MADRAS (Chennaî) (1),
KANCHIPURAM (2).
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PRESENTATION DE L'INDE

Sur le plan international, ce pays est connu sous le nom d'Inde (India en anglais) terme provenant du nom du fleuve Indus (tout comme le nom de la langue, le hindi) tandis que l'appellation officielle utilise Bharat (du nom d'un antique souverain hindou). Enfin, dans le langage courant, les habitants désignent leur pays sous le nom d'Hindustan (terme d'origine perse signifiant ''la terre des Hindous'').

On a toujours tendance à comparer les deux géants mondiaux voisins que sont la Chine et l'Inde.
La Chine est perçue comme un monde monolithique soudé par diverses forces dominantes.
Toute différente est l'Inde. Diverse dans son peuplement, ses langues et ses religions.

Même l'Hindouisme qui est le plus répandu est émietté en milliers de courants sectaires. Les divers courants de pensées dans ce pays, s'imbriquent et déteignent les uns sur les autres. Ainsi le christianisme ne peut officiellement reconnaître les castes pourtant il arrive que les diverses castes accèdent par des portes différentes dans certaines églises !
Cette Inde multiple est pourtant une, à l'image du monde, dans un "vivre ensemble dans la différence".

L'Inde est le seul pays au monde qui a prolongé (hormis quelques rares coupures) sa culture et sa religion depuis des milliers d'années et jusqu'à nos jours, contrairement à l'Europe pourtant originellement aussi sous l'influence de civilisations indo-européennes.
Dans cette culture, le monde est régit par une organisation ternaire (contrairement à la Chine taoïste avec sa vision duale, yin et yang de passivité et d'activité) : la puissance de l'esprit, la force physique et la fécondité (chez les Romains, on retrouvait les cultes à Jupiter, Mars et Quirinus). On la retrouve aussi dans l'organisation en trilogie des panthéons hindouistes ou dans l'existence des "trois castes pures" dominantes.

Autre différence immédiatement perceptible par rapport au monde sinisé, c'est la façon de vivre, l'art de vivre pourrait-on dire.
Si l'on peut dire de l'Hindou qu'il n'a ni l'agilité ni la vélocité du tigre, en revanche, il faut bien reconnaître qu'il a la force opiniâtre du buffle et même de l'éléphant!

Par ailleurs, ces deux pays dont le taux de croissance économique est pratiquement à deux chiffres semblent emprunter des chemins différents. Si la Chine est l'atelier ou plutôt l'usine du monde, l'Inde est en train d'en devenir le bureau d'études.

Là où les Chinois s'affèrent en d'interminables journées de labeur, commencées dès l'aube et qui s'achèvent tard dans la soirée, on voit des Indiens qui vont à leur rythme et inscrivent leur labeur dans les belles heures du jour. Certains interprètent cela comme de la nonchalance assortie d'une bonne dose de fatalisme, de résignation voire de renoncement philosophico-religieux...
D'aucuns, au régime alimentaire carné, mettent en partie cette attitude sur le compte du régime végétarien des Hindous!

On dit que l'esprit de compétition n'existe pas en Inde. Les résultats du pays dans les grandes confrontations sportives internationales tendraient à le prouver (hormis dans quelques sports confidentiels "importés" et même, ici encore, l'Inde ne brille pas forcément comme le montre sa récente défaite dans le championnat du monde de cricket). Et pourtant, l'Inde du sud revendique la création des arts martiaux (même le kung-fu chinois en serait issu)...

Mais tout semble changer
Les contradictions internes du mode de vie indien s'exacerbent sous les effets de la mondialisation qui fait craquer les coutures de son vieil habit.


Etat du Tamil Nadu (c'est le plus étendu des états du sud de l'Inde avec 130 000 km², peuplé de 70 millions d'habitants). C'est une partie de l'ancien Etat de Madras divisé en 1967, l'autre partie au nord formant l'Andhra Pradesh (où l'on parle le telugu). Ses côtes ont ouvert à des échanges avec les autres grandes civilisations dès le début de l'ère chrétienne. Madras, ville située tout à fait au nord, sur la côte en est la capitale. Avec quelque 6 millions d'habitants, c'est la quatrième ville de l'Inde.

Le Tamil Nadu est le berceau de la culture dravidienne et le gardien de la tradition hindoue.
Le tamoul y est la langue qui y est parlée depuis 25 siècles et qui est répandue de Ceylan à l'Ile Maurice et à la Réunion. L'attachement y est tel que des émeutes ont eu lieu lorsqu'il fut tenté de rendre l'hindi comme langue nationale.
Son écriture a été fixée au IIIe s. av. J-C. Composée de 18 consonnes et de 12 voyelles, elle s'écrit de gauche à droite.

Il est resté typiquement hindou du fait qu'il a échappé à l'influence musulmanes des Moghols. On y trouve le plus pur style d'architecture sacrée dravidienne. Ici, les temples se distinguent tout d'abord par leur étendue et par leurs hauts gopuram et vimana de forme pyramidale et, ensuite, par leur organisation faite d'une succession d'enceintes (dans un plan rectangulaire) formant une sorte de ville dans la ville. Enfin, ils sont dotés d'au moins un bassin des ablutions.

Ce fut l'Etat indien le plus gravement touché par le tsunami du 26 décembre 2004 (8000 morts), surtout au sud de Pondichéry.


Cet Etat rural profite de terres fertiles (arrosé par plusieurs rivières). C'est un véritable musée vivant, un conservatoire des cultures et traditions vieilles de 2500 ans!

On ne connaît pas cet état comme une grande région industrielle pourtant une ville de l'intérieur, Coimbatore est considérée comme "la Manchester du sud de l'Inde" en raison de l'importance et des performances (métiers à tisser de 45 m de long !) de ses usines textiles (KPR Mills).
On est bien loin de l'image de l'artisanat ménager et du rouet de Gandhi!

C'est un Etat où de grands changements sont à venir compte tenu de l'importance que l'on y accorde à l'enseignement et à la recherche (notamment biomédicale). Il faut savoir que le président de l'Union Indienne est un scientifique musulman d'origine tamoule très modeste et il fait une priorité de l'éducation.

Nous nous posons à l'aéroport de Madras en milieu de nuit, par 27°. Nous y sommes accueillis par notre guide charmant (aux dires des dames subjuguées par son regard profond avec de grands yeux verts de fakir!).
Il s'appelle SANJAY MANDIEKAR,
"sanjay" signifie "Sainte Victoire". Outre notre guide hindou (métis indo-germanique!), notre équipage se compose d'un chauffeur chrétien (sur le tableau de bord, une Vierge de Lourdes en plastique en témoigne mais voisine avec un Ganesh bien hindou!) et d'un aide (bagagiste) musulman du Karnataka. Tout un symbole de l'Inde!

Sur les parking, nous découvrons une marée de lourdes et vieillottes voitures Ambassador, la voiture indienne par excellence, copie de la Morris Oxford 1954...

MADRAS - les Ambassadors que l'on retrouvera partout
Les Ambassadors que l'on retrouvera partout

L'aéroport se situe au sud de la ville et se trouve au pied du Mont St Thomas.

Très courte nuit de repos...


MADRAS

MADRAS (CHENNAI selon son nom tamoul) est la capitale du Tamil Nadu.

Au milieu du XVIIIe s., dans le cadre de la Guerre de Sept Ans (guerre de succession d'Autriche), Français et Anglais s'affrontent aussi en Inde. Pour le compte de Dupleix (grand agent de la Compagnie française des Indes, devenu nabab, c'est-à-dire noble ou gouverneur dans la terminologie indo-musulmane), le comte Bertrand François Mahé de La Bourdonnais, né à St Malo en 1699, s'empare de Madras en 1746 mais il doit la restituer aux Anglais deux ans plus tard, en vertu d'une clause du traité d'Amiens mettant fin à la guerre.

Madras est aujourd'hui une ville de plus de 6 000 000 d'habitants (ou 11 millions si l'on considère l'agglomération, laquelle a doublé depuis 1991 !). Chaque jour plus de 1000 personnes émigrent vers cette ville. Cette croissance démographique conduit à la dénaturation de la ville et à sa pollution (l'une des deux rivières arrosant la ville, la Kuwam, serait la rivière la plus polluée au monde!). Certaines rues sont à la proportion et atteignent 14 voire 18 km!

Madras est une métropole colorée au caractère très britannique.
Elle se situe sur la Côte de Coromandel.

Le nom de la ville évoque un tissu à chaîne de soie et trame de coton, aux couleurs vives et aux dessins formés de carreaux ou de rayures (dont les Antillaises font des fichus noués sur la tête).

C'est un grand port artificiel ; il offre la 2ème plus grande plage du monde. C’est une grande ville industrielle (acier, cuivre, automobile) et Chennai joue un rôle important dans le secteur informatique des services.

Et, bien sûr, c’est la 2ème ville indienne du cinéma derrière Bombay. Elle produit 200 à 300 films par an dans 15 studios. Chennai joue un rôle important dans le secteur informatique des services.

Madras compte 80% de personnes alphabétisées, plus que la moyenne indienne aux environs de 65% (76% pour les hommes, 55% pour les femmes) ; les villes sont plus alphabétisées que les campagnes.

Aujourd'hui Madras est aussi la grande rivale de Bombay (Bollywood avec 1100 films par an dépasse la production d'Hollywood) en matière de production cinématographique, sachant que l'ensemble du cinéma indien produit plus d'oeuvres que tout le reste du monde ! Cette rivalité entre Bombay et Chennai repose en grande partie sur l'opposition linguistique entre tamoul et hindi.

Nous partons donc pour un tour à la découverte de la ville. Circulation à gauche, legs britannique! Il faudra s'en souvenir quand il s'agit de traverser les rues en tant que piéton...

La journée de travail commence et l'on s'affère sur les marchés tandis qu'à côté des lourdes et vieillottes Ambassadors les rickshaws jaunes, tricycles ou vélo-rickwhaws et scooters à 3 roues ou auto-rickwhaws (assez semblables aux tuktuks thaïlandais) partent à l'assaut de la cité... Ces petits engins motorisés sont souvent de la marque indienne BAJAJ que la production japonaise n'a pas réussi à détrôner.
Quant aux autobus plus ou moins rustiques (de marques Tata ou Mahindra) et plus où moins rapides (selon qu'ils sont express ou omnibus), ils sont bondés à cette heure.
Les piétons sont noyés (car il n'y a pas toujours de trottoirs) dans un immense tintamarre où se mêlent vélos, motos, scooters, camions, Ambassadors et petites berlines Tata... le tout klaxonnant allègrement.

Certaines constructions emmaillotées derrière des rideaux de palmes tressées intriguent. Nous en verrons souvent pendant le voyage. En général ce dispositif abrite des travaux de ravalement (temples) ou de construction afin de protéger de l'ardeur du soleil aussi bien les travailleurs que les matériaux (béton...). De même, certains poteaux en béton encore fraîchement coulés sont enveloppés de sacs de jute mouillés.

C'est aussi le début d'un l'interminable défilé de mode féminine qui durera tout notre séjour avec ces milliers de saris tous différents, aux couleurs chatoyantes qui vont si bien aux peaux brunes des femmes mariées. Cette longue bande de tissu rectangulaire de 1 à 1,20 mètre de large sur 5 à plus de 6 mètres, d'une seule pièce (les coupes et les coutures sont marques d'impureté ce qui fait penser au linceul du Christ, n'est-ce pas? ou à la ihram, le voile blanc sans couture dont se revêtent les pèlerins à La Mecque!) est savamment enroulée des jambes jusqu'à l'épaule gauche. A l'origine l'épaule droite restait à découvert mais maintenant le sari est portée sur une sorte de corsage ou de boléro, le choli dont le port aurait été imposé par les prudes Britanniques. Le sari n'est en principe porté que par les femmes mariées tandis que les jeunes filles se vêtent d'un penjabi.
Toutefois à la saison chaude, le sari peut être porté d'une manière telle qu'une partie du tronc se trouve à l'air libre.

Quant aux hommes, ils sont à peine moins discrets avec leur longhi, ce pagne porté dans le sud et que l'on confond avec le dhoti du nord de l'Inde. Le matin il est porté long et lorsque la température s'élève, ses pans sont relevés et passés dans la ceinture.

Ce sont aussi les croix gammées, les svastikas qui ont ici une symbolique religieuse plongeant dans les fonds de la culture indo-aryenne (symbole représentant le char solaire) que l'on retrouve aussi bien sur d'anciens temples (on le verra par la suite) que sur des bâtiments contemporains et symbole repris par le bouddhisme.
Autre curiosité indienne, la camaraderie masculine que certains occidentaux prennent à tort pour le l'homosexualité généralisée! Elle n'a pas d'âge pour s'exprimer.


C'est d'abord Georgetown, la "ville noire" qui s'est développée à partir du XVIIe s. au nord du Fort St George (la ville blanche britannique): la gare centrale, la High Court (palais de justice) et près du rivage, le Fort St George occupé par diverses administrations peu préoccupées de sa préservation.

Puis nous longeons la côte du Golfe du Bengale, en direction du sud de l'agglomération. L'ancien village de pêcheurs de Mylapore où s'établirent les Portugais au début du XVIe s. Ce quartier reste celui des pêcheurs et d'une population pauvre habitant des huttes couvertes de palmes tressées.
Il est surprenant que Sanjay n'évoque pas ici les drames certainement provoqués par le tsunami, autrement dit le raz-de-marée de décembre 2004, sur cette côte basse.

Notre programme chargé de cette première journée ne permet pas de jeter un coup d'oeil aux grands temples anciens Kapaleashwarar (dédié à Shiva, bâti au VIIe s. et reconstruit au XVIe s.) et Parthasarathy (dédié au seigneur Krishna, bâti du VIIIe s. au XIe s.).
En revanche, on passe près de petits temples hindous qui apportent un peu de couleur tandis que non loin de là s'élève la cathédrale Saint Thomas (San Thomé) dans laquelle, selon la tradition, repose le corps de l'apôtre incrédule. En effet, selon la tradition, Saint Thomas serait venu évangéliser cette région et aurait été inhumé en ce lieu après son martyre. On compte 3,5 millions de fidèles de l'église syro-malabare (le terme "malabar" est le nom donné à la côte sud-ouest de l'Inde, en dessous de Goa, sur l'autre façade océanique du sud de l'Inde que nous découvrirons dans la seconde partie du circuit).

En continuant vers le sud, vers le delta de la rivière Adyar. Ce secteur verdoyant (banians, manguiers et palmiers) où l'on chassait jadis le léopard est un parc naturel urbain, cas unique au monde. On passe non loin du Palais de Chettinad, du Collège de Musique et du siège de la Société Théosophique (cette organisation mystico-occultiste toujours active de part le monde et prônant la fraternité universelle est d'origine européenne, d'abord fondée à New-York, elle fut transférée ici en 1882 et elle s'engagea après 1891 aux côtés des nationalistes indiens).
De grandes universités sont également installées dans ce cadre agréable mais les dépôts d'ordures et de sacs plastiques usagés ne sont jamais bien loin. Dans la banlieue de la ville diverses usines automobiles voient le jour: Hyundai, Ford, Leyland (camions) et prochainement, BMW. Dans le même temps, nous n'avons pas quitté la capitale du Tamil Nadu que nous rencontrons des attelages à traction bovine. Les cornes colorées des zébus témoignent encore des festivités de Pongal célébrant le renouveau et qui se déroulent en janvier.

MADRAS - attelage de zébus encore marqués des fêtes de Pongal
Attelage de zébus encore marqués des fêtes de Pongal

Puis nous obliquons en direction du sud-ouest, vers Kanchipuram à quelques 75 km de là, 3 heures de route en perspective.

Des chargements tout aussi hétéroclites que les moyens de traction. Les plantations d'arbres d'alignement sont souvent des tamariniers ou des flamboyants rouges dont la floraison n'est pas encore très avancée sur la côte orientale. Le riz a souvent été récolté. On voit parfois un étalage de paille qui empiète même sur le bord de la route. Lui succéderont des cultures de canne à sucre ou de coton. On peut de temps à autre apercevoir quelques parcelles de maïs et même d'asperges (!).

Par moment de jolis tronçons de 4 voies (le terme autoroute est trompeur car il n'y a pas d'échangeurs donc tous les franchissements se font à niveau et tous les moyens de locomotion y ont accès) avec parfois même des bougainvilliers plantés dans le terre-plein quand on n'a pas la surprise d'y voir des vaches maigres en train du chercher quelques brins d'herbe.

D'autres animaux ont parfois un destin moins heureux. Sur l'accotement de l'autre chaussée, j'ai le temps d'apercevoir le cadavre ensanglanté d'une vache. Une bien mauvaise action pour le karma de l'Indien impliqué dans la collision avec l'animal.



KANCHIPURAM, "la ville d'or"

KANCHIPURAM, l'une des sept villes saintes de l'Inde, se consacrant à la dévotion de Shiva et de Vishnu.
Nous allons donc commencer à aborder le thème du religieux
(pour des indications générales sur ce thème, se reporter à l'encart gauche de la page relatant l'étape suivante). La ville semble aujourd'hui plutôt endormie s'il n'y avait les mélopées qui s'échappent de ses temples.

 

Les temples hindous
d'Inde du sud...
(cf. CHRONOLOGIE)

A l'origine, par exemple à Mahabalipuram, les temples sont des excavations artificielles rappelant les grottes puis viennent de petits temples monolithiques et enfin de grands ouvrages de maçonnerie (granit, schiste, stuc).

L'organisation des temples tend à représenter la cosmologie indienne. Au centre, le sanctuaire représente l'embryon du monde, le Mont Meru, c'est pourquoi il est surmonté d'une tour (vimana tel celui du temple de Brihadishwara de Tanjore). Le sanctuaire est réservé au prêtre tandis que les fidèles se tiennent dans une salle à piliers précédée d'un vestibule.

L'ensemble est protégé par une enceinte (Kanchipuram, Kumbalonam, Tanjore). Au fil du temps, des temples secondaires (par exemple pour l'épouse du dieu) s'ajoutent ainsi que des enceintes concentriques au nombre de trois, quatre, cinq voire sept (Ranganath Swami à Trichy)... évoquant les îles montagneuses qui entouraient le mythique Mont Meru.
Ces enceintes sont percées de portes, les gopurams qui deviennent de plus en plus monumentales au fil du temps, avec leurs toitures élancées recouvertes de sculptures, surtout au Tamil Nadu...

Sur un plan rectangulaire (parfois carré), l'ensemble présente ses côtés sensiblement en direction des quatre points cardinaux.
A Mahabalipuram, aux VII-VIIIe s., les premières ébauches monolithiques, tout comme le principal temple du rivage, s'ouvrent à l'est sans doute survivance d'antiques cultes solaires. Il en est de même du sanctuaire du temple de Brihadishwara de Tanjore construit au Xe s. ou , bien plus tard, des sanctuaires des temples de Minakshi à Madurai et de Ranganath Swami (mais on y a tourné la tête de Vishnu vers le sud) de Trichy construits aux XVII-XVIIIe s. Le sanctuaire est plus rarement orienté à l'ouest. Quant au sud et surtout au nord, ces directions sont considérées comme maléfiques. A remarquer que c'est sur le côté nord des édifices que se trouvent les exutoires pour les restes liquides des offrandes (lait, beurre fondu, huile), direction vers laquelle pointent également les exutoires des vasques à la base des lingams...

Dans l'ouest du Deccan (Karnataka), les temples des Hoysalas sont différents, hissés sur un podium et cependant moins élevés mais tout aussi décorés, n'ont pas un plan carré mais cruciforme (Belur et Halebid) ou en étoile (Somnathapur, temple triple surmonté d'un vimana).

Les parois tant intérieures qu'extérieures de tous ces temples sont richement décorées de bas-reliefs et de statues de pierre occupant quantités de niches.

Dans cette petite ville dite "ville aux 1000 temples" (!), outre les temples Ekambareshwara et Kailasanatha que l'on va visiter, on ne compte quand même pas moins de 150 autres temples hindous érigés sur le site, certains vieux de plus de 1400 ans dont :
- Kamakshi Amman
- Vaikuntha Perumal (dédiée à Vishnu)
- Varadaraja (salle hypostyle du "mariage des dieux")
ainsi que les temples jains de Tiruparuttikunram.

La ville d'Or, à 75 km au sud-ouest de Madras, fut la capitale de la dynastie Pallava qui prédominaà partir du VIIe s. en Inde du sud et laissa des vestiges monumentaux. En effet, auparavant les lieux de culte étaient en bois tandis que les tombes étaient entourées de pierres tandis qu'à partir de cette dynastie, on assiste à la construction des premiers monuments en pierre tandis que les morts sont incinérés.
Jusqu'à la quasi disparition du bouddhisme en Inde, la ville en fut un haut lieu d'où il fut disséminé vers toute l'Asie du Sud-Est. Les échanges se faisaient même avec la Chine, par voie maritime.

Aux Pallava succédèrent les Chola puis les rajas de Vijayanagar.

Temple Sri Ekambaranathar
(cf. CHRONOLOGIE) ,

Le temple Ekambareshwara (littéralement, "Seigneur du manguier") dit "aux 1000 piliers", sanctuaire dédié à Shiva, est le plus vaste (12 ha) et le plus saint des temples de la ville et toujours "actif". Shiva est honoré ici sous on avatar ascétique Ekamranatha.

En réalité son mandapa, sorte de vestibule avant le sanctuaire (ce dernier est inaccessible aux non Hindous), comporte seulement 540 (total des chiffres=9) piliers très ouvragés en granit sombre et dont la base représente des animaux chimériques, les yalis (évoquant éléphants, lions...).
Dans le sanctuaire est vénérée la représentation aniconique de Shiva, sous la forme de l'un des cinq lingams les plus sacrés de l'Inde. Cette représentation phallique évoquerait la terre modelée par Parvati, épouse divine de Shiva (avec laquelle il a eu deux enfants Ganesh et Subrahmanya).
On retrouve cette forme de représentation dans la galerie aux 108 lingams (toujours le total magique de 9).

D'origine Pallava, ce temple a été remodelé bien plus tard, vers 1509, par les Vijayanagars (XVe-XVIe s.) auxquels on doit l'immense gopuram (porte d'entrée dans l'enceinte) de 11 étages (58 m de haut). Dans le passé, les sculptures qui l'ornementent étaient polychromes. Cette structure est formée de brique recouverte de stuc peint uniformément en beige-ocre.
Ces hauts pans de mur offrent un abri idéal aux petites abeilles indiennes pour y accrocher leur essaims parmi les sculptures...

Toute la partie inférieure du temple est ancienne et construite en granit, y compris les hauts piliers très ouvragés (5 m. ?) ainsi que les dalles à longue portée constituant les plafonds.
On remarquera ici comme ailleurs dans notre circuit, que dans l'architecture des temples hindous, on n'a pas fait usage des techniques d'arcs et de voûtes. Pas plus qu'on n'a utilisé "l'arc triangulaire" (employé par les Babyloniens puis les Égyptiens, les Grecs mycéniens ou les Mayas).

On notera que la plupart des temples (et leurs sanctuaires principaux) sont sensiblement orientés vers l'est.

Nous rencontrons d'abord la monture de Shiva, le taureau Nandi reposant sous un kiosque.

Dans le temple, nous sommes les seuls touristes au milieu des pèlerins shivaïtes (marques horizontales sur le front) et même de pèlerins vishnouistes (marques verticales évoquant le trident, attribut de Vishnu).

Premier contact surprenant avec cette Inde fervente et bruyante. Dans une odeur de fleurs et d'encens, le temple est une véritable cité où l'on rencontre aussi des marchands, des musiciens, des mendiants... Certains déjeunent assis par terre tandis que les enfants jouent. Les femmes ont souvent une petite guirlande de fleurs de jasmin accrochée à leur chignon.

Comme les pélerins, nous avons dû nous plier à la règle qui consiste à marcher pieds nus...

Autour du sanctuaire, c'est une sorte de monde clos et mystérieux, noyé dans la pénombre de longues galeries sur lesquelles ouvrent des chapelles ou temples secondaires dédiés à d'autres divinités: Minakshi (nom régional donné à Parvati, l'épouse de Shiva), Vishnou. Certains pèlerins tournent dans le sens des aiguilles d'une montre autour de l'autel des "neufs planètes" où ils sont encore plus nombreux les jours néfastes, ceux de Jupiter (jeudi) et du Soleil (dimanche)...
... et les touristes peuvent même se faire bénir par un prêtre après avoir reçu la tilak ou tika (marque rouge à la base du front).

Les fidèle offrent des colliers de fleurs ou simplement des pétales, de la poudre de santal, des boulettes de riz, de l'encens ou bien encore ils font brûler des lampes à beurre clarifié (ou ghee) ou au camphre (extrait du camphrier, arbre de la même famille que l'arbre à cannelle) qui à l'avantage de produire moins de fumée et d'éclaire davantage...
Cette offrande
est un hommage qui met en relation directe avec le dieu s'appelle la puja.

Comme dans tous les grands temples publics (actifs), un mât doré émerge au-dessus du temple, c'est le dvajastambha auxquel on accroche des bannières lors des grandes cérémonies et fêtes..

Mât  à bannières ou dvajastambha
Base d'un dvajastambha
,
mât doré auquel on accroche les bannières
lors des grandes cérémonies hindoues dans les temples.


En vue de processions, dans une galerie ouverte sur le bassin sacré d'où émerge un petit kiosque, des ouvriers s'affèrent à nettoyer et à repeindre les palanquins en bois polychrome et un taureau recouvert de feuilles d'argent qui serviront à transporter les statues de bronze des divinités lors de processions rituelles.
Celles-ci sont gardées en lieu sûr, derrière des grilles, car elles sont précieuses non seulement pour le culte mais aussi parce qu'elles sont anciennes et surtout en bronze "noble". C'est-à-dire qu'au cuivre et à l'étain s'ajoutent pour près de moitié de l'argent et de l'or provenant de donations de bijoux, ce qui rend le métal inoxydable et fait qu'elles gardent donc tout leur brillant.

En quittant le temple, autre atmosphère dans la ville. Comme partout où nous irons, elle est ponctuée de panneaux de publicités commerciales diverses (parfois installées une simple armature faite de perches) pour des produits de luxe (bijoux...), le téléphone, panneaux qui rivalisent avec ceux des partis politiques dont le parti communiste (on peut aussi voir certains panneaux à la gloire d'Amma, actrice de cinéma reconvertie dans la politique)...

Propagande politique ou plutôt publicité puisqu'il y a pluralisme
Propagande politique ou plutôt publicité puisqu'il y a pluralisme...
Un pays où le parti communiste a de beaux jours devant lui!

Temple de Kailasanatha
(cf. CHRONOLOGIE),

Le temple de Kailasanatha, dédié à Shiva, est très différent du précédent. Dans ce lieu désacralisé, la visite se fait chaussé, heureusement car les dalles sont brûlantes et ici il n'y a pas de galerie couverte.

C'est l'un des premiers temples monumentaux construits en Inde du sud vers l'an 700
, à l'initiative de Rajasimha, souverain Pallava.

Il est considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre de l'architecture dravidienne bien que de dimensions plus modestes, avec seulement des ébauches de gopurams, le sanctuaire est précédé de chapelles commémoratives. Dans le mur d'enceinte sont ménagée 58 niches, sortes de temples miniatures avec de gracieuses divinités: Durga (avatar de Parvati), Parashurama (Rama à la hache, avatar de Vishnou), Brahma (on voit trois de ses quatre visages) sur son oie sauvage (Brahma est peu représenté dans les temple et un seul temple lui est dédié qui se situe au Rajasthan) ... et le lingam.
Certaines divinités portent encore des traces de polychromie.

La base des édifices est en granit alors que le reste des constructions est en grès, matériau plus fragile et assez mal restauré par les Britanniques. Sur la base figurent des inscriptions en vieux tamoul relatant la construction du temple.

KANCHIPURAM - Temple de Kailasanatha     écriture tamoule
KANCHIPURAM - Temple de Kailasanatha
(inscriptions en vieux tamoul sur le socle) et syllabaire tamoul moderne.


Les abords du sanctuaire ont été remaniés au XVIIe s. par les Nayaks. Le sanctuaire est surmonté d'un vimana (ou shikara), haute tour pyramidale.


KANCHIPURAM - La toilette des  buffles
La toilette des "buffalos"...
non, simplement des buffles à l'eau!

KANCHIPURAM - une vache holstein en quête de pitance
...et une holstein en quête de pitance!

Direction Mahabalipuram, distante de 60 km (au sud-est de Kanchipuram).

Pour terminer une aussi agréable journée et du fait de la proximité de l'hôtel (Temple Bay), petite trempette dans l'Océan Indien ou plus précisément dans les eaux du Golfe de Bengale. La température de l'eau est délicieuse mais il faut aimer les sports d'eau vive car des rouleaux violents déferlent sur le rivage et décourage la plupart des candidats. Le repli sur le sable est également vite compromis par des vendeuses qui importunent les touristes que nous sommes...
On peut aussi apprécier la tranquillité d'agréables bungalows (
mot d'origine indienne!) au milieu d'un parc où l'on peut admirer l'éternel dépouillement floral des frangipaniers (mais on peut en voir avec des nuance allant du blanc au rose) et odorants dont les fleurs à calice font penser aux tulipes ou au magnolia.

Mahabalipuram - Hôtel Temple Bay     Mahabalipuram - Hôtel Temple Bay
Mahabalipuram - Hôtel Temple Bay.





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