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Sous le soleil de plomb des tropiques (nous sommes fin avril) du désert nubien,
nous effectuons émerveillés la découverte de ce site splendide...
L'histoire du site d'Abou Simbel est très particulière à plusieurs titres.
C'est d'abord un temple rupestre. Il fut construit (ainsi que 6 autres
temples nubiens) vers 1200 av. JC, à la demande de Ramsès II, grand
pharaon guerrier face aux Hittites puis aux Assyriens. C'était aussi un moyen
d'affirmer son pouvoir sur cette lointaine Nubie, pourvoyeuse depuis toujours
de richesses pour l'Egypte (or, esclaves...).
Ce temple construit à la base
d'une colline d'environ 100 m de haut comportait une façade haute d'environ
30 m avec des statues monumentales de 20 m, en position assise ! Le
temple s'enfonçait dans la roche (un grès) sur une profondeur d'environ 55 m.
Après le déclin de l'ancienne Egypte, il fut oublié (et protégé des
injures du temps et des vandales) d'autant plus facilement qu'il fut ensablé sur
les rives du Nil. Ce n'est que fortuitement qu'il fut découvert au début du
XIXe s.
Puis vint le coup d'état militaire de 1952 qui
mit fin à la monarchie du roi Farouk et qui mit Gamal Abdel NASSER à la
tête de la "république".
Celui-ci avait des ambitions de développement pour
son pays et, dès 1956, un projet de barrage sur le haut Nil vit le jour à Assouan.
Les pays occidentaux refusant d'y apporter leur aide, cela conduisit à la nationalisation
du canal de Suez et à un conflit dont l'issue lui fut malgré tout favorable, grâce
à l'intervention des Etats-Unis et de l'ONU.
Ayant retourné son alliance
vers l'Union Soviétique (subventionnant le tiers du projet), il put enfin lancer
son projet de barrage au début de années 1960.
Face à la menace
d'engloutissement du patrimoine archéologique de 14 temples nubiens, la communauté
internationale se mobilisa, sous l'égide de l'UNESCO
et procéda alors à leur démontage et à leur remontage au cours de la période
1964-68.
De nouveaux travaux pharaoniques ! (notamment avec le
concours d'entreprises et d'archéologues allemands).
Dans l'urgence, pour
parer à l'inéluctable engloutissement, le site fut maintenu au sec grâce à la
construction d'une digue provisoire (un batardeau réalisé à l'aide de palplanches)
puis, à l'aide de scies actionnées par deux hommes, on procéda au découpage dans
la colline de quelques 1000 blocs (plus de 2000 selon d'autres sources) dont certains
pesant jusqu'à 30 T.
Le
site est inscrit au Patrimoine
mondial de l'UNESCO depuis 1979 .
Pour reconstituer les temples rupestres, taillés à même la roche (comme
les églises de Pétra en Jordanie ou les statues géantes de Bouddha à Bamiyan en
Afghanistan), les archéologues ont fait scier méticuleusement en gros blocs les
falaises qui allaient être noyées et les ont fait remonter sur une terrasse supérieure
(65 m plus haut), au niveau du lac, sous forme d'une colline artificielle
(son intérieur est creux et formé d'une armature-support faite de coques en béton
précontraint).
On notera que l'on perçoit les traits de coupe (6 mm).
Le grand temple dédié à Rê semble tout autant destiné
à la glorification de Ramsès II soi même comme le montrent les 4 statues
colossales (20 m de haut, visages de 4 m de large) qui ornent la façade
et ont à leurs pieds de petites statues représentant des membres de la famille
du pharaon.
Ramsès II, souverain au règne
exceptionnellement long (1279-1213 av. J-C), a "bâti" son image
de souverain-modèle notamment grâce au gigantisme des édifices
qu'il a laissés à sa gloire, tels les colosses d'Abou Simbel ou
la fameuse salles hypostyle du temple de Karnak que l'on découvrira dans
quelques jours. Sa puissance a aussi reposé sur une forte armée,
celle qui lui permit au début de son règne de battre les Hittites
(basés dans l'actuelle Turquie).
On pénètre d'abord dans
un couloir bordé de 8 grandes statues osiriaques de Pharaon portant, croisés
sur la poitrine, les insignes du pouvoir terrestre, la crosse pastorale et le
fléau d'Osiris. Il conduit à une première salle hypostyle à quatre piliers
carrés, le pronaos, sorte de vestibule, décorés de fresques très colorées
et d'inscriptions hiéroglyphiques. Il ouvre sur des pièces latérales.
Encore plus profondément, à 65 m de l'entrée, se trouvent trois chapelles ;
celle du milieu constitue le saint des saints. On accède au naos (ou cella) ,
le sanctuaire où seuls les prêtres et le pharaon pouvaient pénétrer. Derrière
l'autel se tiennent 4 statues de divinités ou de divinisés dont Ramsès évidemment.
Ce qui est extraordinaire, c'est que le temple est orienté de sorte que lors
des deux périodes d'équinoxes, les rayons du soleil levant pénètrent jusqu'au fond
du sanctuaire (seul Ptah, représentation du chaos originel reste dans l'obscurité!).
Détail de la façade du temple
de Ramsès. ABOU SIMBEL
Façade du temple de Ramsès.
Couloir du temple de Ramsès.
Une autre grande originalité de ce site, c'est que Pharaon avait
également fait édifier un temple en l'honneur de son épouse. Ce qui est tout
à fait exceptionnel. En effet, à proximité du grand temple, se dresse un autre
temple rupestre, dédié à la déesse Isis-Hathor et accessoirement à la reine
Néfertari dont la statue, aussi grande que celle de Ramsès, orne la façade
de ce temple.
Nous quittons
le site écrasé de chaleur vers la fin de la matinée pour traverser sur plus de
250 km cette partie nubienne du Désert de Libye. Paysage aride où se manifestent
de temps à autre quelques mirages de lacs et où d'autres zones bénéficient de
l'eau apportée par des grands canaux d'irrigation depuis le Lac Nasser.
Pour des raisons de sécurité, en raison
de problèmes d'infiltrations islamistes depuis le Soudan voisin, nous formons
une colonne de bus escortés par des véhicules militaires et accompagnés dans chaque
bus par un militaire en civil mais armé d'une kalachnikov!
Enfin, nous franchissons le pont sur ne Nil, au niveau du barrage d'Assouan...
EGYPTE