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Nous quittons Udaipur
dès 7h30 car environ 300 km nous séparent de Pushkar,
notre prochaine destination.
Malgré
nos demandes insistantes, Dilip refuse catégoriquement de respecter
le programme que nous a vendu notre tour-operator en invoquant le programme
du réceptif India Vision Tours & Travels, son employeur.
En
cours de route (une vingtaine de kilomètre après Udaipur), nous
ne nous arrêterons donc pas à Nagda (capitale du Mewar au Xe s.),
pour visiter le temple hindou de Sas Bahu datant du XIe s., le Temple
de la Belle-Mère et de la Belle-Fille. C'est le plus richement orné
de sculptures des temples du site. Evidemment pas d'arrêt aux 108 temples
shivaïtes d'Eklingji, site voisin de Nagda...
Au
lieu de cela, nous avons la perspective de 7 heures de trajet avec une seule pause
de 20 minutes vers 10h30!
Chacun occupe le temps comme il peut: sommeil (comme
Dilip), mots croisés, mots fléchés, sudoku ou observation
du paysage et de la circulation passablement stressante avec des flots de camions
sur l'axe NH8 reliant Delhi à Bombay, même si des tronçons
sont aménagés sur deux chaussées.
Nous sommes ainsi livrés à nos propres interprétations dans
ce parcours qui nous fait traverser les contreforts orientaux des Arawalis.
Montagnes
arides couvertes de cactées et d'épineux. "Oasis" cultivées
en maraîchage, arachides, céréales, légumes... Forts
sur les éperons rocheux.
Des ateliers de marbriers se succèdent
sur des dizaines de kilomètres. Camions et tracteurs enguirlandés
comme des sapins de Noël, chauffeurs faisant leur toilette à un point
d'eau, femmes pétrissant des bouses qui vont être mises à
sécher, troupeau de chèvres, petites écoles rurales, femmes
cantonnières et maçons, géomètres préparant
l'élargissement de la route, travaux signalés par de simples cailloux
et branchages posés sur la route, crématorium en bordure de villages,
transport de lait en citerne ("milk not for sale" !!!) ou en
bidons, piétons sur une voie ferrée, dromadaire attelé, étrange
convoi exceptionnel (tubes monstrueux, évidemment hors gabarit et non signalé),
femmes ramassant du petit bois et transportant les fagots sur leur tête.
Mémoriaux, improbables véhicules motorisés agricoles (non immatriculés donc non soumis aux taxes), briqueteries. Après quelque 200 km, nous arrivons à Beâwar, ville de 225 000 habitants. On y voit d'importants entrepôts de coton.
A
partir de Beawar, la NH8 est rejointe par la NH14 et devient une pseudo-autoroute,
un route à deux chaussées mais sans échangeurs dans les carrefours
(franchissement à niveau) et traversant les villes et villages comme une
simple voie urbaine. Nous avons près de 80 km à parcourir sur
cet axe, jusqu'à Ajmer.
Au milieu du flot de camions bien chargés,
on trouve des vélos, des tracteurs, des charrettes et évidemment
des piétons marchant parfois sur le terre-plein central. Une vache s'avance
paisiblement sur la ligne blanche séparant les deux voies de notre chaussée.
Bien sûr, on rencontre des véhicules roulant à contresens,
quant aux dépassements, ils s'effectuent par un bord ou par un autre...
En arrivant à Ajmer, unique commentaire de Dilip en 7 heures de route "Par ici, il y a de grands élevages de poules" (ce que nous avions pu observer si nous ne nous étions pas endormis) !!!
PUSHKAR
(15 000 habitants),
"la ville aux 500 temples"
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Nous quittons
le grand axe avec soulagement pour parcourir une petite route sinueuse et souvent
envahie par le sable. A l'approche de Pushkar, il faut s'acquitter d'une redevance.
Enfin,
à 14h30, nous sommes à notre hôtel très kitsch, un
pastiche de palais, mais néanmoins agréable Jagat Palace.
Nous sommes prévenus, Pushkar est une ville strictement végétarienne et abstinente (d'alcool). Cela déplaît à certains... ils devront s'en accommoder pour une journée.
Sinon,
l'hôtel peu rempli, semble occuper pas mal de personnel à la restauration
ou à la finition de lourds mobiliers en bois (comme celui de nos chambres).
Belle
vue sur quelques temples situés à l'est de la ville. Magnifiques
jardins et superbe piscine. Petit élevage de cochons d'Inde (! pas
de ces Indes ci mais d'Amérique) mais aussi écureuils en liberté!
Le beurre clarifié ou ghee s'obtient par une technique qui permet de dissocier les trois éléments qui constituent le beurre: caséine (protéines), graisse (lipides) et petit lait afin d'isoler les lipides et ainsi de pouvoir mieux les conserver. Pour l'obtenir... Mettre
le beurre dans la casserole et faite chauffer à feu très doux, ou
mieux, au bain-marie afin de le faire fondre le plus doucement possible pendant
1h30 à 2 heures. Ne pas remuer, la caséine (protéine du lait)
forme une mousse en surface. Sous cette mousse on aperçoit le corps gras
et, tout au fond, le petit lait. Le
corps gras liquide ainsi obtenu se figera progressivement. L'utiliser... Autre avantage, le beurre ainsi clarifié supporte beaucoup mieux les hautes températures (les fritures sont donc ainsi possibles encore mieux qu'avec l'huile d'olive) et sans prendre un goût de brûlé. Le
beurre clarifié, à l'arôme de noisette, est largement utilisé
dans la cuisine indienne mais il est également utilisé de façon
rituelle dans les cérémonies religieuses hindoues ou pour allumer
les ...bûchers de crémation ! |
La ville de Pushkar est situé dans une vallée proche d'Ajmer et son lac est alimenté par l'eau de pluie qui s'écoule depuis les collines environnantes.
Cette petite ville agréable (lorsque son lac est en eau!) est un haut lieu de l'hindouisme. C'est l'une des villes saintes de l'hindouisme et en tout cas la plus sainte pour ceux du Rajasthan. Pour les Hindous, il représente le Teerth Raj, le lieu de pèlerinage suprême en vénération à la Nymphe des eaux et des cieux évoqué dans les textes de la mythologie hindoue (et bouddhiste). Les temples anciens furent détruits par l'empereur moghol Aurangzeb à la fin du XVIIe s. ce qui fait que ceux que l'on voit datent au plus du XVIIIe s.
En entrant dans la ville, nous rencontrons un groupe de manifestants, en fait des supporters de la liste du Parti du Congrès (celui qui fut fondé par Nerhu) pour les élections municipales qui se déroulement le surlendemain.
Nous commençons la visite par le temple auquel
la ville doit sa célébrité, c'est l'unique temple au monde
dédié à Brahma, le dieu créateur de l'univers
de la triade
divine (trimûrtî), le dieu représenté avec quatre
visages.
Selon
la tradition hindoue, la création de la ville a une origine divine. Brahma
laissa tomber une pétale de rose en ce lieu et elle se transforma instantanément
en lac. Une autre légende dit que les dieux lâchèrent un cygne
avec un lotus dans le bec. Il devait laisser tomber ce lotus à l'endroit
où Brahma devait procéder à un yagna (rituel
hindou) et il y aurait longuement fait pénitence.
Un mythe dit que
c'est à la suite d'un mensonge de Brahmâ que Shiva, sous sa forme
terrible Bhairava, trancha la cinquième tête de Brahmâ et le
condamna à ne pas recevoir de culte. D'autres légendes attribuent
ces punitions au fait que Brahmâ avait incestueusement désiré
sa propre fille. Enfin, selon une autre légende, Brahma avait convié
les dieux à un rituel sur les rives du lac de Pushkar mais son épouse,
Sarasvati, arriva en retard. Pour la célébration, il devait être
accompagné d'une femme... Ce fut une bergère, Gayatri, qui assura cette
fonction après qu'il l'eut épousée. Sarasvatri de colère
décida que désormais Brahma serait oublié des hommes et qu'aucun
nouveau temple ne lui serait dédié.
Les photos sont interdites dans le temple.
Son
accès est sécurisé par des militaires armés et protégés
par des sacs de sable. Indifférents à tout cela, des singes langurs
(ou entelles), jouent aux équilibristes sur les murs.
Les babas-cools
et hippie occidentaux apprécient paraît-il l'ambiance. Nous en verrons
peu, hormis un récitant dans le temple de Brahma accompagné d'un
autochtone qui, lui, connaissait les mantras par coeur (l'occidental les lisait
en sanskrit).
Lors
de la fête de Kartik Purnima, fête hindoue qui a lieu à
la pleine lune de novembre (cette année
du 25 octobre au 2 novembre), la ville est animée
par les 500 000 pèlerins et par les visiteurs de la plus grande "foire
aux chameaux" (dromadaires) à laquelle se rendent les nomades du désert.
Cette fête religieuse est prétexte à
une immense foire aux chameaux. Pendant les 8 jours précédant la
pleine lune, 10 000 à 20 000 bêtes sont vendues ou échangées.
La gigantesque mela (le rassemblement) a lieu dans la plaine de
sable située au sud de la ville, qui se transforme pour l'occasion en un
formidable campement. Des courses et des concours de chameaux sont organisés.
Certaines bêtes prennent des allures d'uvre d'art : leur pelage est
tondu selon des mouvements géométriques, leur cou paré de
colliers de perles, leurs naseaux garnis de fleurs et leurs yeux maquillés.
Hommes et femmes se parent eux aussi de leurs plus beaux attraits : turbans de
couleurs vives pour les uns, saris de soie chatoyants et bijoux d'argent pour
les autres. Des tours de manège et de magie amusent chaque année
les enfants pendant que leurs pères négocient le prix des bêtes.
Plus loin, les habitants de Pushkar installent une grande roue au cur d'un
espace consacré à la fête foraine.
Le
lac est bordés de 52 ghâts ou escaliers sacrés.
Le Naga Kund réputé pour ses vertus de fertilité,
le Ropp Tirth Kund censé conférer puissance et beauté,
trois ghâts sont encore utilisés pour le bain dans des flaques d'eau
boueuse du lac asséché depuis 2008. Il
s'était déjà asséché en 1970. Des travaux de
désenvasement ont été mal conduits depuis la fin de 2008
et sont réalisés seulement à 85%. En revanche, les travaux
sur les canaux ont tout juste commencé. On espère l'achèvement
du chantier pour novembre 2010. Mais le fond sableux mis à nu retiendra-t-il
l'eau apportée par les maigres pluies?
Ce malheur s'ajoute à
la pollution religieuse qui avait rendu stériles les eaux du lac ces dernières
années, les pèlerins ayant coutume d'y mettre des statues de Ganesha
dont le revêtement comportait des toxines mortelles pour les poissons !
(extrait de CI n°988 du 8-14 octobre 2009).
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Pour
notre part, face à
un petit bassin sur
le Yagg Ghât, nous serons oints d'un
large tikka rouge et froid (il doit comporter du curcuma mais aussi du camphre
qui donne la sensation de froid) agrémenté de quelques grains de
riz, onction faite par un bien peu authentique prêtre en jean et casquette
américaine.
Au préalable, sous sa direction nous récitons
plusieurs fois le fameux mantra "Om
mani padmé hum" (ou "Om mani pémé houng")
puis procédons à plusieurs invocations de bénédiction
en hindi puis en anglais pour attirer bonne fortune et bonne santé sur
nous-mêmes, notre famille et nos amis. Nous sommes invités à
faire un voeu qui doit se réaliser lorsque le lien de coton que l'on nous
a noué au poignet se détachera...
On peut traduire le "Om mani padmé hum" par "Salut à toi, ô joyau caché dans le lotus". Le premier terme désigne le corps, la parole et l'esprit, le second se rapporte à la méthode (compassion et amour universel), le troisième est relatif à la sagesse du détachement ou vacuité et enfin, le quatrième désigne la pureté acquise par l'unité (indivisibilité).
Après
ce rituel, nous partons à la découverte de la rue principale,
le Sadar Bazaar. L'animation provient davantage des pèlerins que des
touristes qui devaient être plus nombreux une quinzaine de jours plus tôt,
lors de la foire aux dromadaires.
On croise de beaux 4x4, de gros taureaux
en liberté, des prêtres et sadhus, des musulmans indiens aux cheveux
teintés en roux pour témoigner de leur pèlerinage à
La Mecque, des touristes sur des dromadaires...
Comme au Mt St Michel,
les boutiques proposent toutes sortes de souvenirs d'un goût douteux (la
Joconde!), de l'alimentation, des friandises telles les Jalebi (une sorte
de beignet au sirop). On peut s'y faire des décors sur la peau à
l'aide de petits tampons et de couleurs.
Des étals forains sont aussi
installés dans les rues: fruits, presse à jus de canne à
sucre, Nos pas nous conduisent dans une rue un peu à l'écart où
l'on peut voir d'anciennes havelis accaparées par des ferblantiers qui
proposent tout un assortiment de bacs et récipients en galva. Petits temples
dans des cours intérieures. Immeuble à l'architecture "indo-moghole-art
nouveau"...
De retour au bazar, en levant les yeux, ont peu voir de nombreux
cerfs-volants hauts dans le ciel.
La
nuit tombe et nous rentrons à l'hôtel où l'on aura en dessert
des jalebi, l'une
des friandises que l'on voyait dans une échoppe sur sur la rue principale.