Survol historique...
De l'Antiquité à l'Empire Ottoman
Le territoire de l'actuelle
Turquie fut occupé au IIe millénaire av. JC par des peuples indo-européens, les
Hittites puis par les Phrygiens et les Grecs (Achéens de Troie). Les Kurdes
forment un peuple iranisé d’Asie occidentale, d’origine indo-européenne, habitant,
pour la majorité, les montagnes du Taurus oriental et le mont Zagros. Ils se seraient
installés dans cette région charnière d'Asie Mineure dès le VIIe s. av. JC.
Leur territoire a constamment été conquis ou dépecé par ses voisins ou par de
puissants empires (Perse, Grec, Romain, Mongol, Ottoman). Mais ils ne font parler
d'eux qu'à partir des Xe et XIe s. Convertis à l'islam, ils sont majoritairement
sunnites chafiites cependant que l'on y rencontre aussi des chiites et des membres
de sectes: alevis et yezidis (qui gardent des croyance antéislamistes). On compte
aujourd'hui environ 16 millions de Kurdes dont 7 vivant en Turquie et 6 en Iran.
Après l'invasion des nomades Cimmériens (-700), le territoire de l'actuelle
Turquie fut occupé par les Perses (-546) puis conquis par Alexandre le Grand au
IVe s. av. JC. tandis que le peuple celte des Galates s'installait sur le
plateau central, autour de la région d'Ankara. Le pays finit par passer sous
le contrôle de l'empire romain. L'empereur Constantin le Grand fonda Constantinople
(l’actuelle Istanbul) en 324 et elle devint la capitale de l’Empire romain d’Orient
en 395, puis de l’Empire byzantin en 476. Il fut par la suite assailli par
les Perses et les Arabes (ces dernier étaient partis à la conquête du Proche-Orient,
du Maghreb, de l’Espagne et de l'Asie centrale dès l'avènement de l'Islam au viie s.).
Finalement l'Anatolie fut envahie par les Turcs
Seldjoukides. Ceux-ci descendent d'une tribu turkmène (des Oghuz ou Oghouzs),
un peuple vivant en Mongolie au VIIe s. Ils se convertirent à l'
islam sunnite au Xe s. lorsqu'ils se fixèrent entre l’Aral et
la Caspienne dans leur migration vers l'ouest. De Boukhara (Ouzbékistan), ils
arrivèrent en Iran (alors Transoxiane). Ils soumirent vers 1050 les territoire
de l'Irak et de l'Iran actuels. Puis ce fut au tour de la Syrie, de la Palestine
et de l'Anatolie (Turquie) de passer sous leur contrôle qui devient total sur
l'Asie Mineure à partir de leur victoire sur l'Empire byzantin (bataille de Manzikert
en 1071). Ils se fixent à Konya (nous y passerons). Après l'invasion mongole
de 1303, les Seldjoukides ont été supplantés par une autre branche des oghouzs,
repoussés vers l'ouest par les Mongols. Ils prennent le nom de leur chef Osman
(Othman ou Uthman) et sont freinés dans leur expansion par l'invasion mongole
de 1402. Restait la partie européenne... En 1453, Constantinople tombe aux
mains des Turcs ottomans et ceux-ci en font leur capitale. Les
Ottomans ne procèdent pas à des conversions forcées d'ailleurs les minorités religieuses
sont protégées par le système du millet. Il s'agit d'une organisation des
communautés religieuses (sans base ethnique) dans lesquelles l'autorité ottomane
nomme les dignitaires (ce qui posa longtemps un problème avec les chrétiens
catholiques ne reconnaissant que l'autorité romaine) mais qui leur interdit cependant
tout prosélytisme. Le pouvoir conféré aux millets allait au-delà de la sphère
religieuse puisqu'ils disposaient de leurs lois propres, collectaient des taxes...
Système qui va perdurer et d'appliquer
à d'autres courants religieux non musulmans (tous ces derniers relevant
du sultan) jusqu'en
1856, lorsque la constitution inspirées par l'Esprit des Lumières
met fin au principe des millet et accorde les mêmes droits aux sujets de
l'Empire.
La question des Croisades De la fin du XIe s.
au début du XVIIIe s., l'Empire Ottoman va se confronter violemment aux puissances
chrétiennes d'Europe. Il y eu d'abord les 8 "grandes croisades" afin de délivrer
la Terre Sainte tombées aux mains des "infidèles" (les musulmans) à la suite de
la défaite de Mantzikert, infligée par les Turcs seldjoukides aux Byzantins en
1071. Ces expéditions coûteuses, à l'origine initiées par la papauté, mêlaient
pèlerins et chevaliers en armes, de même que les buts réellement poursuivis étaient
mêlés. D'autres croisades dont l'objectif n'était plus la délivrance de la
Terre Sainte virent le jour à partir de 1241. De nombreuses croisades furent
encore organisées du XIVe au début du XVIIIe s. contre les Turcs et les Barbaresques.
A son apogée, au XVIIe S., l'Empire Ottoman va bien au-delà
de l'Anatolie. - Dans la péninsule arabo-persique il englobe presque tout
le Proche-Orient et les pays du Caucase, : une partie de l'Iran, l'Irak, la Syrie,
le Liban, la Jordanie, la Palestine, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Georgie, le
sud de l'Ukraine. -Dans les Balkans: de la Grèce jusqu'à la Bulgarie, la
Roumanie et la Hongrie (Vienne fut même assiégée en 1683). - Dans le bassin
méditerranéen, outre les pays cités, toute la côte africaine, de l'Egypte à l'Algérie.
Le plus célèbre sultan est Soliman le Magnifique, qui a régné au XVIe siècle
sur un empire où la puissance politique allait de pair avec une certaine tolérance.
Au XIXe s., l'Empire Ottoman que l'on surnomme "l'homme malade de
l'Europe", est menacé de toutes parts, dans les Balkans (Grèce...), en Syrie,
en Egypte... jusqu'à être défait par les Russes en 1878. La mise en place
d'un régime parlementaire échoue et face à un retour d'autoritarisme apparaît,
en 1908, le mouvement des "jeunes Turcs" adeptes d'un empire libéral. Pendant
ce temps, l'empire continue de se déliter sous la pression des Français (Tunisie),
des Italiens (Libye)..
La question de l'émancipation de l'Arménie chrétienne
va être une grosse épine pour la fin de l'empire ottoman et pour la jeune république
turque. Des pogroms dont plus de 1 500 000 Arméniens furent victimes
en 1895 et 1896 se déroulèrent dans des villes de Turquie (y compris 7000 à Istanbul).
En 1909, c'est à Adana (nous y passerons) que 20 000 Arméniens furent massacrés.
Mais les tourments de ce peuple n'allait pas s'arrêter là...
Avec
les guerres balkaniques (1912-1913), la Turquie connaît une grande période de
conflits avec la Grèce qui permettent à la Grèce de doubler son territoire (Macédoine,
Thessalie, Crête et îles Égéennes).
La question
arménienne et la Première Guerre Mondiale Avec la Première Guerre
Mondiale, les Turcs alliés des Allemands doivent faire face aux armées Russes
(jusqu'à la révolution de 1917), aux Français et Anglais qui cependant ne réussissent
pas à franchir les Dardanelles, tandis que les Arabes de Syrie et de Palestine
se révoltent contre la domination ottomane.
Dans ce conflit mondial,
les Arméniens déjà malmenés en Turquie depuis 1895 (cf. ci-avant) se trouvent
tiraillés entre les forces adverses (russes et ottomanes) du fait de l'éclatement
de leur territoire national. 180 000 Arméniens font le choix de s'enrôler
dans l'armée russe tandis que le 7 avril 1915, la ville de Van (dans l'est de
la Turquie actuelle) se révolte et crée un gouvernement provisoire arménien. En
réaction, les dirigeants jeunes-turcs décident de déporter l’ensemble de la population
arménienne dans les déserts de Mésopotamie. Environ un million et demi d'Arméniens
périrent (la moitié des Arméniens de Turquie, laquelle ne reconnaît que 300 000
victimes). Un vrai génocide qui tarde a être reconnu...
En mai 1919, les forces alliées débarquent à Smyrne.
Se situant dans le camp des vaincus, la Turquie perd son empire et risque alors
le démembrement de son territoire anatolien. Face à cela, un officier, Mustafa
Kemal Pacha organise la lutte pour l’intégrité et l’indépendance de la Turquie.
De 1920 à 1922, Mustafa Kemal Pacha appuyé par les Soviétiques (et officieusement
par les Français et les Italiens) mène la guerre d’indépendance contre les Grecs
soutenus par les Anglais.
La
République turque
La chute de l'Empire Ottoman en 1922 conduit
à un nouveau conflit victorieux pour la jeune République turque, la Grèce doit
restituer la Thrace orientale dont Istanbul (qui perdra son rôle de capitale avec
la chute de l'empire). La paix est enfin signée en 1923 avec la jeune république
de Turquie avec à sa tête Mustafa Kemal Pacha désormais plus connu sous le nom
de "Kemal Atatürk". Cela amène des transferts de populations: 400 000 Turcs
de Grèce émigrent vers la Turquie tandis que un million de Grecs de Turquie font
le chemin inverse.
En 1936, la France qui assurait le protectorat sur la "Grande Syrie"
décide d'octroyer à la Turquie le sandjak d'Alexandrette (majoritairement
alaouite) afin de s'assurer qu'elle ne pactiserait pas avec l'Allemagne, comme
l'Empire Ottoman l'avait fait lors de la Première Guerre Mondiale, dans la
perspective du conflit qui était prévisible. La république, et pas seulement dans sa jeunesse,
n'est donc pas exempte de tares s'exprimant par des pratiques intolérantes
et xénophobes à l'égard de ses minorités religieuses
et ethniques qui n'avaient pas cours dans l'ancien Empire Ottoman: expulsion des
Juifs de Thrace en 1934, massacres (10 000) et déportation (13 000)
de kurdes alévis (secte musulmane) en 1937-39 dans la région de
Dersim, impôt discriminatoire (varlik vergisi) sur les non-musulmans
en 1942, pogroms d'Istanbul visant Grecs, Arméniens et Juifs en 1955, spoliations
des biens grecs en 1963....
Si la jeune république n'est donc pas
un parfait exemple de démocratie, d'importantes réformes sont entreprises
par le héros de la guerre d'indépendance maintenant à la tête du pays afin de
le moderniser: Politiques: régime parlementaire
à chambre unique, émanation d'un parti unique, cumulant pouvoirs législatif et
exécutif élue pour quatre ans au suffrage direct mais en réalité, le pouvoir exécutif
est détenu par le président de la République, lui aussi élu tous les quatre ans
par l’Assemblée et par les ministres. Sociales: lois
antireligieuses avec la suppression des établissements d’enseignement religieux,
des tribunaux musulmans, de la reconnaissance du mariage religieux, obligation
pour chacun de porter un nom de famille, interdiction des ordres, des confréries,
de tout costume religieux, adoption de codes juridiques inspirés de codes occidentaux,
du calendrier grégorien, de l’alphabet latin (à la place de l’alphabet arabe),
remplacement de nombreux mots arabes et persans. Les femmes y obtiennent même
le droit de vote en 1934, 10 ans avant la France mais après les Etats-Unis (1920)
et le Royaume-Uni (1928). Economiques:
les entreprises non turques furent peu à peu rachetées, les banques nationales
prirent le contrôle de l’exploitation des ressources minières et des matières
premières, l'Etat pour sa part pris le contrôle l’industrie, les chemins de fer
furent nationalisés, les autres réseaux de communication développés, l’agriculture
encouragée avec même l'amorce d'une réforme agraire. Ces réformes radicales devaient
constituer le socle sur lequel s’appuieraient plus tard une classe d’entrepreneurs
et un secteur privé de plus en plus dynamiques.
Ces réformes radicales,
révolutionnaires, avaient pour but de rompre avec le cadre politique, social et
culturel ottoman qui était considéré comme totalement dépassé au regard de la
puissances des empires que représentaient alors les différents pays d'Europe occidentale.
Ayant su gérer une sorte de neutralité pendant la Seconde Guerre Mondiale,
la Turquie devint membre de l'Organisation des Nations-Unies depuis 1945 et de
l'OTAN depuis 1954 (bases américaines depuis 1947 pour faire obstacle aux visées
de Staline).
Le multipartisme est admis à partir de 1946 ce qui devait
se traduire par l'accès au pouvoir du Parti Démocrate en 1950. Mais la démocratie
restait fragile comme en témoignent les coups d'état militaires de 1960, 1971
et 1980. La démocratie s'est rétablie de manière plus stable depuis 1983 (constitution
de 1982: le président a été élu pour 7 ans par l'Assemblée Nationale à notre retour,
en mai 2001) .
Au cours des années 1970, un terrorisme d'extrême droite
fut mené à l'encontre des forces de gauche (politiques et syndicales) par les
commandos du Front national.
La question chypriote
Un conflit oppose Grèce et Turquie depuis 1963 au sujet de l'île de Chypre.
L’île est divisée en deux, depuis que le Nord a été occupé par la Turquie,
en 1974. La situation a pourri jusqu'à l’été de 1999, dans les semaines qui ont
suivi le tremblement de terre en Turquie s'est amorcé un dégel entre Athènes et
Ankara au sujet de la question chypriote.
Des pourparlers se sont engagés
entre les leaders chypriotes grecs et turcs, en décembre 1999 à New York, sous
l’égide des Nations unies, dans la perspective de faire de l'île un État fédéral,
avec deux zones et deux communautés.
La question
Kurde Depuis l'avènement de la république turque en 1923 se pose la
question de l’autonomie des Kurdes (un peuple partagé principalement entre la
Turquie, l’Iran et l’Irak) mais qui représente 20% de la population turque...
En 1925 et en 1938, l’État turc avait eu à faire face à deux soulèvements
importants dans les provinces orientales de l’Anatolie, et les mouvements nationalistes
kurdes sont redevenus très actifs à partir des années soixante-dix, tout particulièrement
dans l'est du pays. L’extrême droite s’est servie dans cette région des tensions
ethniques et religieuses pour semer la terreur. Par exemple des groupes fascistes
ont massacré à Kahramanmaras (nous y passerons) près de deux cents personnes d'origine
kurde (la plupart de confession shiite). L’État turc n’a jamais voulu reconnaître
ouvertement l’existence de ce problème, ni essayé sérieusement de développer ces
régions, hormis quelques mesures dans le cadre d’une politique régionale visant
à atténuer les déséquilibres entre l’est et l’ouest du pays.
Les Kurdes
s'organisent au cours des années 1990, la guerre du Golfe contre l'Irak ayant
donné un espace de liberté à leurs frères irakiens. A côté d'une mouvance terroriste
avec le PKK (dont le chef Abdullah Öcalan sera arrêté grâce à la CIA en 1999),
un courant politique peine à s'exprimer (des députés kurdes sont élus dans les
partis démocratiques et le municipalités des villes du sud-est du pays sont conquises
par les partis kurdes en 1999.
Une voie étroite vers une vraie démocratisation
se présente au travers de la reconnaissance progressive des droits des Kurdes
et et d'une forme d’autonomie locale.
La Turquie est caractérisée
par une économie ouverte, mais comportant des déséquilibres structurels sources
de grandes inégalités. Le gouvernement turc connaît donc de grandes difficultés
sur fond de crise économique persistante ce qui favorise en 2001 l'émergence d'un
parti à la coloration islamiste, le Parti de la justice et du développement (AKP).
Membre associé de la Communauté Européenne depuis 1964, ce pays
obtient le statut de pays candidat à l’intégration dans l’Union européenne en
1999. (cf . ci-contre l'encadré géographique).
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