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Cette
contrée dont l'altitude est de l'ordre de 1000 m. est propice à
deux grandes cultures industrielles d'exportation. Le
thé indien le plus connu est celui de Darjeeling sur les contreforts de
l'Himalaya mais les théiers poussent aussi dans les moyennes montagnes
de Ghâts. Le mot thé
provient de la prononciation de la lettre "T" (tea
en anglais ou tout simplement thé pour nous Français)
pour "Transit", qui était apposée sur les
sacs entreposés au Portugal. Autres
hypothèses à partir de la terminologie chinoise avec une initiale
sonore le T: tú en vieux chinois (avant notre ère),
chá ([Tcha]), à moins qu'il s'agisse de la transposition
direct de tê, terme du dialecte du sud-est de la Chine (région
de Xiamen)... |
Un trajet d'environ 190 km nous attend,en direction de COCHIN vers
le nord-ouest, trajet pendant lequel nous ferrons quatre courtes pauses.
Nous
allons passer un long moment en autocar pour traverser la forêt tropicale
d'altitude, parfois au-delà de 1000 m, sur des routes étroites
et sinueuses.
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Dans la brume matinale, entre des zones de forêt vierge des montagnes
des Ghâts aux crêtes soulignées par des eucalyptus. Cela
nous permet de découvrir un spectaculaire paysage de plantations de caféiers
(récemment défleuris), théiers (complantés de chênes
argentés auxquels s'accrochent des poivriers), champs d'ananas, hévéas,
cacaoyers, tecks et arbres à épices.
Arrêt
pour visiter une église dominicaine construite au milieu des plantations
de théiers où
à lieu un tournage de film (scène de mariage).
Une église adaptée aux coutumes indiennes car il n'y a pas de bancs.
Lors d'une pause dégustation de café indien et de
bananes rose, nous découvrons aussi l'art très kitsch que
l'on a de customizer les inélégants anciens camions "Tata"
et autres avec des thèmes souvent religieux ("le Christ est mon sauveur",
"la prière est ma force")... A l'arrière, ces véhicules
vous invitent à signaler bruyamment votre présence ce dont les chauffeurs
indiens ne se privent pas mais cela n'a rien à voir avec l'agressivité
que nous mettons à user du klaxon chez nous. Egalement, du fait que la
région est montagneuse, on voit de plus en plus de jeep mais, à
y regarder de plus près, on voit que ce sont des véhicules du pays
(marque "Mahindra" comme pour certains tracteurs ou bus). Les
bus sont souvent surchargés. Sanjay précise que l'on peut y entasser
jusqu'à 150 passagers (les Indiens sont certes plus menus que nous) et
dans ce cas, certains s'agrippent aux portes qui restent ouvertes voire s'installent
sur le toit. La surcharge est telle et l'entretien aussi déficient que
souvent les véhicules penchent fortement d'un côté.
Etrange monument commémoratif à un "grand" homme politique
régional à la fois musulman et communiste..
Nouvelle étape
dans un marché aux bestiaux qui se tient près d'un village.
Le Tamil Nadu, très hindouiste et donc végétarien consomme
peu de viande et surtout pas de bovin, animal sacré depuis le Ve s.
av. J-C (on n'en consomme que les dérivés laitiers). Toutefois,
cela n'empêche pas la vente de certains de ces animaux à leurs voisins
du Kerala où les chrétiens et musulmans qui y sont assez nombreux
ne sont pas confrontés à cet interdit religieux. Donc après
négociations, les animaux sont embarqués sur des camions pour les
abattoirs des grandes villes du Kerala.
Enfin, dernière arrêt dans une petite plantation d'hévéas,
l'arbre dont la sève est le latex duquel on tire le caoutchouc. L'unité
de base pour une plantation est de l'ordre de 1000 arbres.
L'hévéa
a été introduit en Asie (d'abord en Malaisie) par un Britannique
qui s'en était procuré clandestinement des graines en Amazonie brésilienne.
L'exploitation des plantations commence lorsque le diamètre des troncs
atteint 20 cm. Sur une demi circonférence, ils sont saignés
tous les 3 jours pendant 7 années. Le saigneur enlève 1 mm
d'écorce et traite 300 arbres par jour. En période de mousson, les
saignées sont protégées par des sortes de jupettes collées
avec du goudron. L'autre demi circonférence fait l'objet d'un autre cycle
de 7 années puis l'on revient sur l'autre face pour un dernier cycle. Après
quoi l'arbre épuisé est destiné à l'abattage. Le bois
de cet arbre (de 20 à 30 m de haut) était sans grande valeur
jusqu'à ce qu'on sache le traiter pour en ôter la sève.
Le latex naturel (après durcissement à l'air libre) sert
à la fabrication de gants chirurgicaux, d'élastiques et de préservatifs.
Une partie fait l'objet d'une première transformation sur place pour la
fabrication de caoutchouc. Le latex est additionné d'eau et d'acide
formique et la pâte épaisse obtenue est pressée (une presse
similaire à celle utilisée pour l'extraction du jus de canne à
sucre!) plusieurs fois. Les plaques blanchâtres ainsi obtenues sont mises
à sécher au soleil puis fumées afin d'en assurer la conservation.
Mais les grandes entreprises du caoutchouc préfèrent contrôler
la plus grande partie de la fabrication et se contentent d'acheter le latex conditionné
dans des bidons métalliques de 220 litres avec de l'ammoniac (ce qui explique
l'odeur prenante qui nous saisit en entrant dans l'exploitation) et du gaz propane
pour sa conservation...
La
fortune de certains planteurs et la proximité de Cochin doivent expliquer
la fréquence des vastes maisons neuves que l'on voit pousser un
peu partout, au milieu de parcs avec piscine. Elles sont construites avec des
moellons d'une pierre rougeâtre (d'origine volcanique selon Sanjay) que
les maçons travaillent à la houe (l'outils universel des paysans,
cantonniers, briquetiers et donc maçons indiens!). Puis la construction
est enduite d'un mortier qui sera peint. Autre curiosité, les toitures
sont en béton que l'on habille ensuite de jolies tuiles.
Ces constructions
ont parfois une architecture un peu kitsch, l'une avec un petit air "Louisiane",
une autre avec un air toscan ou encore une autre avec un style pagode (mais nous
reparlerons de ce style)
Un paysage de rizières et cocoteraies
s'impose plus on approche de la côte.
Nous gagnons Cochin via Kottayam,
non loin de la grande lagune. La présence forte du parti communiste dans
cet état s'affiche partout, avec son emblème, le drapeau rouge frappé
de la faucille et du marteau, complété parfois de l'étoile
du communisme.
La ville est construite sur une presqu'île, à l'extrémité
nord du cordon littoral d'un lagon. Celui-ci s'est ouvert sur la mer à
la suite d'une grande crue de la rivière Periyar survenue en 1340 à
la suite de pluies torrentielles. Cela a permis l'installation d'un port abrité.
D'immenses
cargos qui attendent de venir samarrer à leur tour le long des docks
de lîle de Willington, une île artificielle créée
à partir des matériaux dégagés lors de lagrandissement
du port.
Une île plus prestigieuse, Bolghatty (Bolgatty) ou Mulavukad
accueille palaces (notamment l'ancien "palais" hollandais) et résidences
touristiques de luxe.
Cochin est un ancien port d'échange avec
les Arabes mais aussi avec l'Extrême-Orient. En effet, avant d'atteindre
Calicut, l'amiral chinois Zheng He y fit escale au XIVe s. lors de l'une
de ses 7 expéditions (dont une jusqu'en Egypte).
Les Portugais
y arrivèrent dès 1498 et Vasco de Gama, le découvreur
de "la route des Indes", par le contournement de l'Afrique au niveau du Cap de
Bonne-Espérance) y établit un comptoir en 1502 (il débarqua
sur la plage de Kappad) et St François-Xavier fonda une mission en 1530.
Vasco de Gama avait pour objectif de briser le monopole des épices détenu par
les Arabes. C'est pourquoi il établit ici la forteresse de Kochi en 1503. Quant
aux premiers missionnaires, ils furent surpris de découvrir des "vieux chrétiens"
dans ce pays (cf. encart plus bas).
Ils furent évincés
par les Hollandais quelques décennies plus tard. Fort Kochi fut
détruit par les Anglais qui s'installèrent à leur suite en
1795.
Cochin supplanta Calicut à partir du XVIIe s. C'est
le second port de l'Inde après Bombay.
COCHIN
- flamboyant jaune.
En approchant de la ville, nous voyons des temples hindous bien différents,
plus récents, avec toit en pagode (en outre le culte y est rendu indifféremment
par des brahmanes vishnouistes ou shivaistes contrairement au Tamil Nadu où ils
se rattachent à un rite particulier)...
Contrairement à notre périple
au Tamil Nadu, désormais nous visiterons peu de temples hindous actifs
car le mouvement violent
nationaliste hindou Bajrang Dal, fondé en 1984, sévit contre
les chrétiens dans le nord du Kerala et au Karnataka (ainsi qu'en Orissa).
Dans les Etats plus haut nord, il tente de faire porter le chapeau aux "aatankwadi",
des terroristes islamistes... En effet, au Kerala dans un même
regard on embrasse souvent à la fois un temple (hindou), une église
et une mosquée !
Environs
de COCHIN - mât de temple villageois
COCHIN,
en particulier ses marchés fleurent bon les épices qui colorent
les mains des femmes.
Si la ville embaume tant les épices, c'est parce que
celles-ci sont conditionnées ici pour être expédiées dans le monde entier!
- Poivre : fruit d'une liane, il est noir s'il est
cueilli avant maturité, blanc cueilli à maturité, fermenté
et débarrassé de son enveloppe et enfin vert cueilli avant maturité
et conservé en saumure.
Le poivre est le fruit d'une liane dont
l'utilisation se justifiait à l'origine par un souci de conservation de la viande
(avec le sel et d'autres épices). Le poivre de la Côte de Malabar fut connu à
Venise, par l'intermédiaire des marchands arabes, dès le Xe siècle. Lorsque le
commerce maritime européen maîtrisa la "route des Indes Orientales", le commerce
de ce produit fut contrôlé par les Portugais jusqu'à leur éviction par les Hollandais
et les Anglais. Mais sa culture s'est répandue dans divers pays tropicaux. Ainsi,
aujourd'hui le Vietnam est un redoutable concurrent qui ne s'est porté sur ce
marché que depuis les années 90. Sa production est passée de 8000 T en 1990
à 100000 T en 2004 ce qui permet à ce nouveau producteur de couvrir déjà
la moitié du marché mondial!
- Cannelle : seconde écorce
à la saveur parfumée douce et sucrée provenant d'un arbre
parent du laurier et du camphrier, dont les lambeaux s'enroulent en desséchant
- Curcuma : (ne pas confondre avec le cumin) poudre jaune appelée
''faux safran'' obtenue à partit d'un tubercule. L'Inde en est le premier
producteur.
La cardamome au goût plus typé est
de la même famille mais c'est son fruit (une graine verte) que l'on utilise.
- Clou de girofle : c'est la quatrième reine des épices, originaire
d'Indonésie. C'est le bourgeon floral qui est séché puis
réduit en poudre. C'est une des bases du curry avec le curcuma.
La visite du "Vieux Cochin" permet de découvrir au cours de
l'après-midi:
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-
la Synagogue de Pardesi datant de 1568 (ou 1562) fut détruite par
les Portugais en 1662 et rebâtie par les Hollandais en 1664!
La présence de cette synagogue s'explique par l'existence d'une communauté
juive installée ici depuis 2000 ans et bien intégrée. Mais
depuis 1948, beaucoup ont émigrés vers le nouvel Etat d'Israël
et la communauté se trouve réduite à une dizaine de membres.
Un effectif aussi réduit empêche la célébration
du culte car pour cela elle doit compter au moins 10 hommes; le culte n'est donc
possible que lors du passage de groupes de touristes israéliens!
COCHIN - la synagogue de Pardesi et le quartier juif.
Admirer sa thora (ensemble des textes sacrés qui
forment la loi juive, rouleau de parchemin qui porte, copié à la
main les cinq premiers livres de la Bible) du XVIe s., des lustres
en cristal offerts par la Belgique, un lustre en cristal de Murano
et sa
faïence bleue de Canton (XVIIe s.) dont chaque carreau est différent.
Cet ancien quartier juif est lun des centres du commerce des épices
à Cochin avec quelques entrepôts vétustes mais de plus en
plus de boutiques pour touristes.
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La soirée se termine par une démonstration de danses Kathakali
(évocation des grandes épopées hindoues du Mahabharata)
dans un quartier d'Ernakulam, la ville jumelle de Cochin, sur l'autre rive de
la lagune.
Le spectacle est donné par la troupe Art Kerala
dirigée par un acteur très âgé, T. Radhakrishnan.
Il faut arriver dès 18 heures pour assister au long et lourd maquillage
qui dure une heure et est déjà un spectacle en soi (notamment la
pose d'une collerette pour Rama).
La
danse Kathakali ("pièce contant une histoire")
est apparue au XVIIe s. et est interprétée exclusivement par
des hommes et avait pour cadre les temples où elle durait toute la nuit
(de 21 heures jusqu'à 6 heures). Reposant sur 24 gestes de base dits mudras
et sur les roulement d'yeux qui permettent d'exprimer toutes les émotions
possible et les sentiments complexes des personnages. Elle nécessite un
apprentissage de 8 années qui commence dès l'âge de 10 ans.
Cette danse qui s'apparente à un théâtre sans texte est une
sorte de mime accompagné par un choeur-orchestre.
Ces danses épiques
sont un art théâtral original s'inspirant de Ramayana et du Mahabharata.
Les personnages sont reconnaissables en fonction de leur type de maquillage codé
où chaque couleur a une signification.
Le rideau de soie brillante
et colorée abaissé, la scène interprétée est
celle de la confrontation de Rama avec Ravana, un démon doté de pouvoirs par Shiva, déguisé en chasseur.
Vont alors s'affronter longuement la vertu et le vice, le courage et la faiblesse,
le monde céleste et le monde terrestre...
Le
lendemain matin, la visite se poursuit avec:
- l'Ancien
quartier colonial entre Church Road et Dutch
Cimetery Road, avec ses venelles sinueuses
bordées de maisons portugaises datant du XVe s.
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![]() COCHIN - église St François (St Francis Church). |
- l'Eglise
St François (St Francis
Church), modeste
mais la plus ancienne d'Inde.
Elle fut édifiée, en 1503,
par des moines franciscains qui accompagnaient lexpédition conduite
par Pedro Alvarez Cabral. En bois à l'origine, elle a sa forme actuelle
depuis 1779, date à laquelle elle fut rebâtie
par les Hollandais.
On peut y voir la pierre tombale de Vasco de Gama mort à Cochin en
1524 et dont la dépouille fut inhumée ici pendant 14 ans avant qu'elle
fût ramenée au monastère Saint Jérôme à
Lisbonne, au Portugal.
Des grands panneaux accrochés à
la charpente en forme de carène, les pankas étaient actionnés
par un système de cordes et de poulies afin de ventiler l'édifice
pendant les cérémonies.
L'édifice est très
dépouillé: ni statues, ni images... Catholique lorsqu'elle était
portugaise, elle devint protestante sous les Hollandais puis anglicane sous les
Anglais pour finir rattachée à l'Eglise d'Inde du Sud, C.S.I. (Church
of South India) après l'indépendance en 1947! Cette Eglise a
la particularité de reconnaître l'autorité du pape alors que
le Vatican ne la reconnaît pas!
- le vieux port et Fort Kochi avec les Filets chinois. On
dénombre une trentaine de ces carrelets (30 m de haut), technique introduite
au XIVe s. par des marchands chinois de la cour de Kubilaï Khan. Il faut
au moins quatre hommes pour manuvrer leur système de contrepoids
pourtant lesté de lourdes pierres.
Dégustation de jus
de canne (additionné d'un peu de jus de citron et de gingembre)...
Marché au poisson où nous réalisons soudain la présence de quelques chats
faméliques. Si nous avions vu tous les jours précédents diverses espèces d'animaux
plus ou moins errants: vaches, chèvres et chiens, nous réalisons soudain que la
gente féline à l'air pratiquement absente du paysage indien. N'aimerait-on pas
cet animal dans ce pays?
Et beaucoup de petits vendeurs (y compris de cartes-
mémoires pour appareils photos numériques).
Belle plage publique
toute proche et, paraît-il, animée le soir.
COCHIN - les Filets Chinois de Fort Kochy.
En fin de matinée, nous prenons la route vers le sud, en direction d'Allepey,
distante d'une soixantaine de kilomètres et située à l'autre
extrémité de la lagune...
INDE du sud