Croisière en Haute Egypte
Louxor(1),
Karnak(2) et la Vallée des Rois(3).
La
RELIGION et la MORT dans l'Ancienne
Egypte.
LA RELIGION
La religion égyptienne trouve ses racines dans l'animisme et le culte de la nature.
Les cycles réguliers de la nature — la crue annuelle du Nil, les saisons
et la progression du soleil qui régit le jour et la nuit — sont considérés comme
des dons des dieux au peuple d’Égypte.
Depuis la nuit des temps, les
anciens Egyptiens semblaient posséder une religion monothéiste,
comme d'autres peuples (culte de la Déesse Mère). En effet
leur polythéisme n'est qu'apparent dans le mesure où toutes leurs cosmogonies
(récits mythiques traitant de la formation de l'Univers) font tout descendre d'un
"objet" unique abstrait, NOUN, le chaos de l'océan primordial précédant
la création. De même, les Egyptiens croient en une vie après la mort.
Pour les prêtres d'Héliopolis (au nord du Caire), cet esprit, dieu du soleil,
se matérialise sous le nom d'Atoum. Le Soleil, source de vie, engendre seul Shou,
l'espace, et sa compagne Tefnout, l'humidité, lesquels à leur tour donnent naissance
à Geb, la terre, et à sa compagne Nout, le ciel. Après une sorte d'Eden,
ils donnent naissance aux forces destructrices de Seth la mort et de sa compagne
Nephtys et aux forces rédemptrices d'Osiris et de sa compagne Isis, Osiris
étant une sorte de préfiguration du Christ...
Au sud du
Caire, à Memphis, et en haute Egypte, à Hermopolis, naissent d'autres cosmogonies.
Dans l'une quatre couples de génies serpents/grenouilles, portent hors du Noun
une fleur de lotus d'où éclot le soleil. Dans l'autre, Ptah, dieu à forme humaine
pense l'univers et le crée par sa simple parole.
D'autres cosmogonies
sont attachées à d'autres lieux: Abousir, Saïs, Bouto, Tanis, Abydos, Dendérah,
Thèbes, Edfou, Kom Ombo, Elephantine, Philae... La religion égyptienne s'est
peu à peu complexifiée, mêlant les cosmogonies des différentes "chapelles" théologiques
aux mythes et légendes populaires pour aboutir à un syncrétisme.
Au fil
du temps, la cour divine s'enrichira de nouvelles divinités jusqu'à
ce que Thoutmosis IV (vers -1425) et surtout Aménophis IV initient
puis instaurent le culte direct d'un dieu unique, ATON, le disque solaire. Vers
-1346, ce dernier pharaon prend le nom d'Akhénaton ("celui qui
est aimé d'Aton") et crée une nouvelle capitale, Akhet-Aton (site
actuel de El-Amarna), en opposition au pouvoir toujours plus grand des prêtres
du culte d'Amon-Rê, à Thèbes, puisque seul pharaon est l'intermédiaire entre les
individus et la divinité. Ce ne sera qu'un intermède, poursuivi pendant
peu de temps sous la régence de Néfertiti. Le clergé traditionnel
condamnant le culte comme une hérésie contraindra le jeune Toutankhamon
à regagner Thèbes et à revenir au culte ancien.
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Les sites
voisins de Louxor et de Karnak sont des vestiges de l'ancienne et prestigieuse
capitale de l'empire connue sous le nom grec de Thèbes. Ce site a été occupé depuis
2500 av. JC et était dédié au "Roi des Dieux", Amon-Rê.
Ces
trois
sites sont inscrits au Patrimoine
mondial de l'UNESCO depuis 1979 .
L'ancienne cité de Thèbes fut pillée en 672 av. JC par l'Assyrien, Assurbanipal
puis en 84 av. JC, par Ptolémée qui avait établi sa capitale à Alexandrie et qui
n'entendait pas que cette ancienne capitale et ses reîtres lui portent ombrage.
Les sites de Louxor et Karnak témoignent largement de l'art du Nouvel
Empire. En matière de sculpture, la stylisation sévère de l’Ancien Empire et le
réalisme du Moyen Empire cèdent la place à un style raffiné, alliant sens de la
noblesse avec grande délicatesse dans les détails.
A LOUXOR subsistent
les vestige d'un grand temple dont la construction remonte à 1500 av. JC par
les grands pharaons Aménophis III et Touthmosis III. Il fut terminé
vers 1250 av. JC par Ramsès II. Dédié à Amon, il est considéré comme une
annexe du grand complexe de Karnak.
Du pylône (portail monumental) très endommagé,
ne subsiste que certains éléments: les deux colosses sur leur trône, un seul des
deux obélisques (de Ramsès II) puisque l'autre, "offert" à la France en 1831
par Mehmet Ali, se dresse place de la Concorde à Paris, une seule des quatre statues
de granit rose tandis que le linteau du porche a disparu.
Une allée cérémonielle bordée des sphinx à tête
humaine reliait les temples de Louxor et de Karnak.
KARNAK, à 3 km de Louxor, constitue
un vaste ensemble monumental de près de 40 hectares, avec trois aires sacrées
(délimitées par des enceintes en brique crue) dont la création s'est étendue sur
près de deux millénaires (depuis 1960 av. JC). Sethi Ier, Ramsès II,
Thoutmosis III et Ramsès III s'y sont succédé.
Le sanctuaire
d'Amon, dans la partie centrale, est le plus étendu et le plus spectaculaire
(à mes yeux de néophyte).
Sur un axe nord-ouest à sud-est se succèdent les
vestiges de six pylônes, précédé d'une allée bordée de sphinx à tête de bélier
(symbole d'Amon).
Le second pylône est précédé par la statue monumentale
(15 m) d'un grand prêtre devenu pharaon, Penedjem, vers l'an 1000 av.
JC avec entre ses jambes la "statuette" (plus de 3 m quand même) de Bententa,
fille de Ramsès II.
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KARNAK. |
Allée des sphinx conduisant au
1er pylône. | Cour du temple de Ramsès III.
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Statue colossale de
Penedjem. | Statue de Bententa, fille de Ramsès II.
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Au-delà s'étend l'extraordinaire forêt des 134 colonnes géantes
(21 m) de la salle hypostyle aux chapiteaux papyriformes (en forme de
fleur de lotus ou papyrus) tantôt ouverts tantôt fermés (cette salle a été rendue
célèbre par le roman policier d'Agatha Christie "Meurtre sur le Nil").
A l'origine, ces piliers supportaient des linteaux qui formaient une couverture
au-dessus de la salle. La sécheresse du climat a permis une excellente conservation
des gravures et même des peintures qui enrichissaient les représentations hiéroglyphiques.
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Salle hypostyle
et chapiteaux papyriformes ouverts. | KARNAK Linteau
bien conservé de la salle hypostyle. | Salle hypostyle
et chapiteaux papyriformes fermés. | |
Puis,
de part et d'autre du quatrième pylône se trouvaient plusieurs obélisques.
Il ne subsiste qu'un obélisque de Touthmosis I et ceux d'Hatchepsout en granit
rose.
Tout au fond de l'alignement de construction, au-delà de la "salle des
fêtes" de Touthmosis III subsiste un autre obélisque (une paire initialement)
de sa mère, Hatchepsout qui pendant 20 ans a été la régente de son fils.
A ce niveau, un second axe, perpendiculaire et venant de Louxor, donnait
accès au temple par quatre autres pylônes et des allées bordées de sphinx à tête
humaine.
Au sud des temples principaux s'étendait le lac sacré utilisé
pour les navigations rituelles et les ablutions des prêtres. A l'est du lac, se
trouvent un obélisque non érigé ainsi qu'un énorme scarabée en granit d'Aménophis III.
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KARNAK Vestiges
des temples vus du sud (obélisques d'Hatchepsout)
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Obélisques d'Hatchepsout. |
Pilier héraldique de Touthmosis III.
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Scarabée Aménophis III.
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Sur sa rive gauche (occidentale) du Nil, se trouvait la nécropole
de Thèbes. A partir de la 18e dynastie et pendant le Nouvel
Empire, les pharaons ne se feront plus enterrer dans les temples ou autres monuments
(pyramides, mastabas). Et c'est donc sur l'autre rive du Nil, dans des caveaux
creusés dans la montagne puis dissimulés dans les rocailles qu'ils seront inhumés
à partir de Thoutmosis Ier afin que les sépultures échappent aux pillards.
Nous abordons cette rive du Nil en faisant d'abord étape au pied des
Colosses de Memnon (18 m) , en fait deux statues en grès du pharaon
Aménophis III qui gardaient son temple funéraire, lequel a été complètement
détruit. Eux-mêmes semblent avoir été laborieusement reconstitués.
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Les Colosses
de Memnon. |
Puis c'est un arrêt au très esthétique
temple d'Hatchepsout à Deir el Barhi qui fait tant songer à l'architecture
moderne (au Trocadéro par exemple). Ce temple à fonction funéraire est dédié à
la déesse Hathor (vache au disque solaire).
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DEIR EL BARHI
- Temple d'Hatchepsout. |
La RELIGION
et la MORT dans l'Ancienne Egypte.
LA MORT
Depuis les origines, la croyance égyptienne
en une vie après la mort impose que les défunts soient enterrés avec leurs biens
matériels, afin de pouvoir subsister et tenir leur rang dans l’au-delà.
Lorsque l'esprit, le KA, quitte le corps et devient l'âme, le BA,
il est pris en charge par Isis et Anubis qui l'accompagnent au jugement des mérites
en prenant la direction de "la fin du monde", c'est-à-dire l'ouest, là où disparaît
le soleil, derrière le mont d'Abydos, et de là ils descendent en barque le fleuve
tourmenté des Enfers. Arrivé au lieu du jugement, il faut franchir 7 portes gardées
par des dieux avant de pénétrer dans "la salle de justice d'Osiris" assisté de
quatre juges, les quatre premières divinités. L'âme sera jugée plus sur la bonté
que sur le rang ou le prestige de son ancien possesseur, un concept qui a été
largement repris dans le discours christique des Béatitudes. Le coeur du défunt
qui renferme ces mérites est enfin mis sur un plateau de la balance. Si le jugement
est favorable, l'âme purifiée et rajeunie retrouve les siens au Paradis sinon
elle est rejetée dans les Enfers.
Les conceptions métaphysiques des Anciens
Egyptiens font qu'ils ont un grand respect de la mort et du défunt dont le corps
est l'objet de grands soins afin d'en assurer la conservation: enlèvement des
viscères (sauf le coeur) imbibées de natron (ce sel, un carbonate de sodium, tire
son nom de celui d'un lac salé situé en Tanzanie) placées en général dans des vases canopes, le
crane vidé du cerveau (dont on méconnaissait la fonction psychique) était généralement
rempli d'une résine. Puis le corps était recouvert de cristaux de natron, ce qui
entraînait sa déshydratation et la transformation des graisses. Après
dessiccation,
le corps lavé était enduit de baumes et huiles odoriférantes. Le corps était enfin
entouré soigneusement de bandelettes entre lesquelles étaient insérées des amulettes.
Au terme de plus de deux mois de soins, la momie qui pouvait être déposées dans
un ou plusieurs sarcophages, de tissus stuqué, de bois, de pierre... était alors
prête pour les funérailles.
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Sous un
soleil brûlant de milieu d'après-midi, nous faisons étape dans la Vallée des
Nobles pour y visiter les tombes de Menna, scribe du cadastre et de Nakht,
scribe et astronome d'Amon, sous le règne de Touthmosis IV (environ
-1420).
VALLÉE DES NOBLES - Tombe de Nemma (-1420
env.)
VALLÉE DES NOBLES - Tombe de Nakht (-1420
env.)
Puis notre bus passe au pied
des nécropoles des reines (notamment Néfertari, épouse de Ramsès II) et des
princes, pour nous arrêter dans la Vallée des Rois dont nous visitons 3 tombeaux,
évidemment pas ceux de Toutânkhamon, ni de Ramsès II, ni de la seule femme
intruse en ce lieu, la Reine Hatchepsout.
Dans un lieu aussi aride et austère,
sous un soleil de plomb, avec la silhouette des militaires armés postés sur les
crêtes (pour notre sécurité après l'attentat du 17 novembre 1997 où une centaine
de touristes furent blessés ou tués par un commando armé de la Jamaa Islamiya),
l'atmosphère est pour le moins saisissante.
Ce lieu
funéraire a été choisi dès la XVIIe dynastie (vers 1550 av. JC) et consiste en
des séries de galeries et de salles taillées dans la falaise d'une vallée. Cette
manière beaucoup plus discrète de veiller au repos des pharaons que ne l'étaient
les monuments tels que les pyramides ne les mit pas à l'abri des pillages. Mêmes
lorsque les ouvertures d'accès étaient masquées par la pierraille certains pilleurs
avaient quand même des repères puisque toutes furent pillées, sauf celle de Touthânkamon!...
Pour des raisons de conservations du site, les visites sont plus ou moins
contingentées et les tombes accessibles au grand public le sont par roulement.
En général, les tombeaux s'ouvrent par un long couloir
dont les murs sont ornés de fresques et d'inscriptions, aux couleurs merveilleusement
conservées, déroulant les textes liturgiques du Livre des Morts. Parfois existent
des salles intermédiaires, voire des puits rituels (sortes de pièges sous forme
d'une grande fosse) que les visiteurs franchissent grâce à une passerelle. Enfin,
tout au fond se trouve la salle du sarcophage où des scènes représentent le pharaon
défunt en compagnie d'Osiris, le maître du royaume des morts.
Nous nous
arrêtons un instant devant l'entrée de la tombe de Toutânkhamon, en éprouvant
le regret de ne pas être égyptologues afin d'être autorisés à y pénétrer...
VALLÉE DES ROIS - Entrée du tombeau de Toutânkhamon
Nous avons cependant la chance de visiter le remarquable
tombeau de Ramsès VI, pharaon de la XXe dynastie, dans une période d'instabilité
(environ -1140). Sa tombe est sans doute l'une de celles dont les parois sont
les plus richement décorées (murs et plafonds tant des couloirs que des salles)
d'illustrations des livres sacrés.
Après un long cheminement en
déclivité, on atteint la chambre funéraire où se trouve son sarcophage
brisé mais ce qui retient l'attention ce sont les fresques ornant les parois
inspirées des livres de la terre, du jour et de la nuit. On y voit
la femme aux bras levés, c'est Nout, mère du soleil, qui remet l'astre
du jour en place où l'homme qui efface les 12 heures de la nuit et qui par
son sexe dressé donne naissance à la vie (autre symbolique de la régénération
solaire).
VALLÉE DES ROIS - Parois de la chambre funéraire
de Ramsès VI (-1140 env.)
Quand au plafond, sur un fond
bleu nuit, Nout, la dame du ciel et des étoiles, mère du soleil, en régit
la symbolique astronomique. Elle est représentée en double, dessins pas tout
à fait symétriques bien qu'adossés, dans une curieuse posture de U. Ce
qui retient le plus l'attention, c'est le versant où l'on voit Nout avaler le
soleil à la fin de son parcours diurne au-dessus du Nil, puis le cheminement de
l'astre dans ses entrailles au fil de la nuit, jusqu'à sa réapparition matinale
sous forme d'un disque ailé émergeant de son sexe.
VALLÉE DES ROIS - LA déesse NOUT sur le plafond
de la chambre funéraire de Ramsès VI (-1140 env.)
Dans cette profondeur de la montagne, contrairement à la fraîcheur que l'on pourrait
s'attendre à y trouver, on se retrouve dans une ambiance moite et presque suffocante...
on ne peut guère s'y attarder. Dommage.
Et c'est déjà l'heure de songer au retour, avec de fabuleux souvenirs plein la
tête.
EGYPTE