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MAHABALIPURAM
(petite ville de 12 000 habitants)
C'est
un ancien port de la côte de Coromandel
(sud-est de l'Inde) déjà connu des Romains et qui fut la capitale
de la dynastie Pallava au VIIIe s. et le grand port de leur royaume.
D'ici, les Pallavas ont donc pu facilement exporter leur civilisation,
notamment la religion hindoue (avec son architecture) vers les royaumes de Shrivijara
(Java, Sumatra, Malaisie), du Kambuja (Angkor au Cambodge) et du Champa (Annam
au Vietnam). Leurs successeurs Cholas (ou Colas) y ont exporté la danse
(Bali).
La ville tombée en ruine, les vestiges ne furent découverts
qu'au XVIIe s. et ce sont parmi les plus prestigieux de la civilisation indienne.
Nous rencontrons les premiers kolams, ces dessins géométriques
savants tracés à la poudre de riz devant le seuil des maisons
(ils sont coloriés dans certaines régions où lors de circonstances
particulières). C'est une forme de mandala simplifié.
Signes de bienvenue et porte-bonheur, ils ont aussi
pour rôle de retenir à l'extérieur insectes et divers parasites
qui s'en nourrissent.
Kolam au seuil d'une porte, porte-bonheur et signe de bienvenue...
les Temples
de la colline
(cf. CHRONOLOGIE):
On
peut admirer ici un superbe ensemble de temples monolithes consacrés
à Shiva remontant au VIIe s., à l'époque de la
dynastie Pallava. Ces bas-reliefs très anciens interpellent par leur qualité
d'exécution (on a l'impression qu'ils surgissent du sol) et leur bon état
de conservation.
Parmi ceux-ci, nous admirons:
- le Krishna mandapa, creusé dans la roche, entre le VIème
et VIIème siècle, où sous une galerie moderne
apparaît une superbe paroi sculptée représentant
des scènes pastorales autour de Krishna (9ème incarnation
de Vishnu) et les gopis, ses amis bergers et ses amantes vachères
(Rhada est sa préférée).
On y voit le Dieu Krishna
soulevant d'une seule main le Mont Govardhana pour que les villageois puissent
se protéger de l'orage déclenché par le Dieu Indra , irrité
par l'indifférence des villageois à son égard. Sur la même
scène, un peu à l'écart, se tient Balarama, frère
de Krishna. Le fond de la grotte est orné d'un superbe et charmant bas-relief
d'une vache léchant son veau pendant que son bouvier la trait. D'autres
scènes illustrent cette vaste fresque : un homme avec un bébé
sur l'épaule, une servante portant des pots à lait et du foin sur
la tête... .
- tout près de là apparaît
l'Ascèse d'Arjuna (ou la Pénitence d'Arjuna) , le célèbre
bas-relief de la Descente du Gange. C'est le monument le plus visité
et le plus justement célèbre du lieu.
Ce chef d'uvre
se présente comme une falaise sculptée de 9 m de haut sur 27 m
de longueur dont les splendides éléphants s'imposent immédiatement
à la vue. C'est le matin est aussi la meilleure heure pour cette visite
compte tenu de la l'incidence de la lumière
On
peut l'interpréter comme la représentation de la descente des eaux
de LA Gange (fleuve-divinité au féminin pour
les Hindous) domptées et s'écoulant vers la terre en glissant sur
les cheveux de Shiva qui se retire sur l'Himalaya. Depuis les origines de la civilisation
indienne, le Gange, fleuve mythique descendu des cimes himalayennes, inspire l'imaginaire
des hommes.
Une autre version illustre un épisode du Mahabharata.
Le prince pandava Arjuna
déchu et perdu dans la forêt obtint l'aide de
Shiva et en témoignage de gratitude s'en alla dans l'Himalaya pratiquer
l'ascèse, ce qui le rendit invincible.
La scène est coupée en deux par le fleuve (profitant d'une fissure
dans le rocher). On y voit toutes sortes d'êtres célestes comme les
Kinnara, les Gandharva , les Apsara , des Sages barbus vénérables,
un ascète qui prie Shiva, mains jointes en prières au-dessus de
la tête, le Nâga et la Naginî qui, eux aussi mains jointes devant
le corps.
La composition magistrale n'est pas dénuée d'humour.
A l'ascète dans une position du yoga sur la partie gauche, fait écho
un chat, dans la même attitude au point qu'il peut envisager de berner les
souris qui sont en adoration à ses pieds! Deux
gros éléphants avec des petits entre leurs pattes qui regardent
vers cette scène, un autre Sage priant le Dieu Vishnu qui se tient sous
un dais...
MAHABALIPURAM - Humour dans la Descente du Gange,
Ascète et chat imitateur....
Remarquer aussi à, l'extrémité droite, un couple de singes en train de s'épouiller...
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-
la visite se poursuit avec un premier
RATHA ou temple-chariot monolithique, le
Ratha Ganesha, temple monolithe originellement dédié à
Shiva.
- une curiosité naturelle, la Boule de
beurre de Krishna (selon la légende, ce dernier chapardait du beurre
aux bergers!). On comprend mieux les possibilités de sculpter de gros objets
monolithes dans ce matériau granitique (diorite selon notre guide).
- la grotte de Mahishasura Mardini dédiée à Durga
(avatar de Parvati) affrontant avec son arc le démon à tête
de buffle alors qu'en face d'elle, sur l'autre côté du mandapa,
Vishnu sommeille tranquillement dans les replis du serpent Ananta...
- au sommet de la colline, sur un gros rocher, se dresse le temple d'Olakkanatha,
plus tardif (début VIIIe s.), réalisé en maçonnerie
(comme les temples du rivage évoqués plus loin).
En
déambulant dans le site, Sanjay nous présente un arbre typique
de ce pays, le neem dont les feuilles sont dissymétriques car
elles ont la particularité d'avoir le pétiole décentré.
Intéressant pour son bois, l'arbuste l'est aussi pour ses graines utilisées
comme pesticide par les paysans indiens et qui est à lorigine, depuis
les années 1970, de plus dune cinquantaine de brevets américains
et européens. Des dérivés entrent également dans la
composition d'un médicament contre l'arthrite.
Nous avons aussi l'occasion d'admirer le travail de précision des
sculpteurs qui façonnent de grandes statues (taille humaine).
Nous n'avons
pas le temps pour aller visiter le mandapa des Cinq Panadava ni la Grotte du Tigre.
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A
quelques centaines de mètres, se dressent les "temples-chariots"
(évidemment sans roues ici) ou
Rathas dit du sud
(cf. CHRONOLOGIE),
il s'agit toujours d'un ensemble de sanctuaires monolithes très groupés
(désacralisés) dont les formes représentent les principes
de construction en bois qui était en vigueur antérieurement.
On
leur a attribué les noms de Draupadi, Arjuna, Bhîma, Yudhishthira/Dharmaraja
et Nakula/Sahadeva, noms des cinq frères Pândava (et de leur épouse
commune), héros dont l'histoire est contée dans l'épopée
célébrissime du Mahâbhârata :
- tout d'abord, le sanctuaire de Draupadi, en forme de hutte avec toit
de chaume.
Il s'agit d'un temple dédié à Durga au plan
simple, carré, à une cella. masquant un énorme taureau couché
monolithique de Nandi,véhicule de Shiva.
- le sanctuaire suivant
dit d'Arjuna, de structure pyramidale plus petite que celle du Dharmaraja
est plus complexe, surmonté de deux niveaux de pavillons miniatures et
voisin d'un lion. Sans doute dédié à Shiva du fait de la
présence proche du taureau Nandi.
- le ratha de Bhima est
de forme allongée ressemblant à une chaumière. Ce temple
à étages dédié à Vishnou, avec colonne à
piètements de lion, semble reprendre l'organisation d'une salle de réunion
bouddhique. Ce ratha de plan rectangulaire, est couvert en berceau brisé.
On note de petits édifices en bas relief sur la corniche.
- il
est séparé du temple voisin par un énorme éléphant
monolithe. Cet autre temple, Nakula-Sahadeva, reprend en quelque sorte
les forme du gros animal. De structure absidiale, il est dédié à
Indra. Très inachevé, il présente un plan original absidial
avec un porche soutenu par des colonnes.
- pour finir, le ratha de
Yudhisthira/Dharmaraja est, avec un plan carré, de conception semblable
à celui d'Arjuna, en plus élaboré et plus haut, surmonté
d'une structure pyramidale de trois étages (dont deux faux) et comportant
une corniche avec des réductions dédifices. Inachevé,
c'est le seul ratha portant une inscription faisant référence au
roi Pallava Nârasimhavarman Ier. Il est dédié à Shiva
On
peut y voir une représentation d'Ardhanishwara, forme androgyne
de Shiva (avec un côté gauche féminin) et un Harihara,
forme syncrétique des dieux Shiva et Vishnou.
On reste émerveillé
devant tant de finesse dans le travail d'une pierre aussi dure. Carriers et sculpteurs
devaient d'abord débiter des blocs en creusant quantité de petits
trous à l'aide de burins de fer. Il fallait y placer des coins de bois
qui une fois gorgés d'eau faisaient éclater la pierre. On
trouve encore des traces de cette technique sur le site même...
Restait alors l'immense labeur de façonnage artistique...
Découpage
des blocs de pierre.
A deux cents mètres, au pied de la colline, sur un petit promontoire
entre deux plages, se dresse(nt) LE ou les Temples du Rivage
(cf.
CHRONOLOGIE),
dédiés à Shiva.
L'ambiguité provient du fait que c'est une construction
géminée. Le monument est plus élevé que les rathas
précédents car ce n'est plus un monolithe mais une véritable
construction en maçonnerie.
Sa réalisation remonte au dernier
souverain Pallava, au tout début du VIIIe s. (c'est une ébauche
du temple de Kailasanatha vu la veille à Kanchipuram).
D'après
la tradition, c'est le seul rescapé d'un ensemble de sept temples construits
à la fin du VIIIe siècle par le roi Pallava Râjasimha Nârasimhavarman
II et s'étendant sur dix kilomètres de rivage.
Sa situation
en bord de mer fait que les sculptures subissent l'agression saline et que la
mer a détruit son enceinte qui était surmontée de taureaux
Nandis. Une digue de protection lui a permis d'échapper aux méfaits du tsunami.
Un bassin a été découvert en 1995 et plus récemment
des vestiges de ce qui aurait été un quai.
Enfin, le tsunami
de décembre 2004 a mis au jour sur le rivage des superstructures de deux
temples ce qui confirmerait la tradition selon laquelle il aurait existé
sept temples...
Les
temples du rivage.
On
reste perplexe devant l'abandon du site.
Notre guide évoque l'hypothèse
formulée par un géologue selon lequel le cours inférieur de la rivière Kaveri,
l'un des sept fleuves sacrés de l'Inde (avec le (la) Gange, la Yamuna,
la Godabari, la Narmada et la Saraswati et l'Indus, ce dernier aujourd'hui au
Pakistan) se serait brusquement modifié il y a mille ans. L'estuaire se serait
déplacé de la région de Mahabalipuram en provoquant la ruine
de la dynastie des Pallavas tandis que les Colas installaient leur capitale à
Tanjore, sur le nouveau delta...
En
quittant la petite ville, nous apercevons à quelques distance,
deux temples apparemment abandonnés au milieu des broussailles. La monotonie de 130 km de trajet
(3 heures) qui nous séparent de Pondichéry est rompue par
quelques arrêts ou curiosités qui retiennent l'attention: PONDICHÉRY
- centrale nucléaire type Tchernobyl, legs des Russes à l'époque
de l'amitié avec ce pays (sous Indira Gandhi),
- moissons,
- marais salants sur la côte,
- temples de villages en pleine nature (offrande annuelle d'ex-votos en forme
de cheval de terre cuite) vestiges de cultes anciens plus ou moins animistes
(Aiyanar, maître des démons)...
Pondichéry,
autrefois
village de pêcheurs,
vient de retrouver son ancien nom de Poudouchery
en 2006.
Cette ville se situe à 100 km au sud-ouest de Mahabalipuram (ou
à 150 km
au sud de Madras).
Les archéologues ont découverts de la monnaie et des tessons de
poterie témoignant d'échanges dans l'Antiquité avec le
bassin méditerranéen: Rome, Grèce, Espagne...
La ville compte 750 000 habitants. Cet ancien comptoir français,
au cachet de sous-préfecture discrète (la ville "blanche")
est aujourd'hui envahit par la marée humaine ("la ville "noire")
venue de l'arrière-pays Tamil.
Après une courte occupation hollandaise, les Français y sont
présents dès 1670 mais la ville ne prend vraiment de l'importance
qu'à partir de 1742, sous l'autorité de Dupleix, lorsqu'il
devient gouverneur général de la Compagnie Française des
Indes. Bon
stratège et fin diplomate, Dupleix avait réussi à
instaurer une zone d'influence française sur plus de la moitié
du Décan... jusqu'à se qu'il fût rappelé en Métropole
en 1754.
Après un long siège anglais en 1761, la ville est prise par les
Anglais qui la restituent en 1763, tout en y exerçant un étroit
contrôle jusqu'en 1816 où elle est définitivement rendue
à la France.
Pondichéry ne sera partie intégrante de l'Inde indépendante,
qu'à compter du 16 août 1962, après diverses étapes
longues et assez incohérentes (pour cause de nos guerres coloniales en Indochine
puis en Algérie): 1947(mise à l'étude de la cession), 1952-54
(blocus des enclaves par l'Inde aboutissant au transfert officieux), 1956 (signature
du traité de cession) et enfin vote de ratification de ce traité
par l'Assemblée Nationale française le 12 juillet 1962 alors que
de nombreux Pondichéryens viennent de participer à notre guerre
en Algérie...
Ce
sera le dernier des cinq comptoirs que possédait la France avec Chandernagor
(abandonné dès 1947), Yanaon, Karikal et Mahé.
Sans doute mal informés, seulement
7000 (ou 8000?) Pondichéryens ont opté pour le
statut français en février 1963 et la ville garde un important
lycée français (1200 élèves). Le territoire de Pondichery
conserve certains avantages particuliers notamment en matière de taxes
(TVA...).
L'arrivée dans la ville est signalée par les policiers à
képi rouge qui ont conservé l'ancien uniforme
de l'époque coloniale.
Uniforme de policier, souvenir colonial...
et AUROVILLE... Aurobindo Ghose (1872-1950), d'origine bengali, après
avoir mené un combat nationaliste au début du XXe s.
s'est livré à une démarche mystique en quête
d'une religion universelle. Sa démarche aurait inspiré celle
du Mahatma Gandhi. Auroville *(Cité de l'Aurore) la ville utopique
créée à partir de 1968 fut voulue par ''la Mère''
se situe à 8 km de Pondichéry et rassemble des adeptes
du monde entier (de 40 pays) dont environ 2000 Français. Quelques
120 pays ont participé à son financement et le terrain a
été donné par l'Etat du Tamil Nadu. |
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La visite
de la ville permet de découvrir:
- balade dans l'ancien quartier français que
l'on
qualifie parfois de ''Ville Blanche'',
notamment au travers des rues Dumas, St Louis, de la Marine...
C'est un quartier tranquille, propret (il y a des vrais trottoirs) qui fait
penser à une petite ville de province du sud-ouest de la France
- visite au tombeau de Sri Aurobindo ("le plus grand penseur
de l'Inde") et au cénotaphe de la Mère
(pas de photos). L'ashram est un lieu de silence en pleine ville (rue de la
Marine) dans un espace ouvert sur une cour intérieure fleurie. Les fidèles
sont recueillis. L'atmosphère du lieu est préservée par
les membres de la communauté.
A noter que la moitié de la "ville blanche" appartient à
l'ashram de Sri Aurobindo...
- l'Eglise N-D des Anges (une messe en français par semaine),
l'ancien cinéma Pathé, le Cercle de Pondichéry (près
du parc de la Place du Gouverneur), le monument aux Morts des Indes françaises,
le consulat français, les anciens
bureaux des Douanes, l'ancien Hôtel de Ville... ou encore le monument
à Gandhi sur la promenade en bord de mer.
Certaines maisons coloniales ont gardé tout leur lustre avec leur parc
aux arbres en fleurs tandis que des demeures plus modestes souffrent d'un manque
d'entretien où ont acquis un caractère plus local (surélévation
de terrasse par une hutte).
D'autres ont une galerie sur rue avec la fameuse varanda (mot tamoul
d'où est issu notre véranda) couverte de petites tuiles rondes.
- le quartier tamoul ou "Ville Noire" et
le marché indien très coloré (pâtes,
guirlandes de fleurs pour les temples)...
Pour terminer la journée, emplettes dans les plus ou
moins grands magasins à la recherche de saris (il y a profusion de modèles
par la matière, les coloris et les motifs) et autres...
Le temps passe vite. La nuit est déjà
tombée et il faut rentrer à l'hôtel en faisant appel aux vélos-rickshaws.
Quelques moments d'émotion dans la nacelle de ces engins brinquebalants
et sans aucun éclairage. Arrivant près de l'hôtel, situé
à droite de la rue, il faut couper la circulation de la voie opposée
(n'oublions pas que l'on circule à gauche dans ce pays), tout cela en étant
parfaitement invisibles aux yeux des automobilistes et motocyclistes. Bref, les
karmas étaient favorables...
La consultation de l'annuaire téléphonique local mis à disposition
dans les chambres révèle quelques surprises avec des noms tels que
Boniface, Charrier, Delapérie, Delavigne, Lafontaine, Leprince, Martin,
Samson ou un Charles TRICOLORE (ça ne s'invente pas!), souvenirs de
la présence française...
Raccourci de France et d'Inde...
rue St Louis et rue de la Marine
INDE du sud