Le
tik(k)a (ou tilak)...
Le tika appelé aussi tilak,
bindi ou pottu est une marque portée sur le front des
Hindous. Ce n'est parfois qu'une marque porte-bonheur, apposée
au cours d'une cérémonie religieuse ou en guise de bienvenue.
Par exemple la marque que l'on nous a faite avec une pâte de santal dans le restaurant
avant la visite de Kumbakonam (au troisième jour du séjour). Nous avons été surpris
que cette marque donne une agréable sensation de fraîcheur (effet dû au
camphre qui entre dans la composition de la pâte) qui persiste de longues
minutes. Sinon le tika indique l'appartenance à un groupe
religieux pour un homme ou la situation maritale pour une femme. C'est une
pratique qui remonte aux origines du védisme (1200 avant J-C).
Le tika symbolise le troisième il de Shiva et se positionne
sur le front, entre les sourcils, à l'emplacement du sixième chakra,
l'un des sept centres d'énergie dans le yoga (le terme chakra
désigne aussi la roue, le disque, symbole du soleil et du pouvoir que l'on
retrouve au centre du drapeau de l'Inde). C'est un signe de dévotion religieuse.
Dans sa version esthétique, il est porté par les femmes comme
un bijou autocollant en forme de goutte, souvent assorti aux vêtements
!
Traditionnellement, le tika
est de couleur rouge et obtenu à partir d'une poudre de curcuma
séché dont la couleur vire du jaune au rouge si on l'additionne
de chaux. Lorsque la marque rouge se situe haut sur le front, près de la
raie des cheveux, c'est alors la marque des femmes mariées.

Quant il est de couleur blanche,
c'est la marque des vishnouites. Pour cela on utilise une bouillie du bois
de santal et il est tracé en forme de U avec souvent au centre une branche
rouge. L'ensemble évoque le trident de Vishnu.
Lorsqu'il
est gris, c'est la marque des shivaites. Il s'agit généralement
de cendre (symbole funéraire) avec laquelle on trace trois barres horizontales.

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Un trajet de 150 km vers
le sud-ouest (4 heures environ, haltes non comprises comme d'habitude), va nous
faire franchir la frontière du Kerala pour arriver à la
Réserve de Periyar, après avoir traversé un paysage de
rizières et de montagnes.
Nous l'émaillerons de deux pauses.
Paysage habituel avec les carrioles tirées par des
zébus, élevages industriels sous de grandes huttes, cultures (maïs,
parfois tournesol et sorgho et même jasmin et oeillets ...d'Inde), moissons...
... et ce sera tout d'abord
l'arrêt dans l'une des nombreuses briqueteries familiales qui jalonnent
le bord des routes de la région.
Accessoirement, nous assistons au
repêchage de volailles tombées dans un puits très profond
(un homme y est descendu agrippé à une mauvaise corde!)...

L'argile rouge humidifiée est d'abord pétrie avec la même
houe à manche très court que l'on voit utilisée aussi bien
par les paysans que par les cantonniers (comment n'ont-ils pas mal au dos avec
la posture que çà entraîne?). La pâte obtenue est
alors moulée sur une aire puis, après un premier séchage,
les briques sont empilées à l'extérieur pendant encore
quelques jours afin de perdre encore de l'eau. Le séchage se poursuit en
les entreposant autour du four lors de la cuisson de la fournée
précédente. Enfin, pour la cuisson, elles sont disposées
en alternance avec des morceaux de bois pour subir une cuisson lente (à
l'étouffée) d'une semaine à l'intérieur d'une enveloppe
de briques qui sera détruite en fin de cuisson. Un refroidissement de deux
jours est nécessaire. Le cycle recommence toutes les trois semaines.
La production d'une unité familiale de la sorte est de l'ordre de
90000 briques tous les deux mois.
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Les Etats du Tamil Nadu et du Kerala sont séparés par des montagnes
de 2000 à 3000 m des Ghats occidentaux. La région de Periyar
constitue l'un des points de passage. Les Ghâts sont deux chaînes
de montagnes convergeant vers le sud de l'Inde. Celle de l'est, parallèle
à la Côte de Coromandel est plus basse (environ 450 m) tandis
que celle de l'ouest, parallèle à la Côte de Malabar, 1500 km
de long , plus haute (environ 900 m avec des sommets atteignant 2500 m).
Les Ghâts : outre le nom des chaînes de montagnes du
sud de l'Inde, le terme désigne des berges en escaliers descendant vers
un fleuve (par exemple à Bénarès).
Etat
du Kerala, "le Pays des Cocotiers" (Kéra = "cocotier"
et alam= "pays") (39 000 km², 34 millions
d'habitants) est un état créé en 1956 à partir d'états princiers (Malabar, Travancore
et Cochin). La capitale Trivandrum (un million d'habitants), est située
au sud de l'Etat, sur le littoral. Cette région
relativement isolée du reste du pays du
fait de sa position et de l'existence de montagnes est
peuplée depuis l'Antiquité et était déjà en relation commerciale avec les Phéniciens
puis l'Empire Romain, les Arabes et même les Chinois. A partir du XVIe s.
vont s'y succéder les divers empires coloniaux: portugais, hollandais puis
britanniques. C'est l'état indien le plus christianisé avec 20% de
chrétiens. Le malayalam, la langue régionale s'est différenciée
du tamoul parlé à l'est des Ghâts. Sa
séparation du tamoul remonte au Xème siècle.
Son écriture très ronde s'est fixée au XIIe s. et elle
diffère de celles du Tamil Nadu, du Karnataka (et donc de l'hindi et des
autres écritures indiennes). C'est un état à l'économie agricole
prospère où les plantations (thé, café, épices, hévéas...) occupent 40% des terres
cultivées. Le tourisme y revêt aussi une grande importance.
Quant à l'industrie, elle est un peu à la remorque. Il est vrai
que cet état est fréquemment secouer par de grandes grèves.
Il ne faut pas oublier que depuis l'indépendance, le Parti Communiste revient
au pouvoir à chaque alternance (en 1957, ce fut le premier Etat communiste
de l'Inde, démocratiquement élu, autre paradoxe, le parti étant
dirigé par un brahmane !). La diversité culturelle et religieuse de
cet état
lui a permis à
de ne pas connaître les violences entre communautés lors de la partition
de 1947. A noter, qu'on y observe l'espérance de vie la plus longue
en Inde : 71 et 75 ans). La population est lettrée à près
de 100%. C'est aussi l'Etat le plus libéral en ce qui concerne les femmes car
ici, dès le XIes. l'héritage suivait un schéma matrilinéaire, ce qui assurait
leur avenir métériel même en cas de veuvage. De plus, la polyandrie (l'opposé
de la polygamie) y a été largement répandue... Près de 3 millions de
personnes travaillent dans des pays du Moyen-Orient (ce qui s'explique par une
présence musulmane forte comme on le verra sur la côte).
C'est la région d'origine du yoga, de l'ayurveda et des arts
martiaux. |
La route reprend à nouveau.
Petite ville avec des embouteillage
de tracteurs Massey-Ferguson (génération 60-70) et un rassemblement
politique en plein milieu de journée et de semaine (le jeudi).
Scènes
champêtre bucolique de moisson du riz, de lavandières (curieuse façon
d'attacher le linge sans pinces) dans une autre bourgade.
Des villages plus
propres.
Sur l'accotement, des fleurs sauvages de lantanier ainsi qu'une
autre sorte de buisson à fleurs (dont on tire un médicament anticancéreux)...
et aussi des kapokiers, ces arbres qui produisent un fruit de forme allongée
qui, à maturité, donne une sorte de coton dont on se sert pour garnir
les matelas.
Puis insensiblement nous avons pris de l'altitude, ce qui nous amène du
côté des 900 mètres et nous arrivons dans le Kerala.
A
propos des plantations qui furent développées à l'initiative
de la puissance coloniale britannique, Sanjay précise que cela entraîna
au XVIIIe s. des transferts de travailleurs tamouls vers les plantations
de thé du centre de la colonie voisine, Ceylan (l'île du Sri Lanka
actuellement). Ils y sont restés (des populations d'origine tamoule avaient
migré au fil des siècles dans le nord de l'île) et c'est là
l'origine d'un conflit politique
et ethnico-religieux avec les autochtones bouddhistes du Sri Lanka.
Ce conflit a éclaté
en 1973 et les Tamouls sont en lutte ouverte depuis 1983 sous le nom de ''Tigres''.
L'armée indienne est intervenue en 1987-88 pour tenter d'apaiser le conflit
pendant le gouvernement de Rajiv Gandhi mais sans succès.
Gardant la croisière sur le lac pour l'après-midi, nous finissons
la matinée en visitant l'un des nombreux jardins d'épices
de la région, près du village de Thekkady.
A partir du XIVe s. les épices, d'abord utilisées pour
leurs vertus médicinales, enflamment les Palais et les palais (buccaux)
du peuple en Occident. Les puissances européennes qui se font la guerre
pour le contrôle de leur commerce, ce qui fait aussi la fortune de certains
rajahs (celui de Cochin notamment car "la route maritime des Epices"
fit la fortune du Kerala). Portugais, Hollandais puis Anglais en développèrent
la culture à grande échelle.
Periyar
- jardin d'épices
fleur
en arrête de poisson.
La promenade à travers ce jardin permet de découvrir des quantités
de plantes tropicales (pas toutes endogènes) au milieu des tecks, bananiers
et divers palmiers:
le jaquier (ses fleurs poussent à
même le tronc), à ne pas confondre avec le célèbre
durian ("à l'odeur d'enfer et au goût
de paradis", à ce qu'on dit!), papayer, goyavier,
pomme-cerise, arbre corail (ne pas confondre avec le flamboyant), poivre (liane
grimpante à saveur piquante), caféiers (les différentes espèces),
ananas rose (originaire d'Amérique tropicale), vanille à l'arôme
suave (c'est une orchidée d'origine américaine! il faut 9 mois après
la fécondation de la fleur pour que la graine soit à maturité
et cette fécondation doit être effectuée manuellement car
l'insecte mexicain
pollinisateur fait défaut ici), cardamome (en fleur),
canelle (douce et sucrée), piments
(originaires d'Amérique tropicale), gingembre,
cacaoyer (originaire
d'Amérique tropicale), giroflier,
muscade, anis étoilé, coriandre, curcuma (sa teinte chaude colore
les mains des Indiennes), aubergines (originaires d'Inde qui en compte plusieurs
variétés), jasmins
Puis nous faisons étape au "Spices Village" où
des activités optionnelles (payantes) nous sont proposées pour l'après-midi:
-
Massages ayurvédiques,

L'ayurveda de ayur (vie) et veda (science, connaissance)
est une technique apparue il y a 5000 ans qui permet d'être en bonne santé
physique et mentale et donc d'être heureux. Son origine mythique la ferait
remonter à Brama (dieu créateur de l'univers). Elle fut transmise
au travers de textes sacrés écrits sur des feuilles de palmier et
sur du cuir et figure aujourd'hui dans trois recueils. Cette technique est
surtout pratiquée dans le sud de l'Inde, au Kerala (mais aussi dans l'île
voisine, le Sri Lanka) où se trouvent 5 des 7 écoles (elle est également
pratiquée
ailleurs en Inde comme à Bénarès).
Les soins sont précédés par un entretien avec un médecin
(vaidya) et durent de 1h30 à 2h et reposent sur divers types de
massages avec des huiles essentielles (pichauli pour le rajeunissement,
udwartana pour l'amicissement, saundarya pour l'énergie...).
Le yoga est l'un
des moyens d'arriver à une totale maîtrise du corps permettant un
détachement des biens matériels et des passions. Les yogis ont leur
correspondance dans les fakirs musulmans qui, eux, sont plutôt des magiciens.
Les principes du yoga ont été énoncés en Inde dès le IVe
s. av. J-C et correspondent à une tradition indienne, tant hindouiste que bouddhiste.
Pratiquée par les brahmanes et les gourous, la méthode traditionnelle vise
à se libérer des faiblesses du corps et à atteindre la communion avec la connaissance,
le Brahman ou "Loi Suprême". Une évolution laïque de la notion largement
utilisée en Occident, consiste uniquement à rechercher la parfaite connaissance
de soi. Ces recherches passent par une discipline spirituelle et corporelle
qui consiste à apaiser le corps et l'esprit par le biais d'exercices de méditation,
de respiration et de postures au travers de neuf étapes. La première est le contrôle
de soi, l'assujettissement, en sanskrit le mot yoga signifie "joug". La
dernière est la libération de l'âme et aussi la fin du cycle des réincarnations...
C'est aussi toute une philosophie de l'existence: franchise, abstinence, honnêteté,
pauvreté, alimentation végétarienne (par respect des êtres vivants)
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Periyar
signifie ''grand lac''.
Il est considéré comme
le (l'un) plus beau parc national du pays, célèbre pour ses troupeaux
d'éléphants sauvages et de buffles.
En
fait le lac PERIYAR est un lac artificiel de 31 km de long créé
en 1895. Autour de ce lac, une réserve fut créée à
l'origine par un maharaja en 1934 puis agrandie par l'administration des forêts.
Couvrant aujourd'hui 777 km², elle abrite 35 espèces de mammifères
sauvages (tigres, éléphants, bisons, antilopes, sangliers, cerfs
),
265 espèces d'oiseaux (sur l'ensemble de la péninsule indienne, on compte
350 espèces de mammifères et 1200 espèces d'oiseaux dans les quelques 200 réserves
et parcs naturels du pays).
Nous sommes nombreux
à être tentés par la croisière de
quelques heures à la découverte de la faune sur les bords du lac
en cette fin de saison sèche, ce qui permet d'espérer voir des animaux
se désaltérer au bord du lac. Notre espoir sera déçu
sur ce plan mais il en restera un agréable moment de détente reposante.
Periyar - sur le lac.
Nous verrons de près des oiseaux aquatiques, aigrettes
et cormorans. Nous apercevrons dans le lointain de quelques vallons un troupeau
de bisons et des hardes de sangliers.
Le bateau pourra approcher d'assez
près un groupe de cerfs ou de daims appelés sambars...
Quant aux éléphants, nous n'en verrons que des empreintes laissées
dans la vase ainsi que quelques bouses. Pourtant la réserve en compte quelques
700 (la densité normale est en effet de l'ordre de 1 au km². Quant
aux tigres, bien malin qui en verrait (Sanjay en a vu un une fois). Il y en aurait
une quarantaine dans la réserve (soit le maximum possible sur la base de
1 pour 20 km²)...
En revanche les singes (macaques à
face rouge) sont nombreux dans la zone boisée donnant accès à
la réserve.
Achats d'épices
dans les boutiques (l'une d'elles a un magasin à Paris et un autre à
Cahors!).

Periyar - au Spices Village.
Certains réussiront à cumuler deux activités en arrivant
de justesse pour le massage ayurvédique.
Les plus
motivés pourront même trouver un petit moment pour assister au cour
de cuisine (en anglais) où la recette des choux braisés à
la noix de coco m'a parue sympathique et constitue une bonne entrée en
matière avant un petit spectacle de danse et le buffet qui nous attend.
Agréable nuit de repos dans de jolis bungalow en forme de hutte.
INDE du sud