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En un tout petit peu plus de trois jours que nous passerons à Istanbul, nous aurons maints occasions de parcourir l'extrémité de la "presqu'île historique" d'Istanbul, de jour et de nuit, sous un ciel gris et pluvieux et trop rarement sous un soleil radieux...
"Stratégiquement
située sur la péninsule du Bosphore entre les Balkans et l'Anatolie,
la Mer noire et la Méditerranée, Istanbul a été successivement
la capitale de l'Empire romain d'Orient et de l'Empire Ottoman et a été
associée aux événements majeurs de l'histoire politique,
de l'histoire religieuse et de l'histoire de l'art pendant plus de 2 000
ans. La ville est située sur une péninsule qui est entourée
par la Corne d'Or (Haliç), un port naturel au nord, le Bosphore à
l'est et la Mer de Marmara au sud. La Péninsule historique sur laquelle
l'ancienne Byzance et Constantinople se sont développées était
entourée de murailles construites à l'origine par Théodose
au début du cinquième siècle.
...la ville d'Istanbul
a été associée à de grands événements
politiques, religieux et artistiques pendant plus de 2000 ans. Ses chefs-d'uvre
comprennent l'ancien hippodrome de Constantin, la basilique Sainte-Sophie.
La valeur universelle exceptionnelle d'Istanbul réside dans son intégration
unique de chefs d'uvres architecturaux qui reflètent la rencontre
de l'Europe et de l'Asie au cours de plusieurs siècles et dans son incomparable
ligne d'horizon composée par le génie créatif des architectes
byzantins et ottomans."
Un tour du Parc Archéologique et de l'Hippodrome
Tout ce quartier exceptionnel, qualifié de "Parc Archéologique", a bénéficié d'un classement au Patrimoine Mondial de l'UNESCO dès 1953 et 1956.
Nous
commençons par l'antique Hippodrome (at Meydani).
Point
de vestiges spectaculaires d'un site qui pouvait recevoir 100 000 spectateurs
dans les 40 rangées de gradins disposés autour d'une piste de 400mx150m
(ou 117 ou 120m ?). Il fut l'oeuvre des empereurs romains Septime Sévère
au début du IIIe s. puis, un peu plus d'un siècle plus tard,
de Constantin. Aujourd'hui, son extrémité sud est seulement marquée
pour trois monuments proches les uns des autres, entre la Mosquée Bleue
(à l'est) et l'hôtel Alzer, le Musée des Arts Turcs et les
bureaux de la Direction du Cadastre.
L'esplanade qui occupe désormais l'emplacement
de l'ancien hippodrome est un espace très minéral, avec notamment
un remarquable pavage en granit gris dont les pavés sont taillés
avec un soin tout particulier que l'on ne trouve pas dans nos villes: ici les
arrêtes des pavés sont arrondies comme si elles avaient subi l'épreuve
du temps. Très agréable pour le marcheur.
L'avantage de cette
esplanade, c'est qu'elle dégage parfaitement la vue à la fois vers
Sainte Sophie et vers la Mosquée Bleue.
Tout d'abord, le plus méridional, une sorte d'obélisque faite d'une maçonnerie de blocs de pierre qui daterait du IVe s. et que l'on nomme Colonne de Constantin VII Porphyrogénète, du nom de l'empereur byzantin qui la fit restaurer et recouvrir de plaques de bronze au Xe s. d'où son autre nom d'Obélisque Muré. Ces plaques furent emportées par les Croisés au profit des Vénitiens lors de la Quatrième Croisade (1203-4), tout comme le Quadrige de la Loge Impériale (Kathisma), dont les quatre chevaux de bronze ont orné par la suite la Basilique St Marc à Venise. Dépouillée de son armure de bronze par les Vénitiens qui en firent des pièces de monnaie, la dégradation de la colonne est aussi due aux troupes des janissaires qui s'en servaient de mur d'escalade pendant l'Empire Ottoman.
Plus discret est le
monument suivant. La Colonne Serpentine représente trois serpents
enroulés et dressés. Elle provient du temple dApollon de Delphes
(en Grèce) et c'est l'Empereur Constantin qui la fit ériger ici
en 324. En bronze, elle aurait été fondue à partir des boucliers
des soldats perses morts lors de la Bataille de Platées (479 av. J-C).
Mais la colonne est désormais amputée de sa partie supérieure
depuis qu'un ivrogne l'eut brisée au XVIIIe s. De ses 8m d'origine,
ne subsistent donc que 5,50m.
Enfin, se dresse l'Obélisque
de Théodose
(un peu plus de 25m de hauteur, socle compris),
du nom de l'Empereur romain Théodose qui la fit rapporter du Temple de
Karnak en Egypte en 390. En porphyre de Syène, il aurait été
taillé vers l'an 1490 av. J-C sous le règne du Pharaon Touthmôsis III
et les hiéroglyphes évoquent ses victoires en Mésopotamie
vers 1450.
En fait, il s'agit d'un obélisque brisé dont il
manque le tiers inférieur. Il repose sur quatre cubes de bronze, eux-mêmes
posés sur un socle de marbre sculpté en l'honneur de Théodose.
A l'autre extrémité de l'hippodrome, se dresse un tout autre monument, d'une tout autre époque. Il s'agit de la Fontaine de Guillaume II (Kaiser Wilhelm II), offerte lors de sa visite en 1895 (achevée en 1895) par le roi de Prusse et empereur d'Allemagne. A gauche de l'esplanade se dresse la petite mosquée Firuz Aga Camii.
L'Hippodrome ne fut pas qu'un lieu de réjouissance puisqu'à l'époque de l'empereur Justinien (VIe s.), 30 000 rebelles y furent massacrés. Bien plus tard, en 1826, c'est le sultan Mahmut II qui y fit exécuter 30 000 janissaires révoltés...
Esplanade de l'ancien Hippodrome
Quittons
l'hippodrome et passons de l'autre
côté de la Mosquée Bleue.
Par la rue Torun et
ses jolies maisons de bois aux couleurs pastel, nous longeons le Musée
des Mosaïques avant de traverser le Bazar d'Astara (artisanat). Poursuivant
notre chemin vers le nord (vers Topkapi), nous passons près des hôtels
Blue House et du Four Seasons avant de nous rabattre vers la rue
Kabaskal qui longe le Hammam de Roxelane (Haseki Hürrem Hammam)
édifié par le sultan Soliman et portant le nom de la concubine qui
supplanta la première épouse.
Le véritable nom de ROXELANE, d'origine ukhrainienne, serait née Anastasia Lisovska. Roxelane est le nom sous lequel elle est connue en Occident.
Avide de pouvoir, cette esclave réussit à séduire le sultan Soliman le Magnifique par son charme et sa vive intelligence. Devenue sa favorite, elle lui donna cinq enfants. Désirant se convertir à l'islam, elle fut affranchie et prit le nom de Hürrem. Devenue musulmane, elle fit valoir qu'elle ne pouvait plus avoir de relations qu'en étant épouse légitime. Une nouvelle fois Soliman dut céder...
Mais Roxelane, c'est aussi beaucoup de cruauté. Elle serait l'initiatrice de l'assassinat du Grand Vizir Ibrahim Pasha, grand ami de Soliman. Non contente d'avoir fait exiler en province l'ancienne première épouse et son fils, Mustafa, elle fit en sorte de faire croire à Soliman qu'il préparait un coup d'état contre lui, ce qui poussa Soliman à le faire tuer. Ainsi, la place devenait libre pour l'un des deux fils de Roxelane encore vivants, Baeyzid et Selim...
Mais la cruauté n'est pas l'apanage de la seule Roxelane. Depuis le siècle précédent, sous le régne de Mehmed II, le conquérant ("fathi") de Constantinople, la succession entre les fils du sultan est réglée (institutionnalisée par décret!) de manière sanglante par le fratricide et non par le droit d'aînesse. A son avènement le sultan doit massacrer tous ses frères ou demi-frères et devient "monarque universel élu de Dieu". C'est ainsi que Selim, avec l'appui de Soliman, parvint à éliminer son frère cadet...
Construit
par le célèbre architecte Koca Mimar Sinan dont nous aurons
plusieurs fois l'occasion d'évoquer le nom, il se distingue par sa symétrie,
un côté pour les hommes et l'autre pour les femmes.
Destiné
à l'origine aux ablutions des fidèles se rendant à la prière
à Sainte Sophie transformée en mosquée, c'est désormais
un centre culturel du tapis (et magasin!).
Nous longeons alors la basilique Sainte Sophie (devenue mosquée Ayasofya Camii avant d'être musée) jusqu'à l'angle avec la fameuse rue Sogukcesme (littéralement "rue de la fontaine d'eau froide"). Coup d'oeil à la Fontaine d'Ahmet III. Datant de 1728, c'est la plus belle fontaine d'Istanbul avec ses cinq coupoles et ses quatre niches et ses décors floraux.
Revenons à la
rue Sogukçesme et à ses anciennes maisons de bois du XVIIIe s.,
tellement bien restaurées depuis les années 1980, avec leurs couleurs
pastel, qu'on les penserait neuves. Beaucoup sont devenues de petits hôtels
(pansiyon) et chambres d'hôtes.
Au bas de la rue Sogukçesme,
nous rejoignons la rue Caferiye d'où nous apercevons sur la gauche la mosquée
Zeynep érigée en 1769 par la Sultane Zeynep, fille de Amhet III,
dans le style d'une église byzantine.
Dans un virage, sur la droite se dresse le Pavillon ou kiosque Alay (de "l'extase") et sur l'autre côté le Tribunal des Mineurs (Çocuk Mahkemesi), un vieux bâtiment avec une galerie sur rue au rez-de-chaussée, et surtout la Sublime Porte (Bab-ü Ali). Cette dernière, de style rococo date de 1840. Symbole du pouvoir ottoman et siège du gouvernement depuis le XVIIIe s., c'est là qu'étaient reçus les ambassadeurs étrangers avant d'être introduits au palais.
Le style ROCOCO... Dans
les pages suivantes nous évoquerons souvent ce style dans le nom à
une sonorité si amusante...
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De
là, sur la droite, un long chemin pentu tracé entre l'ancien Hôtel
des Monnaie et le Parc de Gülhane et le Musée Archéologique,
conduit à la première cour du Palais de Topkapi avec dans ce parc
l'église byzantine Ste Irène (Agya Irini du VIe s.,
devenue arsenal et non mosquée! puis salle de concert) faisant face à
la Porte du Salut (Bab-üs Selam) ou
Porte du Milieu (Orta-kapi) flanquée de deux tours et donnant
accès à la seconde cour et au palais proprement dit.
TOPKAPI, le harem et autres parties du palais (9h-17h)
Après
le parcours décrit ci-dessus
et afin de ne pas devoir affronter ensuite une queue sans fin pour accéder
à la billetterie du palais, il faut s'être mis en chemin pratiquement
dès 8 heures, sachant que le palais ouvre à 9 heures.
Tarifs:
25YTL pour les palais + 15YTL pour le harem + 2x15YTL pour l'audio-guide que l'on
loue après avoir accédé dans la deuxième cour (avec
système d'autoplay plus ou moins efficace en fonction de bornes émettrices)
soit un total correspondant à environ 30€, ce qui se justifie et justifie
également de passer là sa matinée...
Quelques informations générales sur le Palais de Topkapi
("la porte du canon").
Cet ensemble palatal
du
sultan Mehmet II édifié
aux alentour de années 1460 fut le second après le premier palais
qui avait été construit une vingtaine d'année plus tôt
sur une colline plus à l'ouest, là où aujourd'hui se situe
l'Université d'Istanbul.
L'ensemble du Palais
ou Sérail (serayi en turc et en persan), nom qui est parfois
donné à cette partie du quartier, couvre
70ha (700 000m² !) et est clos par 5km de remparts. Il fut construit
à l'emplacement d'églises et de monastères byzantins sur
le sommet de la pointe délimitée par la Corne d'Or et la Mer de
Marmara.
Il compte environ 300 pièces, neuf hammams, deux mosquées
et un hôpital.. Le palais fut gravement endommagé par un incendie
en 1665. Il servit
de résidence à 30 sultans
avant d'être abandonné en 1853 (ou 1839?) au profit du Palais de
Dolmabahçe, sur les rives du Bosphore (nous en reparlerons) par les six
derniers sultans.
A l'avènement de la République laïque,
Mustapha Kémal abolissant le califat, décida en octobre 1924 de
faire un musée de cet ancien palais.
LE HAREM
Après
un contrôle de billets et contrôle de sécurité, arrivés
dans la deuxième cour, nous
commençons la visite par le Harem (Dar-üs Saadet, le
"lieu sacré, interdit"), une partie assez peu muséographique
néanmoins très intéressante qui date du XVIe s. et est
due au fameux architecte Mimar Sinan dont nous reparlerons souvent. Cet ensemble
compte une centaine de pièces mais la visite n'est ouverte que dans une
partie d'entre elles. En revanche, on peut y faire des photographies.
Le harem est le quartier réservé aux femmes et où
un seul homme peut pénétrer, le sultan. Dans un palais, le quartier
des hommes est le selamlik.
Le harem de Topkapi date seulement du XVIe s., lors du règne de Murad III, car auparavant il était resté dans l'ancien palais de Beyazit.
L'accès
se fait par la Porte des Carrosses (Arabalar Kapisi), tout près
de la Tour de la Justice qui abritait le Diwan (ou Divan ou Kubbealti
(non visité) où le sultan réunissait ses conseillers (les
vizirs) et où il rendait justice. De ce point haut du palais, le sultan
avait une vue sur l'ensemble de la ville.
Le DIWAN est un mot persan passé par l'arabe et le turc qui désigne tout à la fois le conseil du sultan, la réunion de ce conseil, la salle où il se réunit (pourvues de banquettes et coussins où s'asseyaient les vizirs) et par extension le gouvernement.
A noter que chez les Moghols (nord de l'Inde), le terme diwan est repris dans les expressions Dîvân-i Âm et Dîvân-i Khâs pour désigner les salles d'audiences publiques et privées.
Par extension il désigne dans les maisons orientales une salle garnie de coussins servant à la réception des hôtes.
L'usage du mot DIVANest apparu en France à la fin du XVIIIe siècle avec l'arrivée du courant orientaliste. Il sert à désigner un canapé sans dossier ni bras.
Notre parcours passe successivement par un vestibule, le Dôme des Placards (Dolapli Kubbe) où était gardé le trésor du harem (titres notariés, argents, comptabilité impériale), puis c'est la Salle de la Fontaine aux Ablutions (Sadirvanli Sofa) aux murs couverts de céramiques. Vient ensuite le quartier des eunuques (agalari) noirs (il y en eut de 100 à 600, fournis par le Pacha d'Egypte), leur cour et leurs dortoirs, la Kadin Efendiler Tasligi.
Puis c'est la cour des épouses légitimes et Cariye Tasligi des concubines, selon les sultans, de 8 à 400 cariye ou hassodalik (d'où vient notre mot odalisques), la cour de la la reine-mère, mère du sultan (Valide Tasligi) , la Valide Sultane et ses appartements. Viennent plus loin les chambres privées de Murad III et d'Ahmet Ier, les pavillons jumeaux (Çifte Kasirlar) sorte de "cage dorée" pour le prince héritier (qui y était maintenu tel un prisonnier par crainte de Coup d'Etat !), la cour et les appartements des favorites (Mabeyn Tasligi ve Dairesi).
Après trois quarts d'heure de visite, on ressort en empruntant le Couloir
d'Or (Altinyol) et la Porte de la Volière ou Porte Kushane
qui débouche près de la Mosquée des Agalar.
Les autres parties du palais
Revenus
dans la deuxième cour, nous poursuivons
par la visite des autres parties du palais, hors du harem.
Les cuisines
qui ferment le côté sud-est ne sont pas visitables actuellement.
Dommage car elles renferment une collection de porcelaines (notamment chinoises),
céramiques, verreries...
Nous passons la Porte de la Félicité
(Bab-u Saadet) qui conduit à la Salle du Trône ou Salle des
Audiences (Arz Odasi) actuellement en travaux.
Attention, les photos
sont interdites dans les salles présentant des collections et ce, même
sans flash!
Nous allons d'abord nous intéresser
aux musées situés sur le côté droit de la troisième
cour: la salle des vêtements impériaux puis les quatre salles
du trésor (butins de guerre et cadeaux d'ambassadeurs ou de souverains
étrangers), trésor pour lequel une queue considérable
s'allonge dans la cour. On peut y admirer différents trônes recouverts
d'or et incrustés de pierres précieuses, des poignards et théières
tout aussi incrustés ou le diamant de Kasikçi de 86 carats entouré
de 49 brillants...
Sur le fond de la cour, opposé à la Porte
de la Félicité, une salle est consacrée aux miniatures
et portraits (tient donc, ainsi le sultan passait outre à l'interdit
islamique de la représentation humaine!).
Dans cette troisième
cour, nous passons dans le Pavillon du Saint Manteau ou Pavillon des Reliques
(Hirka-i-Saadet). L'une des quatre salles renferme le manteau de Mahomet
mais on reste dans une antichambre. Dans ce pavillon, on présente d'autres
reliques du prophète (poils de barbe, empreinte de pied, lettre manuscrite).
Cet endroit est donc un vrai lieu de pèlerinage pour les Musulmans
car ces reliques ont été ramenées ici à la suite de
la conquête de l'Egypte et de l'Arabie par le sultan Sélim Ier
au XVIe s., lorsque le sultan ottoman Selim Ier se fit céder le califat
par le dernier abbasside, Al-Mutawakkil III en 1516. Selim Ier fit transporter
les reliques de Mahomet et des quatre premiers califes à Constantinople
comme symboles de sa position califale.A partir de ce moment, leur détention
permit au sultan de s'attribuer le titre de calife, c'est-à-dire "chef
de l'islam".
Enfin, voici la quatrième cour appelée
"Jardins des Tulipes". La tulipe nest pas originaire de la Hollande
comme on le pense généralement, mais elle vient dAnatolie!
C'était la fleur préférée des sultans dans lEmpire
Ottoman dont elle est devenue un véritable symbole, en particulier sous
le règne du sultan Amhet III.
Sur la gauche, au nord-ouest, se
dressent le Pavillon des Circoncisions (Sünnet Odasi), le
Kiosque de Revan et le Pavillon de Bagdad (Bagdat Köskü),
entre lesquels s'étend une terrasse avec le balcon couvert d'Iftariye
(ou d'Ibrahim), une sorte de baldaquin doré donnant une large vue sur la
Corne d'Or et le Bosphore où le sultan venait rompre le jeûne du
Ramadan. Le Pavillon de Bagdad, de plan octogonal, fut construit au milieu du
XVIIe s. pour commémorer la prise de Bagdad par Murat IV. Il
est orné des célèbres faïences bleues d'Iznik, de boiseries
incrustées de nacre et d'une superbe coupole soutenue par 22 piliers.
Le centre du jardin accueille le Kiosque de Mustafa Pasa ainsi que le petit
kiosque du chef des Physiciens et la partie sud, près d'une petite mosquée
très sobre, le Kiosque d'Abdülmeçit, utilisé
comme restaurant.
Il faut faire le chemin inverse en repassant de la troisième à la deuxième cour par la Porte de la Félicité puis revenir dans la première cour par la Porte du Salut et enfin, après être passés près de l'église Sainte Irène, nous sortons par la Porte Impériale (Bab-i Humayun ou Sultanat Kapisi), au sud-est, près de la Fontaine d'Ahmet III.
Dans la foulée,
nous décidons d'entreprendre la visite de Sainte Sophie (Aya Sofya Camii).
Tarif: 25YTL + 15YTL de location d'audio-guide.
C'est une ancienne basilique consacrée à la Sagesse Divine, devenue mosquée en 1354, un an après la prise de Constantinople par les Ottomans de Mehmet II, puis désaffectée par Mustapha Kemal Atatürk en 1934 (ou 1935?) pour en faire un musée.
Sa
construction remonte aux années 532 à 537, sous le règne
de l'empereur Justinien, en reprenant l'emplacement d'églises antérieures
(sous Constantin au IV s. ou au Ve s.)... Ambitieux projet de Justinien
qui voulut que cette église soit "telle que depuis Adam, il n'y en
eut jamais et qu'il n'y en aura jamais plus".
Ce labeur mobilisa
10 000 ouvriers sur un chantier qui fut mené à bien en seulement 5 années ! Les bâtisseurs utilisèrent des matériaux
et ornements provenant des anciens monuments de l'Empire. Plus de 107 colonnes,
y compris celles des galeries des tribunes, proviennent de l'Artémision
à Ephèse (la quatrième des Sept Merveilles du Monde antique)
ainsi que des temples d'Héliopolis (Baalbek), en Phénicie, d'Athènes,
de Délos et du sanctuaire d'Osiris en Égypte. Certaines mesurent
20m de hauteur pour 1,50m de diamètre et pèsent jusqu'à 70
tonnes! Les murs seront recouverts de marbres polychromes provenant des provinces
de l'Empire: marbre blanc de Marmara, marbre vert de l'île d'Eubée,
marbre rose des carrières de Synada, marbre jaune d'Afrique, porphyre d'Egypte...
ainsi que 16 000m² de mosaïques d'or recouvrant la structure
de mortier et de brique
Malgré son plan basilical (rectangulaire) se
prêtant mal à supporter un lourd dôme, la construction fut
dotée d'un dôme de 38m de diamètre qui s'effondra en 558,
une vingtaine d'années seulement après l'inauguration. Le dôme
plus haut mais moins vaste (31m) qui le remplaça s'effondra au Xe s.
La coupole actuelle renforcée par 40 fuseaux (tels des baleines de
parapluie) est faite de briques fabriquées à partir d'une argile
particulièrement légère provenant de l'île de Rhodes.
L'édifice frappe donc par l'audace de cette coupole qui s'élève
à 55 ou 56m du sol pour un diamètre de 31m tout en ne reposant
que sur 4 piliers principaux par l'intermédiaire de pendentifs triangulaires
concaves mais, dans un contexte de forte sismicité, la stabilité
de l'ensemble a été renforcée par de lourds et peu esthétiques
contreforts extérieurs (on ne connaissait pas encore la techniques
des élégants arcs-boutants gothiques). Cela reste quand même
une prouesse architecturale quand on songe que le dôme de la basilique Saint
Marc à Venise qui date de la même époque (Xe s.) ne culmine
qu'à 45m du sol. Quant à Saint Pierre de Rome, si sa coupole la
surpasse en dimension, il faut préciser que sa construction ne remonte
qu'au XVe s. L'espace central est vaste avec 74,50mx70m (ou 77x72m ?)
alors que le plan en croix grecque de Saint Marc se limite à 76,50mx62,50m...
Ce fut ainsi la plus grande église du monde jusqu'à l'achèvement
de la cathédrale de Séville (des XVe-XVIe s.).
Aux
VIIIe et IXe s. (de 726 à 843) une partie des mosaïques d'origine
disparurent lors de la période des empereurs iconoclastes. De ce fait les
mosaïques qui subsistent datent de périodes allant du IXe au XIIIe s.,
donc de par et d'autre du schisme de 1054 qui donna naissance à l'église
orthodoxe dont le patriarcat s'établit ici.
Lors de la prise
de Constantinople par les Croisés en 1203, le trésor la basilique
fut pillé (croix incrustées, candélabres, icônes,
reliquaires...) et une partie de la mosaïque d'or furent emportées
au profit de Venise.
Après la reconversion du bâtiment en
mosquée à la suite de la conquête ottomane, en différentes
phases les mosaïques furent progressivement recouvertes de plâtre,
en raison de l'interdiction dans l'islam de représenter des scènes
figuratives. Ce fut d'abord le cas du Christ Pantocrator qui ornait la coupole,
remplacé par des calligraphies et détruit plus tard lors d'un tremblement
de terre en 1894. L'édifice reconvertit fut doté d'un minaret à
l'angle sud-est, le minarets de brique de Mehmet II. Son fils Beyazit II
en ajouta un autre à l'angle nord-est. De nouveaux contreforts furent ajoutés
au milieu du XVIe s. par l'architecte Sinan qui réussit à
atténuer la lourdeur extérieur (une vingtaine de contreforts en
tout) par l'élancement vertical apporté par deux minarets supplémentaires
plus massifs ajoutés du côté ouest.
Commençons
la visite.
On pénètre par la façade orientée au nord-ouest, ce
qui est logique puisque l'abside indiquant la direction de Jérusalem se
trouve à l'opposé, donc au sud-est. La lourdeur extérieure
s'efface immédiatement au profit de la splendeur intérieure.
Dans l'exonarthex, premier vestibule longeant la façade, on peut voir un
ancien bénitier ainsi que le sarcophage de l'impératrice
Irène (qui régna au tournant des VIIIe-IXe s., après
la mort de son mari Léon et après avoir écarté du
trône son propre fils).
Le vestibule suivant, le narthex, commence
a révélé des merveilles. La mosaïque de la Porte
impériale ornant le tympan qui surmonte la porte réservée
à l'empereur date de la fin du IXe s. Elle représente l'empereur
(Léon VI ?) prosterné aux pieds du Christ qu'encadrent
deux médaillons représentant l'Archange Gabriel et la Vierge Marie.
La mosaïque du tympan de l'entrée sud-ouest par laquelle nous
allons entrer dans une nef latérale date de 944 et représente la
Vierge assise avec l'Enfant Jésus sur ses genoux tandis que de part et
d'autre, se tiennent debout les empereurs Constantin (sur notre droite) et Justinien.
Passant la porte de bronze attribuée à lempereur Théophile
(IXe s.) et arrivés dans le latéral, nous pouvons admirer une
colonne de porphyre et tout près l'une des deux grandes jarres
monolithiques de marbre (ou d'onyx ou d'albâtre ?) d'une capacité
de 1250 litres qui datent de la période hellénistique et qui furent
rapportés de Pergame durant le règne du sultan Murad III. Cette
première nefs est surmonté d'arcs croisés (sans ogives) décorés
de croix en mosaïque.
Des chérubins, sortes d'anges à
six ailes entourant une tête ornent les pendentifs du dôme central
tandis que la base du tympan du mur nord, au-dessus des tribunes du gynécée
(réservé à l'Impératrice et aux femmes byzantines),
garde la trace du portrait des patriarches. Compte tenu de l'éloignement
et de l'éclairement, il est malaisé de percevoir les détails
de ces figures. A l'angle sud-est, le metatorion, un espace circulaire
délimité au sol fait de dalles de marbre polychrome, également
circulaires, marque "le centre du monde" où le empereurs étaient
couronnés.
Les
vestiges suivants témoignent des pratiques de l'Islam en ce lieu. Tout
près se trouve la tribune du muezzin (müezzin mahfilli)
pour la lecture du Coran due au sultan Murad III. Nous arrivons dans l'abside
avec à gauche, la chaire de prédication de l'imam (ou du
mollah) datant de la même époque. Au centre se trouve la
niche vide du mihrab qui indique la qibla, c'est-à-dire
la direction de la ka'ba à La Mecque. Cette niche est entourée
par un somptueux cadre doré orné d'une frise de feuillages.
Levons les yeux pour découvrir la mosaïque ornant la demi coupole
surmontant l'abside. Cette Vierge à l'Enfant de 897 est la première
mosaïque de la période post-iconoclaste et serait la reconstitution
d'une précédente mosaïque du VIe s.
Revenons sur
terre, sur le côté gauche, faisant pendant au minbar, se dresse la
loge du sultan, une dentelle de marbre due aux architectes italo-suisses qui
effectuèrent des travaux de restauration au XIXe s.
En revenant par le latéral gauche, près de la seconde jarre, on peut voir une queue de visiteurs attendant leur tour pour introduire leur pouce dans un trou de la colonne suante de St Grégoire à laquelle on prête des pouvoirs thérapeutiques (maux de tête, grossesse...) sinon de smiracles. Pour cela, tout en prononçant un voeu, il faut y introduire le pouce, paume à plat sur la colonne, et effectuer une rotation complète dans le sens des aiguilles d'une montre!
Près de là, du narthex part une étonnante rampe conduisant
aux tribunes du côté nord. Maintenant dépouillée
de tout décor, cette rampe sinistre semble mener à quelque sombre
cachot mais il n'en est rien.
Les
tribunes ou gynécée, réservées à l'impératrice
et aux femmes, courent sur trois côtés de l'édifice et sont
soutenues par une soixantaine de colonnes plus resserrées, plus fines et
plus courtes que celles de la nef, étaient . On peut donc plus facilement
en observer les élégants chapiteaux ornées de feuilles d'acanthe
enserrant les monogrammes de Justinien et de son épouse Théodora.
A l'ouest, la tribune impériale
avec la loge de l'impératrice qui fait face à l'abside. Sur
le coté droit (sud-ouest), on passe la Porte de Marbre ou Porte
du Ciel et de l'Enfer et une fois franchie, on trouve à droite la mosaïque
de la Déisis représentant le Christ Pantocrator (Christ en gloire
revenant pour le Jugement Dernier) entouré par la Vierge et par Jean-Baptiste.
Cette mosaïque tardive (milieu du XIIIe s.), bien qu'endommagée
est considérée comme un chef-d'oeuvre. Le rendu des cheveux ou de
la barbe donnerait presque l'illusion d'une oeuvre peinte alors que l'on a eu
recours à de minuscules tesselles pour réaliser ces détails.
Moins artistique, les graffitis en écriture runique laissés
par les Vikings sur la balustrade de marbre. Dans un autre angle se trouve la
dalle marquant le tombeau de Enrico Dandolo, 41e doge de Venise, instigateur
du pillage de Constantinople lors de la Quatrième Croisade. Cela ne lui
aurait-il pas porté chance puisqu'il mourut ici en 1305 mais il est vrai
qu'il avait 82 ans! Quant à ses ossements, il se dit que les Ottomans les
donnèrent aux chiens...
Arrivés près de l'abside, l'angle
sud-est recèle deux mosaïques. La mosaïque de l'Impératrice
Zoé du XIe s. avec un Christ Pantocrator entouré de Constantin IX
et de son épouse Zoé. L'autre mosaïque dite des Commène,
plus récente d'un siècle et plus réaliste, représente
la Vierge debout tenant dans ses bras l'Enfant Jésus, entourée par
l'empereur Jean II Commène et son épouse Irène.
Après
une bonne heure d'une superbe visite culturelle et spirituelle, il est temps de
songer aux nourritures terrestres car il est près de 13h30 !
Rue
Divanyolu, nous jetons notre dévolu sur le restaurant "Maison de la
Méduse" (vous comprendrez immédiatement l'origine de ce nom)...
La Citerne-basilique (Yerebatan) (9h-17h)
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Une petite
visite s'impose à la Citerne-Basilique (Yerebatan Sarayi Sarnici)
surnommée "le Palais Englouti", située à l'angle
des rues Divanyolu et Alemdar, à hauteur de Sainte Sophie.
Tarif:
10YTL.
C'est l'une des centaines de citernes byzantines dont disposait autrefois Constantinople mais celle-ci est la plus grande de toutes. On y accède par un escalier de pierre de 52 marches.
Médusa et les Trois Gorgones... Dans
la mythologie grecque antique, les Gorgones étaient des monstres féminins
du monde souterrain. L'une d'elles, Médusa à tête de serpent
avait le pouvoir de transformer en pierre ceux qui la regardaient. On retrouve la
Méduse un peu partout dans le monde méditerranéen, notamment
en Sicile dont le drapeau emprunte la figure. |
Cette
étrange construction souterraine remonte à la fin de l'empire
romain, sous Constantin (IVe s.). Elle fut agrandie par l'empereur byzantin
Justinien (toujours lui!) deux siècles plus tard et restaurée aux
XVIIIe et XIXe s. Alimenté par un aqueduc dont on reparlera, ce
réservoir de 140mx70m (ou 138x64,5 ?) pour 8m (ou 9 ?) de
haut permettait de stocker 80 000m3 (ou 90 000 voire 100 000m3 ?)
qu'utilisait le palais situé de l'autre côté de l'hippodrome,
près de la Sainte Sophie. Après la conquête ottomane, l'eau
du réservoir fut utilisée pour l'arrosage des jardins du Palais
de Topkapi (pour leur usage personnel, les Ottomans préféraient
l'eau venant directement d'une source).
Elle a été oubliée
jusqu'à ce qu'un voyageur hollandais, Petrus Gyllius, la redécouvre
au milieu du XVIe s. qui observa que les habitants y puisaient de l'eau avec
des seaux par des trous percés dans le sol.
C'est ici que l'une des
scènes aquatiques du James Bond "Bons baisers de Russie" a été
tournée (film de Terence Young, sorti en 1963, avec Sean Connery dans le
rôle de 007).
La mise en valeur de ce curieux monument a commencé en 1940 lorsque la
municipalité a exproprié les propriétaires de constructions
bâties au-dessus de la citerne. Des travaux en surface dans les années
1955-60 ont sérieusement endommagé 8 colonnes du côté
nord (sur la partie droite) et des travaux de réparation de colonnes fissurées
furent effectués en 1968. Du coup celles-ci sont enrobées d'une
épaisse gangue de béton qui n'est pas du meilleur effet (cela fait
penser aux piliers de l'ancienne basilique de N-D de la Guadalupe à Mexico).
La mise en valeur s'est poursuivie par le curage (50 000m3 de boue évacués)
réalisé dans les années 1985-87 ainsi que l'édification
de plateformes de visite installées au-dessus d'un petit miroir d'eau (où
vivent même des poissons) qui a été conservé pour la
mise en valeur du monument à laquelle contribue également l'éclairage
et la musique d'ambiance...
La citerne est entourée d'un mur épais de 3,50 ou 4,80 mètres en briques maçonnées et enduites avec un mortier spécial pour assurer son étanchéité. Les arcs et voûtes de brique de l'édifice sont supportés par 336 colonnes (12 rangées de 28) de réemploi, donc de styles les plus divers (y compris une étrange colonne verte imitant les noeuds d'un tronc d'arbre) mais principalement d'ordre corinthien (chapiteaux à feuilles d'acanthe). Ces colonnes de marbre sont parfois formées par superposition de deux tronçons assemblés. Elles sont espacées de 4m et hautes de 8m.
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Tout au fond
à gauche, deux colonnes reposent même sur des têtes de la
Méduse. Anciens chapiteaux de colonnes (?), ces têtes ont été
curieusement réemployées ici comme socles de colonnes, l'une est
retournée, crâne contre le sol tandis que l'autre repose sur la tempe
droite! Les poser ainsi à l'envers signifiait-il nier les dieux grecs qu'elles
représentaient ou au contraire rechercher quelque protection dans les anciennes
pratiques païennes ?
La Mosquée Bleue (Sultan Ahmet Camii) (8h-18h)
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Revenus à la surface, nous poursuivons notre chemin en direction du sud, vers la Mosquée Bleue (Sultan Amhet Camii) située de l'autre côté de l'Hippodrome, côté est. A l'époque byzantine, tout ce quartier était occupé par de nombreux palais.
C'est la mosquée la plus célèbre et toujours vue, même lors de visites express d'Istanbul, mais ce n'est que la seconde en surface après celle de Soliman dont nous reparlerons dans la page suivante.
La visite sera calme car nous sommes en dehors des heures de prières.
Sous le règne
d'Ahmet Ier, elle fut construite en 1616 par l'architecte Mehmet Aga,
disciple de Sinan, comme pour défier sa rivale et voisine Sainte Sophie
du haut de ses six minarets dont quatre principaux dotés de trois balcons
contre deux balcons pour les deux autres minarets. Donc également par rivalité
avec la mosquée de La Mecque également pourvue de six minarets à
cette époque. Pour faire cesser le sacrilège, le sultan en sa qualité
de calife, c'est-à-dire dirigeant de loumma (la communauté
des musulmans) et commandeur des croyants, offrit un septième minaret à
cette dernière! Rappelons que si aujourd'hui l'appel à la prière
est lancé à l'aide de haut-parleurs, il y a quelques décennie
il
était lancé directement
par la voix des muezzins qui montaient à ces balcons.
C'est lun
des derniers édifices de la plus prestigieuse période de lempire
ottoman, avant le déclin qui va samorcer au XVIIe s. mais
cela n'en reste pas moins qu'une pâle copie, voire une imitation, de
la mosquée de Soliman-le-Magnifique.
D'ici partait la caravane
sacrée se rendant à La Mecque et c'est ici que le sultan venait
célébrer les fêtes religieuses du calendrier musulman.
Sinan et ses successeurs montrent qu'en faisant appel soit à des contreforts suffisamment robustes et écartés (mosquée Süleymaniye dont nous parlerons dans la page suivante), soit à un plan octogonal répartissant mieux les forces verticales (mosquée Selimiye d'Erdine), soit encore par des demi-coupoles sur les quatre côtés (ici avec la Mosquée bleue), on apporte une solution au problème de solidité des édifices.
La
teinte bleutée qui règne à l'intérieur (tout particulièrement
par temps couvert!) est due à la bonne vingtaine de milliers de carreaux
de faïence d'Iznik, bleus et bleu-vert dont certains sont ornés
de motifs floraux (tulipes, cyprès, roses, oeillets) réalisée
à partir de poudre de cobalt sur fond blanc. Cette bichromie qui avait
la faveur des sultans, grands collectionneurs de porcelaines chinoises de la dynastie
des Ming (1368-1644) influença la production de ces ateliers. Cette tonalité
est encore renforcée par les décors peints de la coupole centrale
et des demi-coupoles qui l'encadrent ainsi que par les vitraux de ses 250 (ou
260?) fenêtres. Des thèmes animaliers sont également présents
mais de manière discrète (rappelons que l'Islam reprend la tradition
judaïque de l'aniconisme, c'est-à-dire l'interdiction de la représentation
divine, humaine et de tout être vivant animé).
Les tribunes sont
réservées à l'usage des femmes, étrange (!) similitude
avec ce qui se pratiquait à l'époque byzantine dans la toute proche
basilique Sainte Sophie...
Le
dôme central de 23,5m (ou 27?) de diamètre et de 43m de hauteur est
soutenu par 4 énormes piliers cannelés de 5m de diamètre,
ce qui permet de juger de l'ambition qui s'était manifestée dans
la Sainte Sophie, pourtant plus ancienne d'un millénaire ! (cf. plus
haut).
Classiquement, le minbar se dresse à droite du mihrab
et la loge du sultan à sa gauche. C'est de cette loge que Mahmud II
décréta la dissolution du corps des janissaires en 1826, ce qui
entraîna le massacre de 7000 d'entre eux.
On
peut aussi y voir de beaux exemples de calligraphie en écriture coufique
(ou koufique, du nom de la ville de Koufa, dans l'Irak actuel, où est né
ce style d'écriture au VIIe siècle) à la gloire de Allah.
A
la base de la coupole est calligraphié un verset du Coran proclamant "Allah
est la lumière de ciel et de la terre".
Entrés par le côté sud, nous ressortons par le côté nord.
St Serge et St Bacchus (Küçük Ayasofya Camii) (9h-19h)
Toujours cap au sud, un kilomètre en bonne descente nous sépare du rivage de la péninsule donnant sur la Mer de Marmara.
C'est là, dans un quartier peu touristique, que se trouve la mosquée communément surnommée la Petite Sainte Sophie (Küçük Ayasofya Camii), anciennement église St Serge et St Bacchus (étrange nom pour ce dernier, un Romain bel et bien martyr du IVe s. qui portait le nom du dieu païen de la vigne et du vin dans l'Antiquité romaine, équivalent de Dionysos pour les Grecs).
Cette église du VIe s. construite pendant le long règne de l'empereur Justinien (et encore lui!) fut convertie en mosquée au XVe s. et pourvue d'un modeste minaret.
Même si la décoration d'origine a disparu, l'édifice a été bien restauré avec une ornementation sobre. Ses deux niveaux (les tribunes sont traditionnellement réservées aux femmes) s'ordonnent autour de sa coupole soutenue par huit piliers et par des voûtes et demi-coupoles périphériques (à noter la présence de colonnes à chapiteaux ioniques).
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