ALLEPEY (Alappuzha),
"les Backwaters".
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LA FAMILLE ET LA FEMME ...
L'organisation familiale est de type patriarcal et souvent plusieurs générations (voire tout un clan avec des tantes, cousins…) cohabitent sous un même toit.
La femme ne s'adresse pas directement aux dieux mais par l'intermédiaire de leur swami, époux, seigneur et maître…
Le mariage ''arrangé'' reste la norme (90%). Autrement fois, l'accord des familles était conclu alors même que les ''fiancés'' étaient encore de enfants en bas âge. Cependant de plus en plus, surtout en ville, un éventail de choix est proposé aux enfants pour lesquels des rencontres sont aménagées.
Mais après tout, n'était-ce pas une pratique encore fréquente chez nous il y a une cinquantaine d'années dans les milieux ruraux et dans la bourgeoisie?

La femme se sacrifie à ses devoirs, en particulier à sa belle-famille et, à ce titre, est, en tant que mère, l'objet d'une dévotion. Toutefois, on attend d'elle qu'elle mette au monde un garçon (si possible au rang d'aîné), d'où parfois une multiplication des naissances de filles avant d'avoir enfin le garçon !
Les filles sont exclues de l'héritage (partage égalitaire seulement entre les garçons).

Il ne faut oublier également le système de la dot qui pénalise les femmes. Officiellement proscrit, cette pratique perdure et à même tendance à s'accroître dans un souci de recherche d'argent par la belle-famille. Parfois les familles pauvres doivent s'endetter auprès de redoutables usuriers pour fournir une dot (cf. le livre et le film ''La cité de la joie'').
Maigre dot=épouse maltraitée !
Outre le coût de la dot,le mariage entraîne d'énormes frais (en moyenne plus de 30 000$).

Dilip nous précise que dans les basses castes, c'est la famille de l'homme qui verse une dot à la belle-famille (comme en Extrême-Orient).
En cas d’échec de la vie de couple ou de veuvage (10% de divorces), c'est pour la femme hindoue une perspective de résignation du fait de l’impossibilité de rentrer à la maison paternelle et de l’incapacité de gagner sa vie.
Dilip ajoute que, là encore, les basses castes, tout comme les sikhs, font exception: divorces et remariages n'y sont pas rares...
Si l’amour est parfois à l’origine de mésalliances, grand malheur si la femme se lie à un homme de caste inférieure, elle pourra être battue voire tuée par son propre père ou l'un de ses frères, gardiens de l’honneur familial. .
On penserait que l'afflux de population vers les villes s'y traduirait par des changements d'attitudes. Ce n'est pas le cas car le mode de vie urbain conduit au développement de la consommation, laquelle requiert plus de moyens financiers auxquels les gens font face au détriment de l'existence des petites filles...
Au poids des traditions, s’ajoute l’irruption de nouvelles mœurs et perversions criminogènes dans les grandes villes. Ainsi New Delhi, ville dangereuse particulièrement la nuit, compte près du tiers des viols commis dans le pays.

Ces faits peuvent expliquer tout à la fois, d'une part, des avortements sélectifs illégaux pratiqués en clinique, surtout dans les villes, ou bien le "traditionnel" infanticide de petites filles parfois encore pratiqué dans les campagnes et le manque de soins qui leur est apporté (ces trait sont communs avec la Chine, chacun des pays accusant un déficit de filles de l'ordre de 60 millions !) et, d'autre part, une natalité importante (cette fois, en opposition au comportement chinois). Parmi les filles qui échappent à ce "contrôle" sauvage, beaucoup sont prénommées Nakoshi, ''l'indésirée'' (!). A l'âge de 6 ans, le déficit féminin est patent dans beaucoup d'Etats: 8 à 9 filles pour 10 garçons.
Il faut aussi rappeler l'ancienne tradition minoritaire des sati (interdite par les Anglais au début su XIXe s. mais quelques faits divers ont continué de se produire par la suite) en vertu de laquelle les veuves (voire des favorites) se jetaient sur le bûcher funéraire de leur mari (ou de leur seigneur), voire le cas où l'on jetait une petite fille sur le bûcher de son petit garçon de fiancé!
Néanmoins, si le temps des satis est révolu (et proscrit), dans les castes supérieures respectant plus que d’autres les traditions, les veuves sont souvent conduites à une sorte de néant social, ne sortant plus, ne pouvant se remarier…


Si des femmes ont eu accès aux plus hautes fonctions gouvernementales comme Indira Gandhi devenue Premier Ministre en 1966, ce sont des exceptions. Certes depuis une loi de 1993, le tiers des sièges des conseils communaux (panchayat) et des postes de chefs de village (sarpanch) leurs sont réservées. Elles s'acquittent de ces tâches à la satisfaction générale mais la généralisation de la mesure aux instances politiques supérieures se fait attendre (elles ne sont que 11% au Parlement et le plus souvent appartiennent aux castes supérieures).
Rappelons que Indira Gandhi (fille de Nehru, mère Rajiv Gandhi et belle-mère de Sonia) fut en 1966 l'une des premières femmes à accéder aux plus hautes responsabilités politiques d'un pays (après Sirimavo Bandaranaike qui dirigea le gouvernement du Sri Lanka voisin dès 1960).


Un trajet d'une soixantaine de kilomètres vers le sud nous conduit à Allepey, à l'autre extrémité de la lagune pour un déjeuner-croisière. En environ 4 heures 30, nous allons parcourir une trentaine de kilomètres sur le lac Vembanad (200 km², le plus grand lac du Kerala) et sur divers canaux.

En quittant Cochin, aperçus sur des carrelets plus classiques (et plus petits) que les fameux filets Chinois, sur d'anciennes constructions coloniales. Autres aperçus dur sur les fameux temples hindous du Kerala aux toits de tuile et en forme de pagodes qui évoquent curieusement la Chine.

D'aspect récents, ils présentent peu d'intérêts et ne sont pas ouverts à la visite aux non Hindous (on suppose parfois des tensions entre les trois communautés hindoue, musulmane et chrétienne). En outre leur accès est limité aux porteurs des vêtements traditionnels (sari, penjabi, longhi...).
Le mouvement violent nationaliste hindou Bajrang Dal, fondé en 1984, sévit contre les chrétiens dans le nord du Kerala et au Karnataka (ainsi qu'en Orissa).


En quittant COCHIN En quittant COCHIN En quittant COCHIN
En quittant COCHIN - vestiges coloniaux, temple en pagode et pêche au carrelet.


Sur quelques 100 km, s'étend un lacis de lacs et canaux et bordés de villages et de rizières dans une nature luxuriante de lagunes littorales.

ALLEPEY (300 000 habitants).

Les "Backwaters" que l'on désignent aussi comme
''la Venise du Kerala ou encore Venise indienne'' forment un réseau aquatique. Ici 44 (ou 45?) rivières ou fleuves descendant des Ghâts occidentaux débouchent dans des lacs et lagunes tout près d'une côte luxuriante.
Ils furent et sont toujours utilisés pour le commerce:
transport du riz, des épices (poivre), noix de coco...
Ce système de canaux est bien commode car à l'abri des caprices de l'océan. C'est l'une des régions les plus pittoresques de l'Inde rurale.
Notre croisière ne nous conduira pas jusqu'à Kottayam, centre de production d'articles en fibre de coco, également région de plantation d'épices et de collines de théiers.

Une partie des canaux reliant les lacs ont été creusés à mains d'hommes et la terre enlevée a permis d'édifier des digues à l'abri desquelles les paysans ont procédé en 1968 à l'assèchement des marais et au défrichement de la mangrove pour créer de véritables polders (pompage) utilisés comme rizières à perte de vue tandis que les digues servent de support à des cocoteraies.

Sur ces canaux, en janvier et en août, ont lieu des courses nautiques spectaculaires engageant 16 longs bateaux-serpents ("snakeboats") de 45 m. de long sur lesquels s'activent 120 rameurs.


Nous embarquons pour une croisière en ''riceboat'' dans cet étrange paysage fait d'eau(x), de latérite, de sable blanc et ponctué çà et là de marchés flottants. Sur notre "palace flottant", nous glissons sur la vaste étendue verte des eaux.

Les
''riceboats'' à l'allure de sampans, appelés kettuvalams (ou kuttuwaloms, littéralement "bateaux noués"), servaient au transport des produits agricoles et marchandises (riz, noix de coco et de cajou, poivre, thé...). Traditionnellement ces bateaux étaient faits de bois d'anji (ou de jaquier), poteaux et lattes de bambou et de nattes en palmes de coco.
Ceux qu'empruntent les touristes ont pour la plupart été construits spécifiquement à cet effet et sont de véritables petits hôtels flottants pour les touristes qui y passent la nuit ou des restaurants comme c'est le cas du nôtre...

 

ALLEPEY - sur les ''backwaters''   
ALLEPEY - sur les ''backwaters''.



QUELQUE DONNEES SOCIALES

En Inde, il n'y a pas de sécurité sociale. En dehors des hôpitaux publics la médecine est donc payante. Les médicaments le sont toujours mais ils ont peu onéreux dans la mesure où beaucoup sont fabriqués en Inde en vue de l'export vers le Tiers-monde.

La politique isolationniste et de planification économique socialisante (amitié avec l'URSS) conduite par Indira Gandhi dans les années 70 entraîne aussi une certaine panne sociale qui va durer jusqu'à la fin des années 80 mais, dans les 10 années qui ont suivi, on a rattrapé 40 ans de retard !

Sanjay exprime quelques réticences à parler de salaires et de revenus car chacun sait que la notion de moyenne peut être parfaitement aberrante lorsqu'il y a une grande dispersion des valeurs comme c'est justement le cas en Inde.

Dans les années 70-80
, l'apprenti cuisinier qu'était Sanjay, gagnait 150 INR par mois.
Un professeur gagnait
alors 2000 INR; en 1995, son salaire est passé à 75000 et à 15000 INR en l'an 2000.
Le salaire d'un informaticien se situe dans la fourchette 15000 à 50000
 INR.
Une femme de ménage gagne 1500 et double son revenu si elle travaille pour deux familles.
Quant aux paysans, il est difficile d'en indiquer le revenu compte tenu de grandes disparités (à noter qu'ils ont l'électricité gratuite).

Dans ce milieu, l'autosuffisance a une grande place. Cela put se traduire par l'autarcie presque totale ou par une part de troc.

Dans le sud de l'Inde, c'est vrai qu'il il n'y a pas foule de mendiants et d'invalides aux portes des temples ou sur les trottoirs mais il y en a...
Ce à quoi Sanjay nous fait remarquer : "Comment se fait-il qu'en France, grand pays développé, il y ait des personnes qui font la manche dans le métro, des Restos du Coeur pour les chômeurs, des clochards et SDF et, maintenant, des camps de tentes Don Quichotte pour ceux dont le faible salaire ne leur permet plus de se loger?"...

Pour mémoire: 55 INR (roupies) = 1 €uro
.

Certaines parties de la lagune et des canaux sont envahies par les jacinthes d'eau, une véritable plaie, joliment colorée de bleue, venue d'Amérique du Sud par les bons soins des Britanniques qui appréciaient son côté décoratif.


A notre petite allure, escortés d'aigrettes, aigles pêcheurs et cormorans, nous pouvons assister à la vie des gens qui vivent sur les berges de la lagune: baignade (femmes en sari fluorescents), lessive, vaisselle. Battage à poste fixe avec de petites batteuses, récolte de fourrage, transport de riz, de sable, de moellons, d'animaux...
Spectacle idyllique et atmosphère enchanteresse!

De place en place, de petits villages, des petites ou grandes maisons, des petits temples, églises (y compris orthodoxe) et mosquées... Publicités destinées aux usagers des canaux mais aussi propagande électorale du parti communiste qui se prévaut du Che Guevara, l'icône révolutionnaire d'un autre continent. Notons qu'en 1957, le gouvernement communiste de cet état, démocratiquement élu, octroya à chaque famille deux hectares (cinq acres) sur ces "terres aquatiques".

Fumée et odeurs nous signalent l'existence d'ateliers de fabrication de chaux à partir ...des coquilles de moules d'eau douce!

Sur la lagune, ne circulent pas que des bateaux de touristes ou des pirogues mais aussi des bateaux-bus (sortes de ferries) reliant les villages (compagnie SWTB), assurant le transport scolaire...

Déjeuner à bord en cours de navigation.

Retour vers Cochin avec vues sur des temples en pagode, coucher de soleil sur la lagune

Retour à COCHIN   Retour à COCHIN
Retour à COCHIN.

...et l'agréable surprise de rencontrer une processions avec trois éléphants en équipage de parade (frontal, parasol...) pour une procession hindoue (un vendredi soir).

Retour à COCHIN   Retour à COCHIN
Retour à COCHIN.


Après ce merveilleux et reposant après-midi, nous rentrons à Cochin où nous attend un dîner de fruits de mer
. La nuit sera courte car nous devrons nous lever dès 5 heures pour prendre le train.




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INDE du sud