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Après la découverte des calanches de Piana depuis la corniche, nous
prenons la route en direction de Calvi, vers le nord.
Nous
passons au-dessus de la plage de sable gris de Caspio, puis nous pouvons admirer
le Capo Senino, le plus haut cap corse (619 m.) avant de franchir le Col
de la Croix.
Admirons aussi la Punta Rossa, la bien nommée, dont
les roches presque violacées se
reflètent dans la mer.
Bétail en liberté et exploits de chasseurs: panneaux perforés, peaux de sangliers suspendues aux barbelés comme autant de trophées...
Nous
traversons la région du Golfe de Girolata et la Réserve Naturelle
de Scandola qui font partie du site du Golfe de Porto classé au Patrimoine
mondial de l'UNESCO
depuis 1983.
C'est
la ville corse la plus proche du continent.
Plantée dans un décor
de palmiers et de figuiers de Barbarie, cette station balnéaire ne manque
pas d'émerveiller avec sa citadelle, son port de plaisance, son immense
plage de sable fin et bien d'autres attraits.
Un
général originaire de Rennes, Charles Louis de Marbeuf, en fut le
premier gouverneur. Plus connue, la famille de la danseuse-étoile et chorégraphe
d'opéras Marie-Claude Pietragalla en est originaire.
Déposés au pied de la citadelle, non loin du monument dédié
à Christophe Colomb que la cité dispute à Gênes et
du monument aux morts avec son bronze de la Renommée (école de Rude),
il ne nous reste plus qu'à y grimper.
Nous
empruntons le chemin de garde par le sud puis par l'est en passant par les bastions
Malfetano et Teghiale d'où l'on a une vue superbe sur le port et le golfe
de Calvi.
Puis nous
pénétrons dans la citadelle proprement dite.
Eglise St Jean-Baptiste du XIIIe s. mais reconstruite au XVIe à la suite de l'explosion des poudres de l'ancien château: belle chaire en chêne, statue processionnelle de la Vierge du Rosaire apportée d'Espagne au XVIe s., confessionnaux sans intimité...
Non loin de là, se dresse l'ancien palais massif des gouverneurs génois (XIIIe s.) devenu la caserne Sampiero après la Révolution.
Continuation vers les vieux
villages de Balagne, enclaves de collines fertiles.
Nous traversions Lumio,
village où la famille de Laetitia Casta, la
célèbre mannequin qui a servi de modèle de buste de Marianne
de 2001 à 2003, passe
ses vacances corses,. Puis nous prenons la route qui grimpe dans les collines.
Nous passons non loin du village d'Olmi-Cappella où se trouve la famille
maternelle du comédien Robin Renucci (Daniel Robin-Renucci pour l'état-civil,
né le 11 juillet 1956 au Creusot est d'ascendance Bourguignonne par son
père Louis Robin, qui était gendarme, et Corse par sa mère
Paulette Renucci, qui était couturière ici).
Région de
séjour de nombreux artistes du show-buziness Guy Bedos, Véronique
Genset, Pierre Palmade...
Déjeuner "Chez Léon"
au village de Caterri.
Nous reprenons la route des villages de Balagne, une région de 15 000
habitants. Paysage d'oliveraies dont l'origine remonte aux Grecs et aux Romains
(L'olivier ne produit naturellement qu'une année sur deux en l'absence
de taille). Nous passons au-dessous du village perché de San Antoninu,
d'origine maure, c'est l'un des plus vieux villages corses (et le plus remarquable
avec celui de Piana, près de Porto). Un grand regret, nous ne le visitrons
pas...
Nous poursuivons par Aregno (foire aux amandes début août)
, Pigna, Corbara.
A ce dernier village se rattache l'histoire de Marthe Franceschini,
qui enfant fut capturée en mer par les soldats du sultan du Maroc qui,
plus tard, en fit son épouse principale sous le nom de Davia au XVIIe s.
après qu'elle eut été élevée dans une famille
marocaine. Elle n'oublia pas son village natal auquel elle fit don de sièges
marocains incrustés de nacre pour l'église paroissiale.
Le
Couvent de Corbara construit à quelque distance domine le village.
Nous
continuons notre descente en traversant le village de Santa Reparata où
nous avons le loisir de voir une vieille Dedeuch qui a conservé
l'immatriculation de l'unique département qu'était la Corse avant
1976...
Revenus
sur la côte, nous traversons l'Ile Rousse, petite ville moderne et prospère
de 3000 habitants, aux rues disposées en damier et aux squares fleuris
mais sans intérêt particulier si on veut ignore ses plages de sable
fin et le fait que des scènes du film "Le jour le plus long"
y ont été tournée....
Fondée en 1758 par Pascal Paoli, elle a été appelée
Paolina.
Au-dessus se trouve la village de Monticello, refuge du musicien
Thomas Dutronc (fils de Jacques Dutronc et de Françoise Hardy qui y ont
une résidence depuis 1967), guitariste de jazz manouche (il a découvert
la musique de Django Reinhardt à 17 ans et l'a pratiqué avec Biréli
Lagrène, authentique manouche, dans les années 1990). J'en reparlerai
un peu plus bas.
L'auteur-compositeur Michel Mallory est né ici en 1941
(il a à son actif plus de mille chansons enregistrées par les plus
grands : Johnny Hallyday, Michel Sardou, Claude François, Sylvie Vartan,
Tino Rossi, Jane Manson, Mireille Mathieu, Joe Dassin, Gérard Lenorman,
Herbert Leonard, Nicoletta, Daniel Guichard, Line Renaud, Alice Dona, Jean-Luc
Lahaye, David Hallyday).
Nous
continuons de longer la côte en direction du nord-est avant de traverser
la région appelée le Désert des Agriates. Contrairement
à l'image qu'on se fait d'un désert, la végétation
de l'Agriate, adaptée aux conditions climatiques locales, est composée
des essences traditionnelles du maquis (arbousiers, bruyères, myrtes, lentisques,
chênes verts, oliviers...) ainsi que des pins maritimes. En fait, c'est
loin d'être un désert au sens géomorphologique même
si l'on y trouve peu de villages, car l'étymologie du terme agriate
évoque des terres agraires, propices à la culture des céréales
et de l'olivier. Les myrtes actuellement en fleurs blanches et roses donneront
de petites baies violacées à l'automne dont on tirera un appéritif
local.
Après une région de culture des abricotiers (Village de Casta),
c'est par 27° à l'ombre que l'on fait un arrêt
dans la petite ville côtière de St Florent (1000 habitants).
Sise à la base du Cap Corse. Pendant les XVIIe et XVIIIe s., elle
fut frappée par la malaria jusqu'à ce que les marais environnants
soient asséchés. Les vieilles maisons bâties à fleur
d'eau se rassemblent autour du clocher de l'église paroissiale tandis que
le port de plaisance créé en 1971 rencontre un grand succès.
Jadis la cité eut un rôle plus stratégique puisque l'on prête
à l'amiral anglais Nelson, vainqueur d'Aboukir et de Trafalgar, le propos
suivant: "... donnez-moi le golfe de St Florent, et j'empêcherais
qu'un seul vaisseau sorte de Marseille ou de Toulon ...".
Au-dessus
de la petite ville émerge la massive citadelle (torione) qui offre
une curieuse silhouette circulaire flanquée de tours carrées. Elle
fut construite sur les ordres du Génois Janus Campofregoso, en 1440. La
citadelle fut longtemps Génoise puis Aragonaise, Française, Anglo-Corse,
Italienne et, bien sûr, Corse. Elle fut siège du Gouverneur du Nebbiu
et finit en caserne de gendarmerie. Le rocher sur lequel cette dernière
et la ville ont été construits n'était sans doute pas vierge.
Il devait s'y trouver vraisemblablement l'ancien sanctuaire où, jusqu'au
XIIeme siècle, étaient conservées les reliques de Saint Florent
emportées par la suite à Trévise pour les soustraire aux
pillages des sarrasins.
Vignobles de vins muscat (nous n'avons pas le loisir d'en faire une dégustation!) puis nous arrivons en vue du Cap Corse, ce doigt de 40 km brandi au-dessus d'un poing fermé en direction du golfe de Gênes (à 80 km de là)!
"Marines"
de la côte ouest du Cap Corse.
Nouvelle étape en suivant la ligne dentelée de la côte occidentale
du Cap Corse, cette étroite péninsule où se succèdent
petites marines, plages dorées et falaises, c'est la "Côte d'Azur"
de l'île.
La région est aussi connue par sa liqueur de cédrat
(un agrume issu d'une variété de citronnier, le cédratier
introduit par les Génois, qui produit aussi une huile essentielle utilisée
en parfumerie). On trouve aussi des cultures de chênes-liège et plus
sauvages, des agaves et figuiers de barbarie que favorise la climat plus aride
du nord de l'île.
La
route en corniche, aux aplombs vertigineux (parfois plus de 100 mètres),
peu fréquentée, contourne de nombreuses marines, petits établissements
donnant accès à la mer pour les villages situés à
quelques kilomètres de la côte.
Au
bas de vallons, elles sont protégées par leur tour génoise.
Se succèdent les marines de Patrimonio, Farinole, Negru, Nonza avec sa
célèbre tour carrée et ses maisons aux toits de lauze (nous
sommes dans une région de schiste), la Canelle (près de l'ancienne
carrière d'amiante d'Ogliastro exploitée par la société
Eternit jusqu'en 1966), de Giottari. Les plages grises sont constituées
en partie de déchets d'amiante!
Un sportif effectue un très esthétique
vol en parapente au-dessus de nous.
Petit
arrêt qui permet de faire connaissance avec la férule, une
plante de la famille des ombellifères, dont la tige creuse peut atteindre
deux mètres de haut. De ce fait, elle n'a jamais pu être le véritable
instrument de torture que l'on aurait eu tendance à imaginer...
Dans l'Antiquité, cette longue tige séchée aurait servi à stimuler l'ardeur des athlètes à moins que ce soient les anciens maîtres grecs qui s'en servaient pour écrire dans la poussière. Donc que ce soit au sens propres ou au sens figuré, on trouverait là l'origine de l'expression "être ou passer sous la férule de quelqu'un". Jean-Marie ajoute que les bergers déformaient la tige en lui donnant la forme d'une canne pour la couper plus tard lorsqu'elle était desséchée.
Puis
nous arrivons au village de Pino où Valentine Eiffel, la fille de Gustave
Eiffel est enterrée dans un des mausolées qui bordent la route car
elle y épousa Camille Piccioni, dont la famille était originaire
du village. Plus près de nous dans le temps, le chanteur Michel Fugain
s'est également marié à Pino, tandis que Juline Clerc y possède
une maison.
En raison de l'heure, nous interrompons là notre montée vers le Cap, en prenant la route transversale passant par le Col de Ste Lucie (381 m.) avec sa chapelle que domine la Tour de Sénèque, ancienne tour de guet médiévale bâtie sur un piton à 564 mètres d'altitude. La légende veut que le philosophe romain ait séjourné ici lors de son long exil corse de huit années (41 à 49). Toujours selon la légende, le fondateur du stoïcisme, aurait été fouetté à coups dortie par des femmes qui lui reprochaient son caractère trop fougueux.
Une stèle commémore le financement par les Corses de la route reliant les deux rivages, entre Pino et Luri. Enfin, nous arrivons justement à Luri sur la côte orientale que nous remontons jusqu'à Macinaggio ("la machine", terme évoquant les moulins à vent), douze heures après notre départ de Porto (dont sept heures de route pour 220 km soit une moyenne à peine supérieure à 30 km/h!). Cette petite ville possédait jadis un port de commerce aujourd'hui transformé en pimpant port de plaisance.
A l'hôtel "U Ricordu", concert privé de Gérard
Poletti pour notre groupe, on
a affaire à un virtuose de la guitare manouche dont il tire des sonorités
extraordinaires. Il fait des incursions dans le jazz, la tradition corse, la chanson
de variété (un peu de Tino) et bien sûr dans le répertoire
classique (stupéfiant dans l'interprétation d'oeuvres où
l'on trouve plutôt la flûtede pan comme "Le vol du bourdon"
d'après l'oeuvre du compositeur russe Nicolaï Rimski-Korsakov, 1844-1908
ou "L'alouette" -ciocârlie-
morceau du folklore roumain souvent repris par les musiciens tziganes)...
Les
notes se bousculent sur le manche de sa guitare. Sur le canevas mélodique
déjà très dense, on a l'impression qu'il superpose une ornementation
musicale échevelée, une sorte de broderie improvisée... Il
est vrai que les musiciens de jazz tel notre Gérard Poletti renouent avec
les techniques d'ormentation qui avaient cours au Moyen Age et qui atteignit son
apothéose avec le baroque à la Renaissance.
On pourrait imaginer
que Gérard Poletti flirte avec les sextuples, septuples ou octuples croches
(soit 1/64e, 1/128e et 1/256e de la durée d'une noire). Soyons réalistes,
va-t-il jusqu'aux quadruples ou quintuples croches (soit de 16 à 32 notes
par seconde, en fonction du tempo) ce qui est déjà énorme?
Peu importe, c'est tout bonnement étourdissant.
Doté d'un
charisme étonnant, doublé d'un humour déroutant, à
prendre au dixième degré, c'est sans nul doute, selon les experts,
le meilleur guitariste corse, en tout cas celui qui a le plus "tourné"
avec sa guitare (par exemple au Casino de St Malo) et qui a su sortir de
l'inévitable carcan des valses et boléros joués sur l'île.
Dans les années 1990, il a joué avec Biréli Lagrène,
célèbre guitariste manouche inspiré par Django Reinhardt,
Wes Montgomery et George Benson, guitariste qui a aussi croisé la route
des Larry Coryell, Stéphane Grappelli, Benny Goodman, Benny Carter, Richard
Galliano... ou celle d'un "fils de..." et Corse d'adoption, Thomas Dutronc
dont j'ai parlé plus haut dans cette page. Evidemment notre Gérard
n'a pas la célébrité de ce dernier...
Nouveau départ matinal (7H30) mais cela en vaut la peine...
Il aurait été dommage de passer à coté d'une
option (à 20€)
qui nous a été proposée. il s'agit d'une petite croisière
d'une heure trente, partant de Macinaggio pour aller jusqu'à l'extrême
point du Cap.
Nous sommes peu nombreux pour cette navigation sur la côte orientale sous un soleil matinal radieux et sur une mer d'huile...
Nous
quittons les ruines de vieux moulins à vent (dont le village tire son nom)
pour voir d'autres modernes moulins à vent que sont les éoliennes
juchées au sommet des collines environnantes. Puis nous longeons la plage
de Tamarone avec sa paillote. Viennent les schistes des Iles Finocchiarola, réserve
ornithologique où nichent deux espèces de goélands (dont
les goélands d'Audouin, endémiques des côtes méditerranénnes, ainsi
que des cormorans, au pied des ruines d'une tour génoise. Nous arrivons
à hauteur d'une vigne abandonnée où un troupeau est en train
de paître non loin de la Chapelle Santa Maria (du XIIe s. mais remaniée
au XIXe). Un mot sur la tour Santa Maria (XVIe s.) dont la moitié
nord a disparu sous l'action des canons de la flotte anglaise de l'amiral Nelson
en 1793. Nous restons un moment médusés par le ballets aquatiques
de méduses aux inhabituelles couleurs vives qui semblent apprécier
une eau à 20°. Le calme et la transparence de l'eau permettent de voir
parfaitement les herbiers de posidonies qui tapissent le fond marin.
Mais nous
sommes déjà en vue de la Punta di Agnello et de l'Ile Giraglia,la
première surmontée d'une immanquable tour génoise et la seconde
d'un phare blanc. Un couple de balbuzards pêcheurs nous survolent tandis
que nous faisons demi-tour.
Dans la brume et le contre-jour du soleil, nous
apercevons à une vingtaine de kilomètres l'île italienne de
Capraia puis le sommet volcanique de l'Ile d'Elbe (30 000 habitants) pourtant
distante d'une cinquantaine de kilomètre mais qui culmine a un peu plus
de 1000 mètres (cette île un temps française fut le lieu d'exil
de Napoléon pendant à peine un an - 300 jours -entre 1814 et 1815,
avant son retour pour les Cent Jours qui se conclut par une ultime défaite
à Waterloo). La troisième îles de l'archipel toscan est l'Ile
de Monte-Cristo.
Alors qu'autrefois beaucoup d'habitants du Cap Corse se livraient
au cabotage, nous voyons désormais le trafic maritime des ferries entre
le port italien de Livourne et Bastia, villes distantes de 120 km (alors
qu'en ligne directe la côte italienne est à 85 km seulement
du Cap). La région a connu une importante émigration vers l'Amérique
du Sud (Venezuela...) et l'Amérique Centrale (Jamaïque...). Certains
americani (pluriel de americano ou plutôt americanu)
sont revenus au pays fortune faite.
Après le pâturage, voici venu le temps du repos pour les ruminants qui ont investi la plage....
Nous
voici déjà de retour à Macinaggio. D'autres
personnages illustres ont débarqué dans ce port: Napoléon
a son retour de l'Ile d'Elbe en 1815, Pascal Paoli (arrivant de Naples en 1755)
ou l'impératrice Eugénie de Montijo, épouse de Napoléon III
(au retour de l'inauguration du Canal de Suez, en 1869).
CORSE