propriétés
mécaniques permettant de créer des pièces fines et légères,
tout en étant très solides (secteur aéronautique et spatial
notamment). Il a également des applications dans le secteur de la chimie.
L'exploitation de cette ressources relève du consortium anglo-autralo-malgache
QMM (QIT Madagascar Minerals) réunissant une filiale du groupe
anglo-australien Rio Tinto (fondée en 1893), la QIT (Quebec Iron
and Titanium) qui détient 80% du capital de QMM et l'Etat malgache
représenté par l'Office des Mines Nationales et des Industries Stratégiques
(OMNIS) qui détient le reste. De vives controverses ont cours actuellement
à propos de la concession pour la recherche et l'exploitation au profit
d'une société chinoise Mainland Ltd (émanation de
la China Geo Engineering Corporation) arrivée à Madagascar
en 2008 pour exploiter 26000 carreaux miniers sur le littoral Est du pays. Il
semble que la société soit passée au stade de l'exploitation
sans l'aval des autorités et en portant des atteintes à l'environnement.
Nous sommes maintenant tout près de l'océan, le vent est plus vif
et l'eau un peu plus agitée. Nous obliquons vers la gauche, vers un rive
sableuse où des pirogues ont accosté. Arthur nous explique que les
piroguiers viennent faire leur marché en vue de notre pique-nique qu'ils
vont nous organiser en guise de déjeuner.
A côté des pêcheurs
qui ravaudent ou ramendent (pour faire plus simple, disons qu'ils raccommodent)
leurs filets, les femmes nous présentent dans des bassines le maigre
produit de la pêche. Maigre en ce qui concerne la quantité et
les tailles mais quand même de beaux poissons
et crustacés: poisson trident ou "trois dents" , "poisson à épine"
(l'arrête dorsale) "masovoatoaka" (Paretroplus polyactis), poisson
"vaona" (Ancharius fuscus), grosses crevettes "camarons", langoustes...
Nous repartons dans l'autre direction et juste avant d'arriver au port nous prenons
un petit canal sur la droite, en fait il s'agit du Canal des Pangalanes,
important pour exporter les productions malgaches à l'époque coloniale.
Ce canal a été aménagé il y a un siècle et
mal entretenu depuis l'Indépendance. Long de près de 700 km (dont 500 navigables),
il relie Toamasina (Tamatave) à Farafangana, parallèlement à
l'Océan Indien. Il se poursuit donc encore sur une centaine de kilomètres
plus au sud pour atteindre Farafangana.
Pour sa construction sur ordre du général Gallieni pour faciliter le contrôle de
l'île, on a exploiter l'existence de lagunes, lacs et rivières littorales. On a
ainsi une sorte de backwaters malgaches, modèle 1/2 des backwaters
du Kerala, en Inde rizières, champs d'armoise.
Nous nous contenterons d'y faire une brève incursion d'un quart d'heure
sans en saisir l'intérêt, en dehors de dire que nous sommes vraiment
allés sur un tout petit bout de ce canal...
Nous repassons devant le
port et on a la surprise de voir sur le quai un camion et quelques ouvriers qui
déchargent du matériel. Tient donc, le port revivrait-il bientôt ?
Hélas, non !
.En fait il s'agit d'éléments métalliques
destinés à la construction d'un pont provisoire (?) dit pont
Bailey (pont à éléments préfabriqué d'une
portée maximale de 60 m
conçu primitivement pour un usage militaire en
permettant le passage de chars dont l'invention
au cours de la Seconde Guerre Mondiale est due à Donald Bailey, ingénieur
civil de l'Armée britannique). La société chinoise Mainland
a proposé son aide espérant ainsi se refaire une virginité
en se conciliant la population de Manakara jusqu'à là hostile à
ses projets d'exploitation d'ilménite dans la région. La mise en
service était prévue
le 10 octobre 2012 (l'inauguration a eu lieu le dimanche 28 octobre).
Manakara:
en pirogue vers le village des pêcheurs de requins
Maintenant nous remontons la rivière
en direction du sud et nous passons sous la partie non effondrée du tablier
du pont. Sur notre droite nous laissons un village où se déroule
une messe dominicale dans une case destinée au culte. La rivière
est peu profonde à certains endroits et l'on voit des pêcheurs avec
de l'eau jusqu'à la taille tirant leurs filets tandis que d'autres relèvent
les nasses installées près des rives herbeuses. Bientôt sur
la gauche, apparaît un étrange monument fait d'arcades blanches.
Après avoir débarqué, nous découvrons qu'il
s'agit du mémorial ("Fasan'Ireo
Mahery Fo") édifié en mémoire des insurgés
nationalistes abattus le 29 mars 1947 par les Tirailleurs Sénégalais
de l'Armée française. Les constructions et les totems en fer à
représentation de zébu ont été fraîchement repeints
pour la commémoration du 65ème anniversaire des évènements
qui s'est déroulée en présence d'Andry Nirina Rajoelina,
Président de la Transition !
Près de là se trouve
un cimetière chrétien, avec de nombreux tombeaux de familles malgaches
mais aussi chinoises. Tout près, un groupe de femmes et d'enfants, pauvres
d'apparence, retourne le terrain. Ils déterrent des petits cailloux qu'une
communauté de religieuses leur a commandés...
Nous rembarquons pour aborder un peu plus loin, toujours sur la gauche, dans un village de pêcheurs de requins, crevettes et crabes. Nous allons le visiter pendant une petite demi-heure, ce qui permet aux piroguiers de souffler. C'est un village de 500 ou 600 habitants dont une large moitié d'enfants.
Nous
sommes accueilli par un groupe d'une dizaine d'enfants qui se baignent tout nus.
Nous allons voir un peu comment vivent les habitants dans leur case perchée
sur de courts pilotis. On peut même voir une case en cours de construction,
l'armature et la charpente sont terminées, la couverture végétale
est en place, il reste à poser les panneaux des murs et le plancher. Passage
devant le petit étal de l'épicier local (riz, haricots, échalotes,
tomates, lentilles...). Des poulets haut sur pattes comme on en voit dans les
pays tropicaux cherchent leur pitance.
Ces volailles akoho gasy sont le résultat de croisements
entre des races issues de la poule Bankiva (poule brune de la jungle ou Gallus gallus), avec des apports de "type malais" et de "type cochin",
animaux peu productifs (50 oeufs par an) et à la chair dure à cuire.
Le coq sauvage bankiva originaire du sud-est asiatique possède un plumage brun
cannelle cuivré et moucheté d'orange doré. Sa domestication remonte à plus de
7000 ans (5000 pour d'autres sources), venant avant celle du cheval et bien
après celle du chien, de la chèvre, du mouton, du boeuf, du porc et du chat. Sa
diffusion s'est étendue vers l'ouest, par l'Indus, la Mésopotamie, la Grèce et
Rome tandis que la sélection en modifiait les caractéristiques: plus trapu
tandis que les poules des élevages industriels occidentaux produisent
aujourd'hui 10 ou 15 fois plus d'oeuf que leurs ancêtres sauvages. En revanche
les coqs descendant de cette espèce sauvage sont dotés de redoutables ergots qui
en font des animaux de combat.
Déjà des aliments mijotent dans
les cocottes installées à l'extérieur. Du linge est étendu
à séché sur le sol. Des pêcheurs réparent leurs
filets. Plus loin, un groupe de jeunes joue aux cartes. Des grapheurs ont orné
certaines cases de dessins naïfs voire exotiques comme le portrait de Michael
Jackson. Attention aux toiles d'araignées où une énorme
femelle de néphile doré (vue à contre-jour, on ne voit
pas bien le doré) est à l'affût. L'insecte est impressionnant, plus de
5cm d'envergure (et jusqu'à 13cm) tandis que son compagnon qui souvent
l'accompagne, est à peine remarquable avec ses modestes 5 millimètres (!).Ces insectes se rencontrent en Afrique australe et dans
les zones voisines de l'Océan indien. Madagascar connaît la sous-espèce
Nephila inaurata madagascariensis. Son Heureusement, elle est beaucoup plus
inoffensive que sa cousine d'Amérique du Nord, la célèbre
veuve noire.
On voit bien qu'il s'agit d'un village de pêcheurs de
requins car à certaines cases sont accrochées de spectaculaires
mâchoires de requins. D'ailleurs on peut voir des ailerons en train de sécher
avant de s'en aller vers l'Asie. Passage à la boutique d'artisanat de raphia
avec de jolis petits chapeaux typiques à bords étroits appelés
satrokas (prononcer [satrok]), paniers et cabas appelés sobikas
(prononcer [soubik]).
A propos du chapeau malgache satroka
C'est
une tradition vestimentaire qui résiste, au moins dans les campagnes, avec
ses variantes Merina, Betsileo, Bara, Atandroy, de Manakara, de Mananjary ou de
Diego...
C'est
un repère identitaire par sa forme et sa matière. Chez les Antandroy
("ceux des épines" dans le sud), il est conique et se porte lors
des événements de la vie sociale, des mariages aux enterrements.
Chez les Bara, il est à bord roulé. Sur les Hauts Plateaux, chez
les Betsileo, il est en forme de bonnet quadrangulaire porté avec le lambaoany
(ample et long vêtement fait d'une pièce de tissu) pendant des cérémonies...
Laissant
ici le piroguier-cuistot avec les provisions, nous reprenons la pirogue pour aborder
un peu plus loin sur l'autre rive.
Manakara:
en pirogue vers une plantation et une distillerie d'huiles essentielles
Arthur nous guide à travers une plantation.
Nous y découvrons diverses espèces végétales, arbres
comme les jacquiers, litchis, badamiers, canneliers, ou citronniers, herbes aromatiques
comme la citronnelle de Madagascar. On peut aussi y voir des népenthès
(plantes carnivores poussant sur un sol pauvre). Plantes plus communes et comestibles
comme les ananas (pas encore murs) ou le manioc.
Une partie
de ces plantes sont destinées à produire des "simples",
c'est-à-dire des extraits de plantes utilisés en phytothérapie
et aromathérapie ou en cosmétique. Ici, on produit donc des essences
et huiles essentielles obtenues par distillation des éléments
végétaux à la vapeur d'eau.
Justement, nous arrivons près d'une
distillerie artisanale, il n'y a aucun doute sur le caractère artisanal
quand on voit l'alambic fait de bric et de broc. L'entreprise familiale occupe
neuf personnes, à la fois dans la plantation de 10 ha et ici, à
la distillerie que l'on ne verra pas fonctionner... C'est dimanche !
Le
procédé de distillation consiste à faire traverser, de bas
en haut, la cuve remplie de plantes aromatiques par de la vapeur d'eau chauffée
(ici, au bois) dans une chaudière voisine. L'essence de la plante qui se
dégage sous forme de gaz est mêlée à la vapeur d'eau.
A la sortie de la cuve de distillation, le mélange gazeux traverse un serpentin
baignant dans l'eau froide ce qui provoque la condensation du gaz. A la sortie
du serpentin, le liquide est recueilli dans une cuve de décantation où
on le prélève dans la partie supérieure, l'huile essentielle
ayant une densité inférieure à celle de l'eau. Par mesure
d'économie, l'eau réchauffée qui sort du serpentin est récupérée
pour la chaudière. Après distillation, les feuilles servent d'engrais
organique dans les plantations
On
nous explique qu'il faut distiller 500 kg de feuilles de niaouli (un arbre
dont le nom scientifique est Melaleuca quinquenervia) pour obtenir 3,5 kg
d'huile essentielle. Avec le camphrier (Cinnamomum Camphora), appelé
ici ravintsara, le rendement est bien moindre puisqu'une tonne de feuilles
ne produit qu'un kilo d'huile essentielle très prisée pour ses vertus
antivirales et immunostimulantes. Le
Ravintsara est utilisé en phytothérapie par ses feuilles séchées
mises en infusion ou en décoction et son huile essentielle est très
prisée pour ses vertus antivirales et immunostimulantes...
Autre
huile essentielle, celle d'eucalyptus citronné (Eucalyptus Citriodora).
Ces trois arbres ont en commun d'appartenir à la famille des Myrtacées.
Dans un autre registre, on nous présente l'huile de Calophyllum, bénéfique
pour la peau mais à l'odeur peu engageante.
Ces
fabricants achètent les feuilles de niaouli aux paysans qui vont les récolter
dans les forêts où il pousse à létat sauvage
dont ils exploitent également le bois pour le chauffage.
Seuls 10%
de la production de cette distillerie est écoulée en vente directe,
le reste étant acheté par des grossistes qui fournissent des entreprises
comme la société malgache Homeopharma ou, chez nous, Yves Rocher.
Une partie est vendue à un concurrent chinois qui exporte vers son pays
d'origine.
Après ces explications, c'est le moment
des achats: huiles essentielles aux pouvoirs pratiquement miraculeux et
capable de soigner quantité de maux et de maladies. Mais il n'y a pas que
les huiles car on nous propose aussi du miel de litchis conditionné dans
des bouteilles en plastiques serties plus aptes à supporter le voyage que
des récipients en verre (effectivement on n'a pas eu de souci).
Manakara:
pique-nique au bord de l'Océan indien
Nous regagnons le rivage et retournons vers
le village dans le secteur du "Trou du Commissaire". Après avoir
débarqué, nous traversons le cordon littoral sableux planté
de cocotiers en direction de la plage protégée de la grande houle
et des requins par une barrière corallienne. Les baigneurs y sont en sécurité
mais tel n'est pas notre but car nous devons repartir cet après-midi et,
pour l'instant il est justement midi et quart, l'on songe surtout à se
régaler de ce que "le chef" aura préparé pendant
notre visite à la plantation: les crustacés et poissons achetés
aux pêcheurs ce matin et les légumes achetés aux villageois
du voisinage.
A l'ombre des cocotiers, le cuisinier
a installé son foyer et son matériel: foyer, gril, cocottes... La
table est rapidement dressée sur une grande nappe imprimée à
motifs bleus. C'est un pique-nique très élaboré, pas
de sandwichs. Nous disposons d'assiettes en tôle émaillée
de type "vaisselle de la reine" que la brise ferait bien s'envoler et
de tous les couverts nécessaires:cuiller à soupe, fourchette, couteau
et petite cuiller.
Le menu est copieux car nous avons une demi-douzaine une
demi-douzaine de camarons de taille moyenne par personne, deux gros "poissons
à épines", des carottes râpées sautées,
des feuilles de brèdes avec des fruits blancs en forme d'oeuf et à
saveur amère (aubergine ?) et bien sûr du riz très bien
cuisiné. En dessert, nous avons une tranche et demie d'ananas chacun. Et
pour finir, on nous a même fait chauffer un café ! Super !
On remballe tout le matériel que les piroguiers remportent au bateau.
Quelques
minutes pour "jouer aux boules" sur la plage avec des noix de coco...
enfantillages !
Nous retraversons le village pour retourner à
la pirogue. Derniers sourires des enfants qui ne nous ont jamais importunés.
Les piroguiers mettront moins d'une heure pour
rentrer car ils bénéficient du courant. En tout, ils auront pagayé
sur une distance d'une douzaine de kilomètres !
Nous avons
passé plus de huit heures en compagnie d'Arthur et de ses camarades sans
voir le temps s'écouler.
Il est 14h30 lorsque nous retrouvons la terre
ferme, Dominique et son 4x4. Nous avons environ 190 km à parcourir
jusqu'à Ranomafana soit environ 3h30 de trajet. Nous arriverons donc largement
après la nuit tombée.
On redéfile donc à
l'envers le paysage vu deux jours plus tôt et c'est là qu'on regrette
vraiment que l'aller ou le retour n'ait pu être effectué en train.
Une étape agréable à l'Ecolodge Ravinala "Chez Gaspard "
Nous sommes logés "Chez
Gaspard", des bungalows très propres, confortables et installés
dans un parc petit mais superbe, en bordure d'un torrent. Comme 'indique le prospectus
de l'Ecolodge, "un Paradis [...] un petit Eden de paix et de
bonheur". L'établissement appartient à la Mission de l'ECAR
(Eglise CAtholique Romaine) et se trouve près de l'église Notre-Dame
de Fatima que les paroissiens ont le projet d'agrandir et de doter d'un clocher.
Mais Chez Gaspard n'assure pas la restauration (sauf le petit-déjeuner
évidemment). Nous irons donc chercher notre pitance ailleurs dans la petite
ville complètement plongée dans l'obscurité.
Nous allons dîner au plus près
à l'hôtel Le Grenat. Il fait frais et il n'y a plus de place
en salle (priorité aux pensionnaires !). Nous irons donc dans le jardin,
à l'arrière du bâtiment. Le service est long et on pourrait
aussi avoir des doutes sur les préparations.
Certains vont apprécier
un velouté de légumes genre potiron (5000 MGA), d'aucun préfère
une courgette farcie avec des miettes de poisson (7000 MGA). Vient ensuite
une cuisse de poulet rôti accompagnée de légumes sautés:
carottes, haricots et pommes de terre (15000 MGA).
Hors boisson, nos trois
repas nous reviendront à 62000 MGA soit 22€ pour 3 personnes.
De retour Chez Gaspard, nous passerons une
excellente nuit.
Dès 6 heures, l'envie de me balader
dans le petit parc et ses environs me démange. Brume sur les montagnes
que le soleil vient caresser. Débauche de bougainvilliers, fougères
arborescentes et autres palmiers auxquels de perfides araignées néphiles
ont accroché leur toile, ce qui permet d'observer leur dimorphisme sexuel,
la disparité de taille entre la grande femelle d'environ 10 cm (pattes
comprise quand même) et son minuscule mâle.
Excellent petit-déjeuner dans la grande
salle où se trouve l'accueil.
Nous quittons l'hôtel en 4x4 et nous
arrivons très vite à l'entrée du parc situé non loin
de la localité. Nous sommes matinaux car une longue journée nous
attend car, pour arriver à Ranohira ce soir, il faudra parcourir plus de
350 km.
Visite du Parc National de Ranomafana classé au Patrimoine Mondial de lUNESCO